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Par Carenews INFO - Publié le 23 avril 2024 - 10:00 - Mise à jour le 23 avril 2024 - 11:22
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Contraception masculine : pourquoi les associations ont-elles tant de mal à la promouvoir ?

Désintérêt des pouvoirs publics, manque de formation des professionnels de santé ou d’éducation à la question. L’association Garcon, engagée à promouvoir le pendant masculin de la contraception, nous parle des freins à sa prolifération. Des avancées ont toutefois été réalisées ces dernières années sans recevoir une large publicité.

Alors que 11 méthodes contraceptives différentes existent pour les femmes, seules 3 sont couramment utilisées par les hommes. Crédits : Shidlovski.
Alors que 11 méthodes contraceptives différentes existent pour les femmes, seules 3 sont couramment utilisées par les hommes. Crédits : Shidlovski.

 

Voilà près de 50 ans que l’on évoque l’arrivée d’une potentielle pilule masculine sans qu’elle ne semble pourtant prête à la commercialisation dans un avenir proche. En 2024, seuls trois moyens de contraception masculine sont certifiés en France : le préservatif, la vasectomie et le retrait. Avec un taux d’échec de plus de 20 % pour la dernière de ces méthodes.

Le défi n’est pourtant pas si difficile à relever du point de vue biologique. « Les essais cliniques de contraception masculine ont montré des résultats prometteurs, mais l’implication limitée de l’industrie a diminué les chances d’obtenir des résultats dans la décennie », expliquait en 2012 la chercheuse américaine Regine Sitruk-Ware, pionnière du secteur. 

Alors que la demande d’une contraception masculine est grandissante du côté des hommes comme des femmes, quelques militants et associations se sont emparés de la question. Erwan Taverne, fondateur du Groupe d’action et de recherche pour la contraception (Garcon), le revendique : « il ne faut pas attendre que l’impulsion vienne des pouvoirs publics ». Cet activiste de la contraception masculine a décidé de prendre en main l’immense travail de sensibilisation et de formation à travers son association. 

 

« La difficulté ne vient pas des méthodes »

 

Alors que la formation des médecins aux questions de contraception est limitée et l’éducation aux méthodes masculines bien souvent réduite au préservatif, les structures associatives doivent davantage s’emparer du sujet, selon Erwan Taverne. Pour lui, « la difficulté ne vient pas des méthodes mais bien du manque d’informations ». 

Par exemple, « la vasectomie, qui est une méthode simple, ne représente qu’une part de 1 % dans la contraception des Français ». Cette pratique est invasive car requérant une opération afin de sectionner les canaux qui transportent les spermatozoïdes et présentée comme permanente par la Haute autorité de santé - bien qu’un homme sur deux puisse en réalité retrouver sa fertilité s’il le souhaite. Mais selon le fondateur de Garcon, le principal frein à son déploiement n’est pas là. Il se situerait davantage du côté du manque de formation des professionnels de santé en France. La technique est a contrario très courante dans certains pays. Au Québec, 1 homme sur 3 a eu recours à la vasectomie par exemple. Reste à noter qu’entre 2020 et 2023, le nombre d’interventions a été multiplié par quinze en France.

L’essentiel de la demande d’accompagnement des personnes qui contactent le Garcon se concentre toutefois sur la méthode thermique. Le principe est simple : pour produire des spermatozoïdes, les testicules ont besoin d’être maintenus à une température plus basse que le reste du corps, entre 34 et 35 °C. En remontant les testicules vers l’entrejambe grâce à un sous-vêtement spécial ou un anneau, leur température augmente et la spermatogenèse tombe quasiment à l’arrêt. Pour être efficace, le dispositif doit se porter durant au moins 15 heures tous les jours. Son impact sur la fertilité est démontré à partir de trois mois d'utilisation.

Lancée il y a quelques années par l’andrologue Roger Mieusset, spécialiste de la contraception masculine au CHU de Toulouse, la mode du slip chauffant a été reprise par le Garcon. Le groupe d’action toulousain anime chaque semaine des ateliers de couture pour démocratiser la pratique.

Car oui, le slip chauffant se fabrique sur mesure. Pour que la technique soit accessible au plus grand nombre, Garcon a fait le choix de ne pas fixer de prix minimum aux ateliers. Pourtant, le coût n’est pas le seul facteur d’exclusion. « Les gens qui viennent nous voir sont en grande majorité des hommes blancs avec un certain niveau d’éducation ». Il y a un fossé à résorber en termes de sensibilisation à ces questions selon le milieu socioculturel, note Erwan Taverne.

À Paris, d’autres associations militent pour dégenrer la contraception, telles que le collectif 0 million et Otoko contraception.

 

Répartition de la charge contraceptive : l’État français à la traîne

 

« Les techniques sont prêtes. Ce sont les pouvoirs publics qui ne sont pas là ». Le fondateur de Garcon est pourtant convaincu : « sans l’aide des pouvoirs publics en termes de formation des professionnels de santé ou de programme d’éducation à la contraception masculine en milieu scolaire, le changement de société sera beaucoup plus long ». 

En matière de contraception, l’État français, dépeint comme « nataliste », a toujours été à la traîne. Ce qui change dans le combat pour son pendant masculin, c’est que « les hommes sont bien moins impliqués que les femmes ». Ce qui serait lié, d’après lui, à une culture selon laquelle « ça ne les concerne pas vraiment ». La demande grandissante d’une contraception masculine du côté des hommes et l’utilisation répandue du préservatif dans les rapports, tempèrent en partie l’analyse. 

Il n’en reste pas moins que ces dernières années, les efforts des pouvoirs publics en termes de contraception se sont principalement concentrés autour de la femme plutôt que de considérer la répartition de la charge contraceptive.

Prise en charge gratuite de la pilule féminine, inscription de l’IVG dans la Constitution... autant d’avancées vertueuses certes, mais qui continuent de véhiculer l’idée que « le contrôle des naissances est seulement une affaire de femme », résume Erwan Taverne.

On notera toutefois la prise en charge gratuite des préservatifs pour les moins de 26 ans depuis le 1er janvier 2023, méthode de contraception masculine. 

Finalement, si le nombre d’hommes qui sollicitent l’association est en augmentation, le fondateur note que leur principale motivation provient davantage d’une remise en question de l'utilisation de la pilule par les femmes que d’un désir spontané de prendre en charge leur contraception.

Une étude de Manon Guidarelli, docteure en médecine, pointe une autre tendance chez les hommes qui commencent à s’y intéresser. Beaucoup d’utilisateurs de la méthode thermique n'appliquent pas correctement le protocole par manque d’informations et d’accompagnement. Un constat qui rappelle qu’au-delà de la prescription d’un anneau ou d’un slip chauffant, le suivi par des professionnels formés à ces nouvelles méthodes est indispensable pour garantir leur efficacité. Le Garcon intervient ainsi dans la formation des professionnels à ce sujet, ainsi qu’en milieu scolaire et étudiant. 

 

Des avancées prometteuses 

 

D’autres méthodes, comme la pilule masculine, sont en gestation, malgré des décennies de recherche. En cause, la frilosité des laboratoires pharmaceutiques et des exigences en termes d’absences d’effets secondaires bien plus élevées que lors de l’introduction du contraceptif hormonal féminin il y a un demi-siècle. Si la pilule masculine ne devrait pas entrer sur le marché d’ici au moins vingt ans, une autre solution hormonale fait bonne route. Il s’agit d’un gel à base d’hormones à appliquer sur la peau tous les jours. La méthode, qui présente très peu d’effets secondaires et des résultats prometteurs, pourrait arriver sur le marché d'ici à cinq ans.

Erwan Taverne l’avoue, ces avancées sont principalement liées à un tournant dans les consciences. Certes, la contraception masculine, qui doit arrêter des millions de spermatozoïdes par jour, présente certains défis biologiques comparé à son pendant féminin. Pourtant, en réalité, « ce sont bien les changements de société qui permettent à ces méthodes d’émerger ».

Une enquête présentée lors d’un webinaire de l’Organisation mondiale de la Santé en 2022, a montré qu’une part notable d’hommes seraient ouverts à l’idée d’essayer un moyen de contraception, tandis qu’une majorité des femmes se disent prêtes à faire confiance à leur partenaire masculin sur ce point. 

 

Félicité Dussel 

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