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Par Carenews INFO - Publié le 10 avril 2020 - 09:00 - Mise à jour le 10 avril 2020 - 12:31
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Elise Leclerc (ESSEC) : « La mesure d’impact est un marché complexe et encore mouvant »

Quelles structures évaluent l’impact en France ? Quelles différences de méthodes entre les grands cabinets d’audit et les agences spécialisées ? Existe-t-il des solutions gratuites ? Elise Leclerc, directrice du Labo Evaluation et Mesure d’Impact Social de l’ESSEC, nous apporte ses lumières sur un sujet clé de l’économie sociale et solidaire.

Crédit photo : Elise Leclerc.
Crédit photo : Elise Leclerc.

De nature environnementale, économique ou sociale, l’impact représente, selon le Guide de la mesure d’impact social réalisé par l’association (Im)prove pour la Fondation Rexel, « l’ensemble des changements positifs ou négatifs, attendus ou inattendus, et durables engendrés par les activités mises en place et attribuables à ces activités ». Sa mesure consiste à mettre en place des indicateurs permettant de collecter et analyser les données quantitatives et qualitatives relevées. 

KPMG, EY, Im-prove, Utopies, KiMSO, Eexiste... Des plus grands cabinets d’audit financier aux agences spécialisées, la mesure d’impact est devenue un incontournable des services proposés aux entreprises et structures de l’ESS de toutes tailles. Un marché étendu, difficile à cerner, sur lequel Elise Leclerc, directrice du Labo Evaluation et Mesure d’Impact Social de l’ESSEC, nous a éclairé.   

  • Depuis quand fait-on de la mesure d’impact en France ?

La mesure d’impact est un mouvement anglo-saxon qui a emboîté le pas aux évaluations de politiques publiques aux États-Unis et au Royaume-Uni il y a une vingtaine d’années, et est arrivé en France il y a environ dix ans. À l’origine, il s’agissait d’une méthode liée au monde de l’entreprise et de la finance, qui s’intéressait pour la première fois aux aspects sociaux invisibles dans les études d’impact traditionnelles. Le mouvement a ensuite grandi, en partie sous l’impulsion des financeurs. Avec la rationalisation des budgets, ils ont voulu comprendre les impacts sociaux en question pour aider à la prise de décision. 

La professionnalisation du secteur de l’ESS, d’autre part, a apporté toute une dimension de monitoring et d’évaluation des impacts et changements provoqués — au lieu de seulement prendre en compte le nombre de personnes aidées. Ces deux impulsions ont entraîné une forte croissance des demandes de mesures d’impact de la part des porteurs de projets mais aussi des financeurs. 

Des cabinets spécialisés ont commencé à se monter il y a une dizaine d’années, et les grands cabinets d’audits se sont emparés de la question ces six dernières années. Sans oublier les troisièmes acteurs de la mesure d’impact : les chercheurs, comme l’ESSEC. L’école a par exemple importé dès 2012 le SROI (Social Return on Investment, ou retour social sur investissement), une approche croisant les données économiques et sociologiques pour mesurer, et si besoin monétariser, les impacts sociaux d’un projet. 

  • En quoi diffèrent les méthodes de mesure d’impact entre les grands cabinets d’audit et les agences spécialisées ?

Il n’y a pas de différence de méthode connue entre les grands cabinets et les agences spécialisés. Les méthodes utilisées par chaque acteur dépendent du périmètre du projet étudié, et de ce que le client souhaite faire de l’évaluation — selon s’il s’agit plutôt d’un outil de communication, d’une base d’amélioration ou des deux. 

A priori, toutefois, les grands cabinets font davantage d’études « macro », commanditées dans le cadre de la RSE d’une entreprise. Ils sont souvent sollicités par des grands groupes cherchant à connaître l’impact social d’un secteur ou d’un projet, parfois à l’international, sur un volume de bénéficiaires conséquent. Dans le cadre de la RSE, ces cabinets ne travaillent donc pas uniquement sur des projets à finalité sociale, tandis que les agences spécialisées sont souvent davantage concernées par des acteurs français dont les projets ont une finalité d’impact social (mutuelles, assurances, fondations…).

  • Combien coûte en général une mesure d’impact ?

Là aussi, les cabinets de conseil et les agences d’évaluation font du sur-mesure. Cela peut aller de 5 000 euros pour les toutes petites structures avec quelques entretiens qualitatifs, à 100 000 euros — ou plus — si l’évaluation s’étend sur plusieurs années. Tout dépend du périmètre et de ce que l’on appelle évaluation, et sur quel échantillon. Une évaluation d’impact social effectuée sur six mois pour une entreprise sociale de taille moyenne coûte environ 20 000 euros. Les coûts de cette évaluation peuvent être pris en charge par les entreprises quand il s’agit d’une évaluation effectuée dans le cadre de la RSE, les ministères ou les fonds publics pour les études macro, ou encore les entrepreneurs sociaux, grâce à un financement dédié compris dans l’investissement. De plus en plus de financeurs prévoient ce coût en amont, ce que l’ESSEC encourage vivement. 

Il est à noter que quelques solutions gratuites existent, via le pro bono, mais aussi quelques programmes. Antropia ESSEC, l’incubateur d’entreprises sociales de l’ESSEC, a ainsi créé en collaboration avec Ronalpia le programme Size Up, dans lequel huit entrepreneurs sociaux sont accompagnés sur un an par des experts dans la réalisation de leur mesure d’impact.

  • De quelle(s) grille(s) d’analyse des méthodes dispose le secteur ?

Convergences a bien sorti un Vademecum de la mesure d’impact social avec un objectif d’exhaustivité en travaillant avec tous les acteurs de la mesure d’impact social (dont l’ESSEC) mais sinon, comme il s’agit d’un nouveau domaine émergent, chacun adapte son approche par rapport aux besoins de l’écosystème. L’Avise met notamment un certain nombre de ressources à disposition des entrepreneurs sociaux. Il n’y a pas de consensus, ni de répertoire sur qui utilise quelle méthode. La mesure d’impact est un marché complexe et encore mouvant.

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau 

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