Aller au contenu principal
Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 13 juillet 2023 - 18:05 - Mise à jour le 19 juillet 2023 - 15:56
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Philanthropes et démocratie : un entretien avec Anne Monier

Notre Dame brûle et le débat sur la philanthropie s'enflamme ! La question de la philanthropie et de la démocratie est permanente en France avec des positions tranchées entre ceux qui considèrent qu’il s’agit d’une prise de pouvoir des philanthropes riches sur la chose publique et ceux qui pensent que la philanthropie est un outil complémentaire à l’action de l’État. L’entretien avec Anne Monier, chercheuse à la Chaire Philanthropie de l'ESSEC, éclaire les points de vue opposés sur ce sujet.

[INTERVIEW] Anne Monier, chaire philanthropie ESSEC. Crédit photo : iStock.
[INTERVIEW] Anne Monier, chaire philanthropie ESSEC. Crédit photo : iStock.

Philanthropes ou philanthropie ?

  • Anne Monier, vous êtes une chercheuse reconnue dans le domaine de la philanthropie. Parmi les livres que vous avez publiés, vous avez un écrit intitulé Philanthropes en démocratie. Je souhaitais m’entretenir avec vous sur ce sujet en commençant par une question qui a trait à ce titre : « Philanthropes en démocratie » et non pas « Philanthropie en démocratie ». Pourriez-vous déjà me dire quelques mots sur ce choix. Il y a souvent une forme de confusion entre philanthrope et philanthropie, car immédiatement on dérive vers des images préétablies…

 

Votre question revient sur l’un des sujets de discussion que nous avons eus au moment où nous avons choisi le titre avec Sylvain Lefèvre et Nicolas Duvoux. Nous hésitions entre « Philanthropie et démocratie » et « Philanthropes en démocratie ». Nous nous sommes dit que philanthropie et démocratie étaient deux abstractions entre lesquelles on ne voyait pas exactement les liens et que Philanthropes en démocratie était plus concret. Il nous a paru aussi plus intéressant d’avoir une approche qui passe par les acteurs. 

 

  • Les philanthropes ne sont pas les seuls acteurs de la philanthropie. Il y a aussi  les associations, les fondations, les donateurs et les bénévoles par exemple, c’est un écosystème. 

 

Absolument et je considère toujours la philanthropie comme un écosystème composé de tout un ensemble d’acteurs comme vous l’avez dit, à la fois philanthropes (donateurs), associations, réseaux, experts… Mais il est vrai que l’un des éléments les plus débattus est celui du rôle des philanthropes dans la démocratie notamment la grande philanthropie dont nous parlons dans le livre.

France-USA : une philanthropie bien différente 

Elle concerne beaucoup  la philanthropie américaine, mais si l’on regarde les volumes, on n’est pas du tout dans le même état d’esprit quand on pense à Bill Gates et à d’autres, car en France personne ne met 30 milliards de dollars dans une fondation.

 

Absolument, ce ne sont pas les mêmes volumes et le rôle de la philanthropie n’est pas le même en France et aux États-Unis. Malgré tout, il y a quand même des grandes fortunes en France dont les dons ont provoqué de nombreux débats au sein de l’opinion publique. On peut repenser à l’épisode de Notre-Dame. Je pense aussi aux liens avec la démocratie : les enjeux ne sont pas les mêmes en France et aux États-Unis.  

 

  • Quelles sont les différences ?

 

Ne seraient-ce que les volumes. Une grande partie de la vie publique américaine est constituée par la philanthropie. Elle est partout, la plupart des citoyens sont philanthropes et une grande partie des politiques publiques est liée à des actions de philanthropie. Je pense par exemple à l’éducation. Un grand nombre d’écoles sont financées de manière privée, ce qui n’est pas du tout le cas en France. En France, peut-être que l’un des enjeux principaux est plutôt la place grandissante des acteurs économiques dans des domaines qui étaient jusque-là l’apanage du secteur public. Je pense par exemple bien sûr à la culture, à l’éducation, à la santé, ce qui peut faire soulever des questions quant au rôle de ces acteurs économiques. J’ai beaucoup travaillé sur le secteur culturel. Il y avait parfois un questionnement sur le fait de savoir si les mécènes ne vont pas finalement prendre une place plus importante, avoir un droit de regard sur les politiques culturelles, sur la programmation de certaines institutions et là on en revient à la question démocratique.

 

  • Est-ce qu’ils l’ont ce droit de regard ?

 

Ils ne l’ont pas de la même manière qu’aux États-Unis où les institutions culturelles sont vraiment dirigées par les grands mécènes qui ont un poids très important. En France, ce n’est pas le cas, le secteur est construit de manière à ce que les acteurs publics aient encore une grande importance, mais l’une des principales difficultés est que les acteurs publics s’adaptent aux mécènes. Par exemple, quand un musée a envie de créer une grande exposition, parfois le musée va se demander ce qui va plaire aux mécènes.  À partir de là, on peut dire qu’il s’agit d’une forme d’influence indirecte sur la prise de décision des acteurs publics. Ce sont tous les acteurs récipiendaires des dons qui vont avoir tendance à s’adapter aux mécènes et donc faire évoluer leur choix de telle ou telle politique pour l’institution.

 

  • Vous indiquez  que 60 ou 70 % vont dans les universités, les grandes écoles…

 

Paul Vallely, dans une conférence récente à l’ESSEC, fait le constat que 80 % des dons aux États-Unis sont pour les institutions d’élite, c’est-à-dire vont aux grandes universités, grandes institutions culturelles, grandes écoles…

 

  • Il y a toutefois un côté qui n’est pas inintéressant, c’est l’action au niveau de la communauté que vous connaissez bien aux États-Unis, avec par exemple le soutien à son école locale. C'est un élément de participation à un projet collectif ? 

 

Absolument, mais cela pose aussi la question de la participation à la vie collective. Aux États-Unis, on participe à la vie de la cité, à la « polis » par la philanthropie, par la vie communautaire, et on va donner à son école, à son église, au musée de sa ville. Et c’est le cas même des petits philanthropes. Il y a cette notion de « giving back to the community » qui est très forte avec un attachement à une forme de collectif qui est différente de ce qui se passe en France. Ici, il y a un contrat social entre l’État et les citoyens sans notion de communauté.  

 

  • En matière de démocratie locale, je pense que c’est intéressant.

 

Et cela revient à ce que disait Tocqueville, quand il compare la France et les États-Unis, sur l’importance de la communauté, du collectif, dans la société américaine. 

Démocratiser la philanthropie

  • Si on revient à la France, les dons, qu’ils soient des entreprises ou des particuliers, représentent à peu près 8 à 8,5 milliards d’euros pour lesquels l’État accorde 60 à 66 % de réductions fiscales.  C’est finalement beaucoup, mais pas beaucoup comparé à la moindre politique d’État. Ces chiffres ne sont pas si élevés et incluent une multitude de petits donateurs. Aussi, je ne comprends pas pourquoi cette question de la philanthropie hystérise le débat. N’existe-t-il pas des présupposés qui diraient que l’État doit tout faire et que la philanthropie ne doit pas exister ? Vous avez cité dans votre livre Julia Cagé avec son livre Le prix de la démocratie, qui s’inscrit dans la lignée de ce qu’avait proposé Thomas Piketty en disant qu’il faudrait que chacun ait droit à 50 euros et qu’il pourrait les donner à son gré. Cela ressemble à une sorte de nationalisation du don.

 

C’est une question très complexe que vous posez. En même temps je trouve intéressante cette idée de démocratiser la philanthropie. Le problème de la philanthropie, c’est qu’elle donne un certain pouvoir à une minorité d’individus sur des questions qui concernent une grande partie des citoyens. L’idée de se dire que l’on permet à tout le monde de choisir certaines causes ou certains sujets qui peuvent leur tenir à cœur permet de renforcer l’aspect démocratique de la philanthropie. Il y a aussi cette question parce que finalement les contribuables en viennent à subventionner la générosité des donateurs. 

 

  • La moitié des Français ne paient pas d’impôts, ils n’ont donc pas de déduction fiscale.

 

C’est injuste, car ces personnes, quand elles font des dons, n’ont pas de déduction fiscale.

 

  • Est-ce que l’on ne traite pas là deux sujets en même temps ? Si j’ai bien compris ce que vous écrivez, vous considérez qu'il est injuste de permettre que les grands philanthropes existent parce qu’ils ont gagné beaucoup d’argent et qu’ils en utilisent une partie avec une déduction fiscale que leur accorde l’État. La philanthropie est-elle là pour régler la question politique du niveau de la fiscalisation des riches ?

 

Effectivement, non, ce sont deux sujets différents.

 

  • Oui, mais qui sont idéologiquement mélangés.

 

Ils ne sont pas idéologiquement mélangés. Ce qui se passe, c’est que la philanthropie permet à une minorité de faire certains choix et donc de soutenir certaines causes au nom du plus grand nombre, ou en tout cas à la place du plus grand nombre. D’autre part, ces choix-là sont payés en partie par le contribuable via la défiscalisation.

Élites et philanthropie

  • Dans une société qui n’est pas étatisée, ne peut-on considérer que l’État puisse travailler avec des acteurs privés de l’intérêt général pour mettre en place des politiques que lui-même n’est pas capable de mener ?  Ainsi, avec une vision plus participative de l’action philanthropique, on pourrait considérer que la dépense n’est pas un coût fiscal, mais plutôt d’un coût d’investissement pour la société ? 

 

Je n’irai pas jusque-là, je plaide pour une vision nuancée de la philanthropie. Je pense que c’est très difficile, comme vous le disiez justement, parce que cela renvoie aux difficultés que traverse la France actuellement en termes de vie démocratique. Je pense aussi que ce que vous appelez l’hystérisation vient du fait que la philanthropie cristallise un certain nombre de débats quant au rôle des élites dans la démocratie. Je pense qu’il est important de pouvoir critiquer la philanthropie pour aussi voir ce qui pourrait être fait pour qu’elle contribue à la démocratie. 

 

  • La question est de savoir si elle contribue à la démocratie et sur quelle vision de la démocratie. Je comprends très bien que l’on puisse critiquer la philanthropie comme tout système, mais c’est une critique qui n’est pas opérationnelle. C’est une critique politique de gens qui pensent que, lorsque des donateurs ont souhaité apporter 100 millions d’euros pour Notre-Dame, ils auraient mieux fait de les utiliser pour les plus pauvres ou tout autre cause sociale. C’est une question très sensible qui revient à se demander si l’on a le choix de donner son argent où et comme on le veut. Je rappelle que ces donateurs ne souhaitaient pas de déduction fiscale.

 

L’exemple de Notre-Dame c’est l’exemple parfait du fait que ces questions renvoient à des débats plus globaux qui dépassent la philanthropie, sur le fait que les plus pauvres ont énormément de difficultés, aggravées par l’inflation et que donc l’idée que l’on puisse dépenser autant d’argent pour un monument pouvait paraître indécent aux yeux de certains.

 

  • La question à poser est plutôt celle de l’efficience des politiques d’État. Par exemple, il y a des milliers de personnes qui dorment dans la rue, alors qu’il y a plusieurs milliards qui sont dédiés à cette question. Cent millions d’euros, même si évidemment ce chiffre représente un montant très élevé, en regard des politiques d’État, ce n’est pas significatif. Je pense qu’un donateur peut choisir la cause qu’il veut soutenir.

Je ne sais pas s’il y a une inefficacité du système et il faut regarder là où l’argent est mis. Il doit y avoir une analyse précise sur cette question de savoir où l’Etat met l’argent et on revient un peu à cette question de l’égalité entre les populations. 

Philanthropie, Démocratie et Pouvoir

  • Très bien, mais je reste assez partisan d’une liberté de ces financements privés qui, comme nous l’avons déjà souligné, ne sont pas relativement si importants en volumes. Revenons sur cette question de démocratie. Quand on parle de démocratie, on peut parler de plusieurs choses ? 

 

 

Pour moi la démocratie c’est vraiment au sens grec des termes demos et kratos : le pouvoir du peuple. Le pouvoir du peuple qui renvoie aussi à cette idée d’égalité, c’est à dire qu’au sein de la démocratie chacun a le même pouvoir. Nous sommes tous détenteurs du pouvoir. 

 

  • Si nous sommes tous détenteurs du même pouvoir, le débat devient politique et il s’agit alors de savoir dans quel système politique on vit. On sait très bien qu’aucun système n’a jamais réussi à faire que tout le monde soit dans une égalité totale. Nous avons une égalité de droits, mais nous avons une inégalité de pouvoirs. Je suppose aussi que l’on ne rêve pas d’un État absolument totalitaire qui lui-même a montré ses limites dans de nombreux pays, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche. 

 

Non, bien sûr, il faut une vision nuancée de cette question. Là, nous arrivons à une situation, et nous sortons un peu de la question de la philanthropie, où les inégalités atteignent des proportions en France, mais aussi dans le monde, qui deviennent inacceptables. Le problème vient du fait que ces inégalités participent à développer le populisme. À partir de ce moment-là, il y a une crise démocratique qui est liée à ce renforcement des inégalités. 

La philanthropie favorise-t-elle la citoyenneté ?

  • Je suis d’accord avec vous sur ces points et justement l’un des aspects de la démocratie qui m’intéresse, c’est de donner de la parole à des gens qui ne l’ont pas et surtout de les rendre acteurs de leur vie. Est-ce que la philanthropie dans son activité essentielle d’aller vers le secteur social, vers la périphérie, d’aller dans les régions, les départements, les villes, les hameaux pour faire travailler des gens ensemble, n’est pas un des éléments du retour à la démocratie ? 

 

Absolument. C’est pour cette raison qu’il est important d’avoir cette vision nuancée, c’est à dire à la fois une forme de remise en cause du pouvoir des grands philanthropes, mais aussi une mise en avant de ce que la philanthropie peut apporter à la démocratie. Je pense notamment aux donateurs des associations parce que l’on sait que les associations sont un élément essentiel de la démocratie en permettant notamment aux citoyens de s’exprimer, de participer à la vie de la cité, à la vie publique. Et je pense aussi à certaines fondations qui permettent d’expérimenter de nouvelles formes d’expression démocratique en soutenant des activistes, en soutenant de nouvelles formes de représentativité, comme par exemple, des conventions citoyennes. Toutes les fondations qui participent à renforcer la société civile et à construire de nouvelles formes d’expression de la citoyenneté ont un rôle dans ce renforcement et ce développement de la démocratie. 

 

  • Si l’on prend la crise des Gilets jaunes, qui a été en réalité la crise des gens qui ne sont pas entendus et se sentent abandonnés. Je trouve que l’action de la philanthropie n’a pas été mise en avant quand elle s’est mobilisée pour participer au traitement de ces questions. Nous savons, par des projets de fondations, que lorsque vous arrivez dans un endroit où il n’y a plus rien de vraiment vivant, il est possible de remonter localement des projets avec des personnes qui ont des idées, mais pas de moyens. Tout d’un coup, les gens s’intéressent, recréent du lien social, redonnent un sens à la communauté et retrouvent le sens du mot espoir. Pour moi, cela favorise la démocratie. Cela n’a rien à voir avec les grands philanthropes ou les petits philanthropes. On peut tirer de cela que les philanthropes ont besoin d’organisations intermédiaires comme les associations locales pour agir à des échelles parfois petites, mais avec des effets significatifs. L’argent est utilisé à mener un travail qui n’est pas assuré par l’État.

 

Oui, effectivement en ce sens la philanthropie peut renforcer la démocratie. Elle permet de nouvelles formes d’expression citoyenne, elle permet d’aider les associations, mais ce qui importe aussi, ce n’est pas tellement ce qui est donné mais aussi la manière dont cela est donné. Je reviens à la vision de Paul Vallely , qui était très intéressante, car il montrait bien l’importance de sortir d’une vision « top-down » des relations entre donateurs et récipiendaires pour vraiment être à l’écoute des bénéficiaires.  Cela me semble aussi un élément essentiel dans le cadre du développement de la philanthropie, finalement de repenser les relations de pouvoir qui sont à l’œuvre. 

Écouter les bénéficiaires

  • Il y actuellement en France un certain nombre d’acteurs qui s’engagent vers cette transformation, vers ce que l’on appelle la philanthropie du 21e siècle. Elle vise à de plus en plus faire participer les personnes qui ont des besoins à la résolution de leurs problèmes et transformer une assistance en une participation.  Cela ce n’est pas totalement nouveau, mais a pris du temps à diffuser. 

 

Je découvre que beaucoup disent que ce phénomène n’est pas nouveau et que les fondations sont à l’écoute de leurs bénéficiaires, mais quand on voit la manière dont les choses se font et quand on interroge les bénéficiaires, ce n’est pas toujours le cas. C’est-à-dire qu’il y a écoute et écoute… 

 

  • On peut prendre la démocratie dans son ensemble avec la question de la représentativité élective, la représentativité de la rue, mais d’un autre côté il y a beaucoup d’éléments qui concernent des éléments opérationnels, qui sortent du débat de savoir si les riches ont trop d’argent ou non. Les acteurs de la philanthropie doivent-ils entrer dans ce débat très politique ? Tout le monde ne peut pas rester tétanisé dans l’attente d’une résolution de ce sujet. Pour moi, il est plus important, comme vous le dites à l’instant, que de plus en plus s’instaurent des pratiques bottom-up pour aider à résoudre des problèmes de façon la plus concrète pour les personnes concernées.

 

Exactement, la question du politique intervient effectivement, mais le terme politique a plusieurs sens, il y a la politique au sens de la politique politicienne, il y a les politiques au sens politiques publiques et il y a le politique qui renvoie aux relations de pouvoir. Ce dernier point est la question de parvenir à ce que la manière de prendre des décisions au sein des fondations intègre une forme d’horizontalité et beaucoup plus de « Bottom-Up », c’est-à-dire être vraiment à l’écoute des acteurs de terrain, des bénéficiaires.  Et quand je dis « à l’écoute », c’est-à-dire à l’encontre de la vision de ce que Carnegie considérait comme la philanthropie stratégique reposant sur l’idée que les donateurs savent mieux que les bénéficiaires ce dont ces derniers ont besoin. Être vraiment à l’écoute, c’est être totalement ouvert à ce que la personne qui va recevoir le don envisage comme solution à son problème. Quand on interroge les bénéficiaires on se rend compte qu’ils savent très bien ce dont ils ont besoin. 

 

  • Est-ce que justement la philanthropique stratégique n’est pas cela ? Non pas la vision de Carnegie, mais celle qui est en train de se mettre en place. J’ai publié récemment un document sur le projet Racines sur la transformation systémique, stratégique de la philanthropie. 

 

Parler de systémique, ce serait rentrer dans un autre débat. Je pense que très souvent l’application de méthodes de l’entrepreneuriat dans la philanthropie pose un certain nombre de problèmes, notamment quand il s’agit d’utiliser des méthodes qui ne correspondent pas au secteur philanthropique. Je pense là en particulier aux débats qu’il y a eu autour du philanthrocapitalisme qui pour un grand nombre de personnes apparaît comme des méthodes très rationnelles qui s’appuient sur des outils de quantification, des chiffres, très scientifiques, en fait. Elles posent finalement beaucoup de problèmes, car elles ne prennent pas en compte l’apport humain de ces organisations.

L’impact en question

  • Je ne sais pas s’il s’agit seulement de philanthrocapitalisme, la notion d’impact qui vient aussi des politiques publiques. Les financements accordés demandent un retour d’impact. Le résultat se traduit par des distorsions importantes sur la présentation des projets parce que l’impact n’est pas seulement un impact économique. Il s’inscrit dans le temps aussi comment quantifier alors un impact social ? Si l’on a pu aider 250 personnes sur 250 personnes prévues, le résultat est de 100 %, mais quel est le résultat social ?

 

J’ai pas mal de questionnements sur la notion d’impact avec laquelle je serais très prudente parce que je trouve qu’elle amène parfois à des dérives. Il y a une forme d’obsession autour de la notion d’impact dans le secteur philanthropique à tel point que l’on en vient maintenant à choisir les projets à soutenir en fonction de l’impact que l’on doit pouvoir mesurer. 

 

  • L’impact qui sera finançable, c’est le totalitarisme de l’impact, c’est ce que vous voulez dire n’est-ce pas ?

 

Oui, exactement, le « totalitarisme de l’impact ». Cela pose beaucoup de questions et cela renvoie aussi à cette forme de bureaucratie et de bureaucratisation de la philanthropie qui se développe. C’est-à-dire noyer les bénéficiaires par des demandes de reporting avec des contraintes qui sont énormes parfois pour des sommes données qui sont assez peu importantes. Je pense qu’il y a une nécessité pour le secteur philanthropique de réfléchir à ces pratiques qui viennent souvent du monde de l’entreprise et qui finalement ne sont pas tout à fait adaptées au secteur très particulier qu’est celui de la philanthropie.

 

  • Qui se pose comme une évidence, alors que cela ne l’est pas. 

 

Cela ne l’est pas du tout.  Cela vient de personnes qui travaillaient dans la Silicon Valley, et avaient des méthodes d’investissement qu’ils ont voulu transférer dans la pratique philanthropique. On sait très bien qu’aux États-Unis, il y a une porosité croissante entre le monde de l’investissement et le monde de la philanthropie et il est vrai qu’en France nous avons toujours les États-Unis comme modèle. Beaucoup s’inspirent de ce qui est fait aux États-Unis. Peut-être serait-il intéressant de développer des manières plus européennes de faire de la philanthropie autrement. 

Philanthrope et politiques publiques : qui décide ?

  • Mais la question du pouvoir des grands philanthropes, n’est-ce pas quelque chose que l’on fantasme un peu ? Quels sont les pouvoirs qu’ils ont finalement en France, même les grosses fondations ne sont pas très importantes et sont minoritaires. Regardez l’une des plus grandes fondations est la Fondation Carasso, elle dispose d’un très gros capital et travaille sur des sujets environnementaux qui concernent l’avenir de la planète. Le pouvoir du donateur fait-il que les actions engagées par ce dernier sont illégitimes ? 

 

Pas du tout et je pense qu’il ne faut pas penser la question dans ces termes. Il s’agit plutôt de se dire en quoi finalement les philanthropes viennent changer ou avoir une influence sur les politiques publiques ? Je pense notamment à ce que j’ai pu observer dans le monde culturel, quand je vois la manière dont les grands philanthropes créent leur propre musée, je pense à la Fondation LVMH, à la Fondation Cartier, elles déstabilisent le monde culturel. La Fondation LVMH a organisé une exposition avec le MOMA dans des conditions que même le Louvre aurait sans doute eu du mal à réunir. Je pense que cela pose beaucoup de questions quant au poids croissant de ces acteurs dans des secteurs qui étaient jusque-là l’apanage de l’État. 

 

  • Sur cette question de ce qui appartient au public ou non, vous dites l’État n’aurait pas pu faire cela. Mais si le bâtiment de Fondation LVMH n’existaient pas, l’État l’aurait-il fait ? Non, ce n’est pas qu’une question de moyens, c’est une question d’ouverture, de capacité, d’adaptabilité, etc. A contrario, ne peut-on pas dire que les queues immenses devant la Fondation LVMH montrent que le public a un intérêt à aller voir les expositions ? C’est une sorte de plébiscite. 

 

Je n’ai pas dit que l’État ne l’aurait pas fait. L’État ne le fait pas parce qu’il a des moyens contraints.  

 

  • Vous me dites qu’il a des moyens contraints et j’essaie de comprendre pourquoi, parce que SI l’État ne peut faire quelque chose et que le privé fabrique quelque chose d’ailleurs avec le soutien de l’État, ce serait mal ?

 

Non, ce n’est pas mal, je n’exprime pas de jugement de valeur. En tant que chercheurs, nous n’exprimons pas de jugement de valeur. Nous essayons de comprendre la manière dont fonctionnent certaines logiques, certains mécanismes. Pour ce qui concerne la philanthropie, l’émergence dans le secteur culturel de fondations privées qui deviennent des musées, concurrentes de musées publics, pose un certain nombre de problèmes.

 

  • Concurrentes ou complémentaires.

 

Concurrentes ou complémentaires si on le souhaite, mais si cet argent des philanthropes avait été donné aux impôts, peut-être que l’État aurait les moyens de créer de nouveaux musées, de nouvelles expositions, de recruter de nouveaux conservateurs…

 

  • Vous pensez cela ?

 

Je pense que s’il y avait plus d’imposition, l’État aurait plus de marge de manœuvre sur certaines politiques publiques. La preuve en est dans la nouvelle étude qui vient d’être publiée dans Le Monde sur les ratios d’imposition (ndlr : « Les ultrariches contribuent moins à l’impôt, confirme une nouvelle étude », Le Monde, 6 juin 2023). En fait, la question de la redistribution se pose vraiment. La redistribution des richesses ne fonctionne pas de la même manière qu’elle soit par de la philanthropie ou qu’elle soit par de l’impôt. Je ne veux pas dire par là qu’il ne faut pas qu’il y ait d’inégalités parce que malheureusement les inégalités sont inhérentes aux sociétés humaines, mais je pense aussi que le fossé énorme qui existe actuellement doit être réduit de manière urgente si on ne veut pas arriver à des crises démocratiques encore plus graves.

 

  • Je suis totalement d’accord avec vous. Le fossé qui se creuse est insupportable, mais ce sujet n’a rien à voir avec la philanthropie ? C’est un sujet social. Si on décide d’augmenter les impôts à 60 ou 70 %, cela réduira certainement la philanthropie et donc le soutien à des dizaine de milliers de projets. Pour moi, je ne fais pas de différence entre la création de musées et l’aide à une maison de retraite par exemple. Le fait culturel est un fait indispensable dans une société, il ne faut pas le reléguer comme subalterne car il participe de la cohésion sociale.

Oui ,mais la question qui se pose est celle de la prise de décision. Dans le cas de l’impôt, c’est l’État qui décide où va l’argent tandis que dans l’autre cas c’est le philanthrope qui décide. Si, par exemple, vous avez des milliards et si vous avez envie d’investir dans une maladie orpheline parce que votre cousin souffre d’une maladie orpheline, vous allez peut-être choisir de mettre 10 milliards sur une maladie qui concerne peut-être 10 ou 20 personnes en France. C’est très bien, mais en termes de redistribution des richesses cette démarche pose aussi des questions. L’État, lui, prend en compte cette notion de représentativité. La philanthropie a des aspects positifs dans le sens où elle permet un certain pluralisme, et notamment d’aller vers des causes qui sont dans les trous dans la raquette de l’État, vers des éléments qui sont peut-être moins priorisés par l’État. Mais cela concerne moins la question du plus grand nombre que lorsque les fonds sont redistribués par l’impôt. Et c’est aussi pour cela que la prise de décision par les philanthropes, notamment les grands philanthropes, est aussi moins démocratique en ce sens-là. Par contre, il y aurait aussi une option qui reviendrait à dire que l’État choisit un certain nombre de causes en se disant par exemple que l’on a besoin de 100 millions pour l’hôpital, quel serait le philanthrope qui aurait envie de donner 100 millions pour l’hôpital ? L’État choisit les priorités, ensuite le philanthrope vient aider sur ces priorités qui sont constatées. 

 

  • Aujourd’hui, la philanthropie ne vient pas que boucher des trous pour venir en complément de ce que ne fait pas l’État, aussi bien dans des politiques sociales, de recherche, de culture, etc. Elle innove, recherche de façon flexible. Mais c’est vrai que si, par exemple, on arrête la philanthropie en matière de recherche, les laboratoires s’arrêtent, car elle permet de payer les produits, le matériel... Les chercheurs sont payés par l’État, mais celui-ci ne fournit plus assez de moyens pour travailler. Si l’on supprime les philanthropes, on pourrait imaginer que l’État financerait les paillasses. Il faut qu’il y ait un État non seulement avec des moyens plus importants, mais aussi plus efficient ce qui n’est pas les cas dans tous les domaines. Il est mis beaucoup d’argent pour l’hôpital, mais l’État se trouve face à une globalité inefficace parce qu’il y a un problème structurel.

 

C’est encore un autre débat. La crise à l’hôpital a une raison très claire et tout le monde la connaît. C’est la libéralisation des années 1980. On a décidé de se placer dans une logique de réduction des coûts, d’une réduction des effectifs, l’application du New Public Management, plutôt que d’écouter les soignants qui disaient avoir besoin de tant de lits, de tant de soignants…

Le territoire lieu de démocratie locale 

  • D’accord, mais c’est une politique d’État défaillante. Je trouve que globalement vous donnez beaucoup de vertus à l’État qui ne fait pas montre de ces vertus. Il n’arrive pas à gérer la santé au niveau macro comme il est incapable de gérer le problème de la rue, du quartier, à cause du niveau micro. Là, nous revenons à notre sujet de discussion. Je pense que la philanthropie a un rôle au niveau macro quand vous parlez des musées, mais elle a un rôle important au niveau micro que l’État ne peut pas prendre en charge. Même si une part est prise en charge par les collectivités locales parce que les structures concernées sont trop petites. Aller traiter les questions qui se posent dans une rue ou un quartier coûte trop cher. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais une réalité. Le pas que la philanthropie et l’État doivent faire aujourd’hui, c’est une coordination entre les acteurs sur des objectifs à déterminer. 

 

Oui, à l’échelle territoriale, il y a différents niveaux étatiques qui peuvent se charger des différents territoires, et la philanthropie a effectivement un rôle à jouer, notamment sur une fonction de coordination de différents acteurs, donc une fonction d’interface entre des acteurs publics, des entreprises, des acteurs de la société civile et en cela, à mon avis, c’est l’un des rôles les plus importants de la philanthropie. 

 

  • Et cela, c’est une fonction démocratique.

 

Cela contribue en tous cas à reconfigurer des modes d’expression démocratique qui se redéfinissent actuellement, puisque on sait que l’on est dans un moment de redéfinition des configurations de la démocratie. 

 

  • Dans la démocratie il y a la parole, les gens dont nous parlons sont des gens qui l’ont perdue et n’ont plus d’existence visible. Ils sont laissés pour compte, et leur retour dans la société même s’ils ne deviennent pas des militants actifs de tel ou tel sujet, la ré-entrée par le lien social, par la recréation d’espoir est une base de la démocratie.

 

Oui, absolument. L’idée de faire de chaque citoyen un être qui participe pleinement à la vie de la cité est un élément qui contribue à la démocratie. Et là, nous revenons à la question du pouvoir. C’est-à-dire que la philanthropie a un rôle si elle permet aux invisibles d’être entendus et d’être considérés et donc d’être vraiment à l’écoute de leurs besoins, ce dont ils ont besoin, sans imposer sa propre vision.

 

  • Je reviens sur le rôle important que la philanthropie peut jouer dans la démocratie à travers ce que vous venez de souligner, c’est-à-dire par le fait d’écouter les gens et d’apporter des réponses à des problèmes auxquels ils ont à faire face. 

 

Je dirais que c’est vraiment important à la fin de cet entretien de rappeler la vision nuancée qu’il faut avoir de la philanthropie. La philanthropie vient questionner la démocratie, elle peut donc poser parfois certains problèmes à la démocratie et en même temps elle vient aussi renforcer la démocratie d’une certaine manière. Comment vient-elle la renforcer ? Là, je reviens à ce que disait Paul Vallely que j’ai trouvé absolument passionnant. Elle vient la renforcer en soutenant la recherche et l’innovation, c’est-à-dire en permettant de prendre des risques et de sortir du champ de ce que les politiques publiques permettent de faire. Elle permet aussi de combler les trous dans la raquette des politiques publiques. Ensuite, et j’ai trouvé cela très intéressant puisque c’est un argument auquel je n’avais pas pensé, elle permet d’attirer la médiatisation sur des sujets qui sont souvent sous les radars de l’État et, par exemple, il avait évoqué Bill Gates. Quand Bill Gates a dit qu’il allait y avoir une pandémie, les gens l’ont écouté. Permettre par la philanthropie de faire remonter des sujets du terrain et de les rendre visibles est aussi quelque chose qui semble important. 

 

  • Si on n’avait pas eu ACT UP et d’autres organisations activistes sur les questions du sida, on n’aurait pas pris en compte la vie des malades, la distribution de médicaments à bas coût accessible au plus grand nombre dans les pays en développement…  Les activistes ont un rôle évident à jouer même s’ils dérangent. Plus que les philanthropes, c’est l’écosystème de la philanthropie qui est en jeu dans la liberté d’expression. 

 

Oui, absolument. Cela permet d’avoir un rôle d’interface et peut-être aussi d’expérimentation de nouvelles formes de configuration de la démocratie Je pense que c’est absolument essentiel à un moment central pour la vie démocratique de notre pays, voire de notre continent, voire du monde parce que l’on a vraiment l’impression que la démocratie se transforme. Elle est remise en cause et il est très important de permettre de réinventer une démocratie des territoires qui permette à chaque citoyen d’avoir un rôle, plus d’égalité et donc aussi plus d’harmonie au niveau de la société. Pour que la philanthropie permette cela il faut aussi qu’elle change sa manière de fonctionner, d’être beaucoup plus à l’écoute, d’être beaucoup plus dans une horizontalité, avec une volonté d’égalité et une certaine forme peut-être d’humilité.

 

  • Une capacité à modifier ses formes d’investissement, notamment la réponse mécanique à des appels à projets, mais investir sur justement un peu long de l’écoute qui est mal absorbé en général par les conseils d’administration, les comités d’audit divers... parce que c’est du temps qui coûte qui est le temps de l’écoute.  

 

Effectivement, je pense aussi à une transformation qui contribue à transformer la société dans son ensemble, d’être beaucoup plus dans l’écoute, dans le temps long. C’est peut être aussi par le fait de financer de manière « unrestricted » comme on dit en anglais, c’est-à-dire de donner de l’argent sans conditions à des acteurs qui savent très bien où sont les solutions et donc d’être dans une approche moins entrepreneuriale de la philanthropie et beaucoup plus humaine.

Je comprends et ce n’est pas facile d’avoir une pensée complexe sur ces enjeux, mais il faut essayer de se mettre à la place de tout le monde et de comprendre les différents points de vue. Ce qui m’intéresse, c’est de voir la pluralité de points de vue et d’en faire émerger de la compréhension devant la complexité des sujets que j’analyse. 

 

  • Pourriez-vous encore préciser qui est Paul Vallely que vous citez souvent ?

 

Paul Vallely est un ancien journaliste anglais qui a écrit un livre très intéressant Philanthropy: from Aristotle to Zuckerberg, une histoire de la philanthropie, où il montre la manière dont s’est développée la philanthropie depuis Aristote jusqu’à Zuckerberg. Il a fait très récemment une conférence à la Chaire Philanthropie de l’ESSEC qui était passionnante. 

 

  • C’est le premier livre qui n’est pas écrit par un acteur de la philanthropie, c’est très intéressant parce qu’il n’a rien à gagner. Il présente des sujets qui sont vus de l’extérieur, mais en connaisseur parce qu’il est allé un peu partout pendant un temps très long.  Il introduit ces nuances dont nous parlons depuis le début de notre entretien.

 

Oui, j’ai trouvé qu’il avait une compréhension très nuancée de la philanthropie. Il regarde à chaque fois les avantages des actions qui ont été menées et les problèmes que cela pose. 

 

  • Je suis d’accord, il chemine entre deux visions antagonistes. Je trouve qu’aujourd’hui la dictature que l’on peut reprocher aux grands philanthropes aux USA ne s’applique pas en France, car le grand philanthrope est encore trop petit orienteur des politiques. Toutefois cela doit rester un point de vigilance. 

 

Je pense que les élites françaises sont beaucoup plus subtiles que les élites américaines dans leur manière d’exercer leur influence, mais il n’empêche qu’elles ont un pouvoir extrêmement important. 

Philanthropie et recherche

  • Que pensez-vous de la recherche en philanthropie en France ?  Quel est votre avis de chercheuse ?

 

Il faut absolument la développer. Il y a très peu de recherche sur la philanthropie en France, il y a bien sûr la Chaire Philanthropie de l’ESSEC, le programme PSSP de Nicolas Duvoux que j’avais cocréée. Il faut absolument développer cette recherche parce qu’il y a un besoin de données, un besoin de compréhension de ce phénomène qui est peu connu et complexe. Il y a beaucoup de recherche aux États-Unis et je pense que l’on gagnerait à mieux comprendre ce qu’est la philanthropie en France, ce qu’est la philanthropie en Europe, ses spécificités, ses manières de fonctionner, et la manière aussi dont elle s’intègre à la société. Je suis pour la défense d’une compréhension de l’objet philanthropie en lien avec les sciences sociales de manière plus large, donc comment on comprend philanthropie et démocratie, philanthropie et inégalités, philanthropie et environnement. Il m’apparaît très important de pouvoir comprendre la philanthropie avec tous ces grands sujets de société et en lien avec ceux-ci, et c’est peu fait. 

 

  • Aujourd’hui on commence à avoir pas mal de quantitatif. Durant ces dernières années il s’est créé un certain nombre d’observatoires pour dessiner des périmètres, mais on ne dispose que de peu d’éléments qualitatif. L’Institut Français du Monde Associatif (IFMA) avec Floriant Covelli se lance dans des études beaucoup plus qualitatives sur le monde associatif avec les méthodes scientifiques  des chercheurs.

 

Il y a en effet beaucoup d’études quantitatives, mais il y a un vrai souci sur la compréhension de la philanthropie à travers des méthodes qualitatives. Ce dont on a besoin, c’est le développement des sciences sociales qualitatives, des approches compréhensives, des approches inductives, qui sont très peu présentes, et cela de manière générale dans le monde académique et c’est le sujet des prochaines années.

 

  • Pour lequel il faut des financements…

 

Il faut des financements pour des doctorats, des post-doctorats, des chercheurs, des réseaux de chercheurs, c’est vraiment essentiel, et encore davantage sur les questions de l’environnement, puisque je suis actuellement en train de travailler sur ce sujet-là, la transition sociale et environnementale du secteur philanthropique. La philanthropie a clairement un rôle à jouer dans le débat climatique mondial et il faut des financements qui permettent d’être à la hauteur de tous ces enjeux sociaux et environnementaux.

 

  • Merci d’avoir pris de votre temps si précieux dans la recherche.

 

Propos recueillis par Francis Charhon

 

À propos d'Anne Monier
Ancienne élève de l’École Normale Supérieure, Anne Monier est docteure en sciences sociales, chercheuse à la Chaire Philanthropie de l’ESSEC et Visiting Scholar à l’Université d’Oxford, où elle mène un projet de recherche sur la transition environnementale du secteur philanthropique en Europe. Elle a publié deux livres : l’un en 2019, Nos chers amis américains, aux PUF,  et l’autre, en 2021 avec Sylvain Lefèvre, Philanthropes en démocratie, aux PUF, collection La vie des idées, ainsi que de nombreux articles académiques et chapitres d’ouvrage, et enseigne à l’École d’Affaires Publiques de Sciences Po.

 

 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer