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Par Carenews INFO - Publié le 8 avril 2021 - 16:00 - Mise à jour le 12 janvier 2022 - 07:01 - Ecrit par : Christina Diego
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Les directions de l'engagement: quels enjeux pour les entreprises?

Un nouveau profil a émergé dans les grandes entreprises : le/la directeur/directrice de l’engagement. Comment sont organisées ces directions de l’engagement, quelles sont leurs frontières avec la fondation d’entreprise et la RSE ? Décryptage.

Les directions de l'engagement des entreprises se déploient dans les grands groupes.  Crédit : iStock
Les directions de l'engagement des entreprises se déploient dans les grands groupes. Crédit : iStock

 

Ces dernières années, de nouvelles formes d’engagement émergent dans les entreprises. Ce sujet a pendant longtemps concerné les problématiques liées au développement durable et dans une moindre mesure, au sociétal. Récemment, les entreprises ont compris qu’il était de leur intérêt d‘aller plus loin. Entre la crise sanitaire qui bouscule les modes de consommation, les récentes prises de position de l’opinion publique sur un besoin de plus de transparence en matière de responsabilité des grands groupes, l’engagement des entreprises se traduit par des réorganisations internes aux couleurs plus sociétales. D’une entreprise à l’autre, l’organisation de ces grandes directions de l’engagement diffère. Quelles sont les frontières entre direction de l’engagement, RSE (responsabilité sociale et environnementale) et fondation ? 

Nous avons interrogé différent.e.s directrices /directeurs de l’engagement de grandes entreprises comme BNP Paribas, Total, le Groupe La Poste, La Banque Postale ou encore le Groupe ADP pour mieux comprendre leurs périmètres et organisations. 

 

Les directions de l’engagement, une nouvelle étape de la RSE ?

La création de directions de l’engagement au champ d’action de plus en plus étendu suscite de nombreuses questions.  Quelles sont leurs frontières avec les sujets qui relèvent du périmètre de la RSE ? Est-ce une étape supplémentaire dans la politique responsable de l'entreprise ? Comment ces directions de l'engagement sont-elles organisées en interne ?

Premier constat, l’engagement sociétal et la RSE n’opèrent pas sur les mêmes champs d’action. L’engagement sociétal de l’entreprise regroupe les actions dédiées à des sujets sociétaux ou sociaux, comme les inégalités sociales ou l’emploi par exemple. La RSE est, quant à elle, axée sur une logique endogène. Elle se consacre à la mesure quantitative des performances environnementales, sociales et économiques (coûts engendrés). Elle était, historiquement, beaucoup moins tournée vers les questions sociétales (extérieures à l'entreprise). Aujourd’hui, les directions de la RSE font très souvent partie de la direction de l’engagement, les frontières deviennent perméables, mais leurs périmètres d’action restent concentrés sur leur domaine d’activité.

Jean-François Rodriguez , directeur de la performance RSE au sein du Groupe La Poste nous détaille comment les frontières restent clairement définies entre les sujets de l’engagement sociétal du Groupe La Poste et son périmètre, la RSE. « Muriel Barnéoud a été nommée directrice de l'engagement sociétal en novembre 2016. Le Groupe La Poste a ainsi engagé une profonde transformation au niveau de sa politique de développement responsable. La RSE porte essentiellement sur des enjeux de conformité, un certain nombre de règles que l'entreprise responsable se doit de respecter, au niveau du développement durable. La direction de l’engagement sociétal répond, quant à elle, à la question du rapport de l’entreprise avec la société, comment elle évolue en même temps qu’elle contribue à faire évoluer la société. » Pour Jean-François Rodriguez,  les évolutions entre ces deux périmètres seront liées à l’importance de la question de l’environnement pour la RSE. « Les enjeux vont devenir plus forts sur le social et le sociétal, notamment sur les questions humaines et du travail, ce sont les véritables enjeux des directions de l'engagement, en comparaison à la RSE. Et c’est un mouvement qui va s’amplifier. » Pour lui, la direction de l’engagement a une place stratégique : « c’est stratégique, car c’est lié à l’évolution même du métier au sein du Groupe La Poste, à la façon dont l’entreprise se transforme, et comment elle répond aux besoins de la société. »

Dans le Groupe La Poste, une nouvelle direction de l’engagement citoyen vient d'être annoncée en mars dernier par une de ses filiales, La Banque Postale.  « La Banque Postale souhaite réaffirmer son ambition au service d’une transition juste, répondant aux enjeux environnementaux, sociétaux, territoriaux et numériques. Inscrite dans le plan stratégique 2030, cette ambition sera portée par la direction de l’engagement citoyen, confiée à Adrienne Horel-Pages, nommée au comité de direction générale et rattachée au Président du directoire ». Dans le détail, la mission affichée de cette direction de l'engagement est clairement en lien avec les enjeux de la RSE du Groupe.  Un exemple de plus d'une direction de l'engagement qui s'inscrit au cœur de la stratégie des entreprises. 

Des directions de l’engagement au coeur de la stratégie

Signe de la prise en compte des sujets sociétaux au plus haut niveau de gouvernance, le directeur ou la directrice de l’engagement a pris sa place dans les comités exécutifs des entreprises, au plus près de la direction générale. Cette fonction intègre, selon l’entreprise, comme nous allons le voir plus loin, la RSE et souvent la fondation. Cette grande direction transversale traduit très concrètement les engagements sociétaux et environnementaux de l’entreprise qui lui permettent de démontrer ainsi ses impacts positifs sur la société. 

C’est ce que nous explique Laure Kermen, directrice de l’Engagement Citoyen du Groupe ADP et déléguée générale de la Fondation du groupe ADP. 

« Depuis l’arrivée de l’actuel président du Groupe ADP, en 2014, un des angles essentiels de la stratégie concernait la dimension de l’engagement du groupe. Certaines choses avaient été faites, plus sur la dimension RSE, le développement durable et environnemental, et un peu moins sur la dimension sociétale. » Depuis janvier 2019, Laure Kermen est à la tête d’une direction de l’engagement citoyen, en gardant la direction de la fondation afin de structurer le mécénat. 

Chez BNP Paribas, c’est Antoine Sire le directeur de l'engagement depuis 2017. 

« En tant que directeur de l’engagement, je fais partie du comité exécutif de la banque. En incorporant cette direction au comex à sa création en 2017, Jean-Laurent Bonnafé a voulu marquer l'importance de ce sujet pour la Direction Générale, mais aussi montrer qu'il devenait l'affaire de tous. Cette organisation permet d’avoir une ligne stratégique claire : l’ensemble de nos dirigeants et de nos directions s’investissent pour faire bouger les lignes, ce qui est une condition essentielle d'un engagement véritable », nous explique-t-il. 

La direction de l'engagement d'entreprise de BNP Paribas regroupe les directions de la RSE, de la communication, la fondation et une “équipe projet” chargée d'assurer la transversalité de la démarche dans toute l'entreprise, travaillant sur des projets de transformation et de coalitions. Cette stratégie d’engagement est animée et coordonnée par un comité de pilotage de l’engagement composé d’une vingtaine de responsables de l’engagement de chaque métier et des différentes géographies dans lesquelles le groupe BNP Paribas est implanté, mobilisant ainsi les collaborateurs dans leurs écosystèmes locaux. « Cette direction de l’engagement collégiale coordonne le projet de notre groupe vis-à-vis de la société civile. À travers cette direction, BNP Paribas mobilise l’ensemble de ses moyens de banquier, d’employeur, d’acheteur et de mécène » détaille Antoine Sire.

Autre grande entreprise à avoir fait évoluer les engagements en se dotant d’une grande direction de l’engagement, le groupe Total. En 2016, Manoelle Lepoutre, directrice de l’engagement société civile et déléguée générale de la Total Fondation, prend ses fonctions, alors que le groupe vient de retravailler sa vision en intégrant les questions climatiques dans sa stratégie. Depuis 2015, la notion de responsabilité était au cœur des ambitions de Total, avec notamment l’intégration de la direction climat au sein de la direction stratégique du Groupe.

« L’entreprise s’est restructurée en conséquence avec la création d’une direction climat et d’un pôle People and Social Responsibility, avec une direction engagement société civile chargée de coordonner l’ensemble des engagements pris par Total pour la société au-delà de la stricte réglementation et de la politique sociétale du groupe. Nous considérons qu’une compagnie comme la nôtre doit avoir un réel impact et se concentrer sur ce sujet pour toujours progresser » nous précise Manoelle Lepoutre.  Cette direction de l’engagement est également composée de la direction des droits humains, « c’est la colonne vertébrale de l’engagement de l‘entreprise ». Elle intervient sur quatre domaines : le respect des collaborateurs (inclusion, handicap, genres), le respect des droits humains dans la supply chain, par exemple elle veille à ce que le Groupe se donne les moyens pour qu’aucune marque ni société choisies n’aient recours au travail des enfants, le respect des droits humains des personnes qui pourraient être impactées par des projets de Total, et, le groupe ayant des implantations dans 130 pays, le respect des droits humains dans les activités de sûreté dans le cadre de projets complexes. « La stratégie de l’engagement est aussi un levier de dialogue et de communication avec les parties prenantes internes et externes » nous indique-t-elle. 

Ces directions de l’engagement ont donc mis l’accent sur un engagement très « sociétal » de leur groupe. Or, l’engagement des entreprises a été pendant de longues années piloté par les fondations, dans le cadre du mécénat. 

 

La question des fondations

Se pose alors la question de la place de la fondation dans ces nouvelles organisations. Autrefois, les entreprises avaient confié les enjeux de développement durable aux équipes de la RSE et d’un autre côté, leur engagement pour l’intérêt général était porté par leur fondation, par des actions de mécénat. Aujourd'hui ces frontières deviennent plus fines. La fondation est un des éléments de ces grandes directions dédiées à l'engagement, avec la RSE.  Mais la finalité de l'engagement de la fondation est toujours le même, celui du mécénat, à caractère philanthropique au service de l'intérêt général. 

Les directeurs/ directrices de l'engagement des différentes entreprises interrogées sont à la tête de la fondation. 

Manoelle Lepoutre est la directrice de l’engagement société civile et également déléguée générale de la Total Foundation. Elle nous explique les missions de sa fondation :  « En tant que déléguée générale de la Fondation du groupe Total depuis 2016, j’ai souhaité mener une réflexion sur le mécénat et analyser ses enjeux. C’est ainsi que le programme international de Total Foundation a été créé et défini avec deux fils rouges, les territoires et la jeunesse. Et quatre domaines d’intervention : l’éducation et l’insertion professionnelle des jeunes, la sécurité routière, le climat et l’environnement, et le dialogue des cultures et le patrimoine. Nous souhaitons créer des liens et des ponts au sein des territoires et de la cohérence sur l’engagement global que le groupe a envers la société ».

Laure Kermen est également directrice de l'engagement citoyen et déléguée générale de la fondation du Groupe ADP. Sa fondation a en charge « des missions de mécénat de compétences des collaborateurs sur des projets humains dans les territoires, axés sur l’accompagnement des jeunes issus des quartiers de la politique de la ville, pour leur donner la possibilité d’accéder à des emplois proches de leurs quartiers, dans un territoire donné. De ce fait, elle est rattachée à la direction de l’engagement sociétal ». 

Chez BNP Paribas, la fondation, première fondation d’entreprise créée en France en 1984, relève également du périmètre de la direction de l'engagement d'Antoine Sire. 

« La fondation s’occupe de programmes très spécifiques dans les domaines de l’environnement, des solidarités et de la culture. Sur l'environnement, elle a un rôle de mécène important de la recherche pour le climat. La fondation soutient de longue date le combat pour l'égalité des chances, notamment à travers le Projet Banlieues et diverses actions menées en Seine-Saint-Denis, département dont nous sommes le premier employeur privé. Les responsables de la fondation coordonnent et pilotent également le mécénat mondial de BNP Paribas, la France ne captant qu’un tiers des fonds engagés ». Sa présence dans le domaine de la culture est également un acte citoyen important, illustré par le soutien à de nombreux artistes depuis le début de la crise Covid-19.

La Fondation SNCF vient d’annoncer en mars 2021 une nouvelle stratégie, sur cinq ans, en lien avec la stratégie RSE du groupe. Le directeur de l’engagement sociétal et de la transition écologique, Mikaël Lemarchand, est également le vice-président de la Fondation SNCF.  Et Laetitia Gourbeille a été nommée déléguée générale de la fondation. Celle-ci a défini dans ses prérogatives « un nouvel engagement solidaire et citoyen par lequel la fondation mènera des missions de cohésion sociale, territoriale et d’inclusion dans les territoires en interaction avec ses salariés ». 

Autre cas de figure, la fondation du Groupe La Poste est, quant à elle, une entité à part entière. Elle a comme mission principale de promouvoir la lutte contre l'illettrisme, un sujet éloigné des thématiques de la direction de l’engagement sociétal du Groupe. 

 

Pour Jean-Marc Pautras, délégué général du Centre Français Fondation, l’engagement est un sujet cher au secteur des fondations et des fonds de dotation. Cela traduit l’engagement des fondateurs, en tant qu’entreprise ou particulier. Pour lui, il est nécessaire qu’il y ait une différence notable entre les actions de la direction de l’engagement ou de développement durable et celles de la fondation. « La fondation doit être décorrélée du cœur de l’activité de l’entreprise contrairement aux actions de la direction de l’engagement qui par nature sont rattachées au business de l’entreprise. La différence entre l’action de la fondation et l’action de la direction de l’engagement se situe clairement à ce niveau. Le mécénat est “fiscalement” par définition désintéressé dans son principe et doit ne pas venir alimenter le business de l’entreprise. Que la direction de l’engagement chapeaute la direction de la fondation me paraît tout à fait normal et c’est cohérent ». Jean-Marc Pautras indique d’ailleurs qu’effectivement l'organisation interne peut être très variable d’une entreprise à l’autre. Certaines entreprises ont créé des postes doubles, directeur du développement durable et de la fondation, avec une seule personne à la tête des deux entités. C’est la raison pour laquelle certaines fondations peuvent être rattachées soit à la direction développement durable ou à celle de l’engagement et c’est souvent très adapté à l’histoire et à la réalité de l'entreprise. 

D’une organisation à l’autre, les frontières des fondations semblent se confondre de plus en plus avec l’engagement sociétal des nouvelles directions. La montée en puissance des directions de l’engagement rend logique le rapprochement des entités fondations et engagement sociétal.

De quoi s’interroger sur l’évolution de ces différentes organisations, à l’heure du passage, pour certaines, en entreprise à mission avec la concrétisation de leurs raisons d’être. La responsabilité, l’impact et l’engagement des entreprises n’ont jamais autant été au cœur d’un monde d’après qui se fait attendre. 

 

Christina Diego 

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