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Par Carenews PRO - Publié le 29 août 2018 - 10:18 - Mise à jour le 31 août 2018 - 09:17
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[ENTRETIEN] Ericka Cogne, directrice générale de Télémaque

Ancienne boursière diplômée d’HEC, Ericka Cogne a fait de l’égalité des chances son cheval de bataille. Après des débuts dans le conseil chez Accenture, elle rejoint rapidement la fondation de l’entreprise, où elle est nommé directrice à seulement 27 ans. Elle dirige désormais l’institut Télémaque, une structure qui lui permet de développer des solutions innovantes pour lutter contre des problématiques qui lui tiennent particulièrement à cœur, comme le déterminisme social. Celle que son ancien directeur Christian Nibourel qualifie de “tigre” revient en détail sur son parcours et livre son analyse de l’ESS, un secteur en pleine ébullition qui doit toutefois faire preuve d’agilité afin de trouver sa place dans le paysage hexagonal.  

[ENTRETIEN] Ericka Cogne, directrice générale de Télémaque
[ENTRETIEN] Ericka Cogne, directrice générale de Télémaque

 

 

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

 

J’ai débuté au service ressources humaines chez Danone, puis je suis rapidement devenue consultante en stratégie chez Accenture pour des clients de la grande distribution et de l’automobile. J’ai été boursière durant mes études supérieures, et malgré mon parcours classique, je sentais bien que l’humain m’attirait. Je suis ensuite partie dans le cadre de mécénat de compétences pendant un an et demi aux Philippines et au Cambodge pour l’association Passerelles numériques où j’ai aidé à la levée de fonds, à la structuration du modèle de compétences puis des RH, et contribué à monter le centre aux Philippines. En rentrant en France, j’ai repris ma casquette de consultante tout en aidant Christian Nibourel, président d’Accenture, à travailler sur le modèle d’empreinte sociale du groupe. À 27 ans, j’ai été nommée à la direction de la Fondation Accenture. La fondation existait mais l’équipe n’était pas constituée, il n’y avait pas vraiment de budget ni de programme stratégique, donc j’ai développé plusieurs programmes pour l’insertion. Enfin, depuis deux ans je dirige l’Institut Télémaque, une association qui favorise l’égalité des chances pour des jeunes à fort potentiel mais issus de milieux modestes, avec le soutien de 90 entreprises partenaires.

 

Qu’est-ce qu’un·e jeune peut apporter à une fondation comme celle d’Accenture ?

 

Dans le secteur, je pense que ça peut ouvrir la brèche que des jeunes prennent des postes comme ça, cela donne un vrai dynamisme. Mon ancien président, Christian Nibourel, m’avait dit : “Je mets un tigre dans ma machine”. Aujourd’hui je suis directrice générale d’une association. D’ordinaire, ce genre de poste est souvent occupé par des hommes d’au moins 40 ans. Je suis issue d’un milieu modeste ; le déterminisme social, c’est une problématique qui me préoccupe, je mets donc une vraie énergie et mon réseau en action.

 

Quelles sont vos principales missions au sein de Télémaque ?

 

Notre principale activité est de favoriser l’égalité des chances dans l’éducation à travers un parcours qualitatif de 6 ans de la 5e  jusqu’au bac pour des jeunes issus de milieux modestes mais ayant un fort potentiel. Notre cœur de métier est le double tutorat et nous permettons à chaque jeune de rejoindre des communautés de réussites et d’avoir une bourse. Nous avons triplé le nombre d’entreprises en deux ans et développé notre activité dans deux nouvelles régions. Nous voulons que notre forte croissance se fasse dans une dynamique d’innovation, nous avons donc mis en place une plateforme digitale qui permet d’élargir notre impact social. J’ai pu acquérir des compétences professionnelles qui me permettent d’être structurée et d’utiliser ce levier au service de l’intérêt général. L’étape d’après, c’est d’être un peu plus politique. Ce secteur l’est dans une certaine mesure, il y a des jeux dans les levées de fonds, des liens entre les acteurs et il faut savoir anticiper, étudier les dossiers en amont, passer du temps à connaître les politiques. Pour le moment, je suis concentrée dans l’action, le développement et l’innovation, mais j’ai envie d’aborder le politique par le plaidoyer et de creuser des thématiques de fonds comme le déterminisme social, l’ouverture socioculturelle ou les freins à l’égalité des chances. Le politique pour la politique, ça ne m’intéresse pas.

 

Vous êtes également au conseil d’administration d’Emmaüs Alternatives et de la Fondation PWC. Que vous apportent ces expériences complémentaires ?

 

C’est ma manière à titre personnel de m’engager, au même titre que je suis tutrice de quatre filleules, une seule issue de Télémaque. Emmaüs Alternatives est le plus gros acteur de l’insertion dans Paris, mais qui n’est pas encore dans l’innovation. Je voulais apporter ce regard, du réseau et me familiariser avec des secteurs différents. Emmaüs est l’un des protagonistes en termes d’insertion, cela me permet de comprendre des problématiques sociales très sensibles comme l’accueil thérapeutique des toxicomanes ou l’insertion avec des publics très fragiles. Et puis j’aime bien le terrain, cela permet de prendre conscience des enjeux sociaux. Il faut nourrir sa colère et la canaliser en actions.

 

C’est indispensable ?

 

On dit souvent que c’est en comprenant ses clients ou en observant ses “non clients” que l’on fait de meilleures propositions de valeurs. C’est pareil dans le social : c’est en écoutant des jeunes à des forums d’orientation que l’on a décidé de monter la plateforme Monavenirengrand. Ils expliquaient qu’ils ne savaient pas où trouver l’information, où rencontrer des personnes inspirantes. Je pense aussi que mon âge compte. Je reprends l’association pour la développer et je suis administratrice à deux endroits, ça me donne une forme de prise de recul. Je ne peux pas tout connaître, j’ai besoin de comprendre comment réussir et de me réinventer tous les jours.

 

Plus largement, quel est votre regard sur le secteur de l’ESS ?

 

Le secteur de l’ESS est en pleine transformation. On observe une multiplication des acteurs et en même temps un réel besoin de logique partenariale qui ne fonctionne pas encore. Il y a cependant une hausse des entreprises engagées, l’ESS se développe au niveau territorial et les investisseurs partenaires se multiplient. Certains acteurs sont devenus très gros et en ont intégré d’autres. La fusion-acquisition dans l’ESS va devenir une tendance, mais je crois davantage en une logique en chaîne de valeurs. Pour ça, il faut des financements communs, qui vont créer des synergies inter-acteurs et des partenariats stratégiques. Troisième chose : compte tenu de la multiplicité des acteurs, il faut répondre à la problématique macroéconomique au niveau national.  

 

Quelles sont vos propositions ?

 

Chez Télémaque, nous essayons de trouver des solutions innovantes, notamment grâce au digital. Les jeunes passent 80 % de leur temps sur leur portable. La solution ? Créer une plateforme numérique. Ça fait évoluer un peu les choses. Après, faire du plaidoyer. Il est inadmissible par exemple que le sujet de l’inégalité des chances n’avance pas. Nous n’avons pas assez conscience du point auquel il fragilise la société et demain. La peur de l’autre augmente, tout comme en corollaire les inégalités et les fragilités sociales, qui sont de plus en plus fortes en bas de la pyramide sociale. Cela peut empêcher une nouvelle génération de jeunes de croire en son avenir. L’éducation est une urgence pour tous les citoyens de demain, car ce sont de futurs électeurs. Si on ne travaille pas l’altruisme, la générosité, la fraternité et l’espoir, la société ne prospère plus. C’est vital. Nous déplaçons trop le débat sur les moyens, alors qu’il faut reposer la question du pourquoi.

 

 

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