Culture et ruralité : des politiques publiques et initiatives locales à développer
En ce mois d’avril, la grande concertation nationale sur l’offre culturelle en milieu rural initiée par Rachida Dati, le Printemps de la ruralité, doit présenter ses conclusions. Depuis fin janvier, acteurs locaux et professionnels de la culture réfléchissent ensemble aux mesures à prendre pour remédier aux inégalités d’offres artistiques dans nos territoires ruraux. Quels sont les enjeux du renforcement du maillage territorial et quelles solutions montrent déjà leurs bienfaits ?
La culture, un droit essentiel
La culture et l’art sont des vecteurs indispensables de la cohésion sociale et territoriale. Les droits culturels sont même inscrits dans les droits humains afin de garantir que chaque personne puisse participer à la vie culturelle, vivre et exprimer sa culture. Pour l’inclusion de chacun, assurer un accès au plus grand nombre à la culture et à l’art est donc un axe incontournable de nos politiques locales.
Or, force est de constater que les territoires ruraux ne bénéficient pas des mêmes moyens que les territoires urbains dans ce domaine, laissant près de 20 % de la population avec une offre culturelle réduite. Au-delà de la théorie, les acteurs politiques locaux voient un lien clair entre le malaise social de ces zones et ces disparités. Selon l’Association des maires ruraux de France, « ce serait une erreur de ne pas voir que les inégalités territoriales en matière d’action culturelle expliquent pour une large part ce sentiment d’abandon ».
Le Printemps de la ruralité est donc une occasion d’entendre les voix des premiers concernés et recenser leurs besoins. La concertation a déjà reçu 27 000 contributions grâce à sa plateforme en ligne, démontrant ainsi les fortes attentes du secteur et des publics pour une politique culturelle rurale qui révèlerait toute la diversité de nos régions.
La ruralité, terrain d’innovation culturelle à nourrir
Cependant, ce contexte difficile ne signifie pas que les territoires ruraux sont entièrement démunis en termes de culture. Car même si seulement 5 % des 367 structures labellisées par le ministère de la Culture en France se trouvent en zone rurale, le secteur associatif s’est souvent mobilisé pour tenter de combler les manques observés, au même titre que les structures portées par les collectivités comme les bibliothèques ou les écoles. Nombre de ces projets offrent des premières pistes de réponses aux recommandations énoncées par l’Association des maires ruraux de France dans le cadre de la concertation.
Offrir un soutien structurel au secteur
Les maires ruraux s’expriment notamment en faveur d’un « déploiement d’une ingénierie culturelle adaptée aux spécificités de la ruralité, en donnant aux collectivités ou aux structures de coordination le soutien humain nécessaire au montage d’un projet artistique. »
Depuis sa création en 2008, la Fondation RTE se donne pour mission d’apporter un soutien financier et humain à des projets associatifs qui contribuent à la cohésion sociale des territoires ruraux ; la culture en est l’un des leviers clés comme en témoigne la richesse des initiatives soutenues depuis 16 ans.
La Maison-Ateliers, en Isère, dans le Trièves, réhabilite ainsi d’anciennes écuries en vue de créer un « lieu laboratoire » pour questionner et modifier nos modes d’agir face à un monde en polycrise. L’approche de ce collectif croise les arts, les sciences, les démarches citoyennes et l’écologie au quotidien pour donner aux habitants et structures locales les moyens de construire leur version du vivre-ensemble et d’une offre culturelle durable.
Non loin, dans les Monts du lyonnais La Fabrik crée un espace d’accueil et de convivialité nomade pour rendre visibles les événements culturels qui ne restent pas longtemps au même endroit. En faisant connaître au sein même du village les performances à venir dans les prochains jours, à travers des ateliers et des rencontres avec les artistes, cet espace soutient les artistes en leur offrant un public et crée du lien social au sein des villages.
La mobilité, un enjeu fondamental
Un des leviers clés de l’accès à la culture, notamment en territoire rural, est la mobilité, tant des artistes que des œuvres. C’est ce que pourront faciliter des programmes comme celui de La Loco dans le Finistère.
Cette association agit pour la régénération du bassin d'emploi du spectacle vivant à la suite de la crise de Covid-19. Car pour pouvoir exporter leur travail dans de nouvelles régions, les artistes ont besoin de consolider leur activité localement grâce à des représentations et de la formation. Ils doivent également justifier d’un ancrage territorial, avec un réseau de partenaires et des espaces de résidences artistiques.
En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le circuit de cinéma itinérant de la Maison pour tous dans la communauté de communes du Pays de Fayence consiste en l’organisation de soirées festives autour d’un film. Ces villages perchés étant peu reliés par les transports en commun, faire venir les œuvres jusqu’aux différents publics, qu’ils soient scolaires, associatifs ou séniors, promet de favoriser des rencontres conviviales, nécessaires dans ces lieux géographiquement isolés.
Le Printemps de la ruralité souligne l'urgence d'un meilleur accès à l’offre culturelle dans les campagnes. La mobilisation est forte pour combler les inégalités culturelles, et les nombreuses initiatives existantes, comme la réhabilitation de patrimoine, les orchestres ruraux ou les circuits culturels itinérants, montrent la créativité et l'efficacité des solutions construites localement. Convaincue que la culture en milieu rural est un enjeu national de cohésion sociale et territoriale, nécessitant une action concertée et durable, la Fondation RTE continuera à se mobiliser pour soutenir l’émergence de projets culturels porteurs de sens et créateurs de lien.
