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Par Carenews INFO - Publié le 13 mai 2024 - 12:00 - Mise à jour le 13 mai 2024 - 12:10
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L'accessibilité au vote des personnes handicapées encore fragile à l’approche des élections européennes

Alors que les élections européennes de juin 2024 approchent, les associations dénoncent les entraves persistantes au droit de vote des personnes handicapées. En réaction, certaines d'entre elles s'engagent dans des actions d'information et de sensibilisation à cet enjeu citoyen.

 

Quatorze pays de l'UE continuent de priver les majeurs protégés de leur droit de vote. En France, l'accessibilité reste limitée. Crédits : saintho.
Quatorze pays de l'UE continuent de priver les majeurs protégés de leur droit de vote. En France, l'accessibilité reste limitée. Crédits : saintho.

 

Des « freins et des lacunes persistantes ». Les personnes handicapées qui choisissent de voter rencontrent toujours des difficultés, affirme la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), dans un avis publié le 25 avril 2024. 

Depuis 2019, le droit de vote est ouvert sans condition à toutes les personnes porteuses d'un handicap intellectuel depuis qu'une loi a retiré au juge la possibilité de priver de leur droit vote les majeurs sous tutelle. Cela concerne près de 400 000 personnes en France. Permettant la mise en conformité de la France avec la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées, cette réforme était jugée « essentielle » selon les associations. Elle n'a pourtant pas levé tous les obstacles pour rendre l’accès à ce droit pleinement effectif.

 

Voter en connaissance de cause 

 

« Malgré son handicap, Alex est un citoyen comme les autres, il a aussi le droit de s'exprimer au moment des élections ». Lara Hermann, vice-présidente de l’Association française du syndrôme d'Angelman (AFSA) est la mère d’Alex, 23 ans, atteint de cette maladie, trouble grave du développement neurologique. En 2022, elle a tenu à faire voter son fils pour les élections présidentielles malgré son lourd handicap qui nécessite une mesure de protection. « Si n’importe quel citoyen peut voter sans que l’on sache vraiment sur quoi chacun se base, alors je me suis demandée sur quel fondement je pouvais prétendre que le choix de mon fils ne serait pas valide », raconte-t-elle. 

Pourtant, l’exercice du droit de vote peut être semé d'embûches pour certains. Programmes électoraux denses et difficiles à comprendre, candidats qui s’expriment trop rapidement, mairies pas toujours faciles d’accès ou bureaux de vote encore inadaptés, sont autant d’obstacles qui font de cet acte de citoyenneté essentiel un véritable parcours du combattant. 

Combattante, Lara l’est. À l’approche des dernières élections, elle a consacré de nombreuses heures à la préparation du vote de son fils. « Voter c’est bien mais encore faut-il le faire en connaissance de cause », affirme celle qui a pris le temps de simplifier un à un les programmes électoraux des candidats. 

Pour faciliter l’information des personnes handicapées, des versions faciles à lire et à comprendre (Falc) des professions de foi sont demandées aux candidats lors des différentes élections. Pour l’élection présidentielle de 2022, cette possibilité a été érigée en obligation. Une première en France. Pourtant, selon l’observatoire du Conseil national consultatif des personnes handicapées, la majorité des professions de foi ne portaient pas le logo Falc, seul à certifier qu’elles ont été validées par des personnes handicapées. Et certaines personnes se sont plaintes que les professions de foi Falc étaient trop complexes. 

« Il faut encore mettre le paquet sur la sensibilisation et la formation » à toutes les étapes, de l'information à l'inscription, jusqu'au jour du vote. Notamment parce qu’il « y a beaucoup de craintes » chez les nouveaux électeurs, remarque Cyril Desjeux, sociologue et directeur scientifique de l'association Handéo. La plupart ne savent en effet pas comment faire, et tous ne bénéficient pas du même accompagnement qu’Alex. 

 

Les associations s’organisent tant bien que mal

 

Nombre de personnes sous mesure de protection sont placées dans des établissements spécialisés. Alors que leur inscription sur les listes électorales n’est pas automatique, en 2020, 62 % des établissements n’avaient toujours pas mis en place d’actions pour aider les personnes à s’inscrire sur les listes électorales suite à la loi de 2019, révèle une étude de l’association Handéo.

« Quand il manque 30 % du personnel dans les établissements spécialisés, l’accompagnement dans l’exercice du droit de vote est forcément réduit », note Luc Gateau, président de l’Unapei. Cyril Desjeux estime lui, que si les personnes sous tutelle ont le droit de voter, elles n’en ont pas toutes la capacité. Pour les autres, il reconnaît que l’État n’a pas assorti l’ouverture de leur droit de vote à « des moyens d’accompagnement et financiers suffisants ». De fait, la loi de 2019 n’a pas eu un impact retentissant au sein des établissements.

En réaction, une quinzaine d’associations, parmi lesquelles figure Nous aussi, déploient des actions de sensibilisation et d’information. Elles organisent notamment des ateliers d’instruction civique afin de familiariser les personnes à la vie citoyenne et au processus électoral. Des ateliers de sensibilisation permettent notamment des mises en situation dans un bureau de vote fictif pour se préparer au jour J. Certaines incitent les candidats à adapter leurs discours lors des meetings afin qu’ils soient plus accessibles.

 

Des bureaux de votes encore inadaptés

 

« Expliquer le déroulé du vote est essentiel pour garantir que la personne aborde le jour J avec sérénité et confiance », note Cyril Desjeux. En effet, l’hypersensibilité au stress ou l’altération des fonctions mentales peuvent rendre le passage à l’action compliqué. Des éléments qui ne doivent pas être minimisés puisque le directeur scientifique d’Handéo explique qu'ils sont régulièrement la cause d'une renonciation à  aller voter.

Des craintes qui peuvent se concrétiser le jour du vote au vu du manque d’accessibilité et d’adaptation des bureaux. En principe, tous doivent permettre aux personnes handicapées qui ont une « infirmité certaine » de se faire assister, incluant l’accompagnement dans l’isoloir. Pourtant, « certains agents s’y opposent encore », affirme le président de l’Unapei. 

Lara Hermann remarque quant à elle, que « les bureaux de vote ne prévoient aucun dispositif pour les personnes présentant un équilibre instable » et qui auraient besoin de s’accouder ou de s’asseoir lors de la réalisation des différentes étapes. Pour les personnes malvoyantes, le choix du bulletin de vote peut également être un obstacle lorsqu’elles ne sont pas accompagnées. Autre contrainte pointée par la CNCDH, « l’inaccessibilité globale de l’environnement, du bâti et des transports ». En réalité, il y a autant de problématiques qu’il y a de situations de handicap. 

Pour la vice-présidente de l’AFSA, « l’idéal serait de pouvoir voter de façon électronique, comme cela est possible dans certains pays, notamment aux États-Unis ». Incluant également la possibilité d’émarger électroniquement.

 

Le vote, un enjeu d’autonomie 

 

Si l’exercice du droit de vote présente, en soi, un enjeu d’autonomie, l’émargement de la feuille électorale l’incarne tout particulièrement. Sans signer soi-même « il y a la sensation qu’on ne peut pas aller au bout de l’acte », affirme Cyril Desjeux.

« Je me souviens d’une personne qui venait avec un tampon imprimé de son nom et qui tamponnait la feuille avec sa bouche », nous dit-il. Une façon de se réapproprier une certaine autonomie dans un des gestes symboliques de citoyenneté.  

Lara Hermann, elle, signe pour son fils. « Il a une signature mais elle fait la taille d’une feuille A4, alors dans la case minuscule de la feuille d’émargement forcément ça ne rentre pas », dit-elle en riant. Un exemple qui dresse les contours de l’inadaptation des différents gestes du vote aux personnes handicapées.

 

Dans chacun des 27 États membres de l’Union européenne, il existe encore des règles ou des modalités d’organisation qui excluent une partie des électeurs handicapés de la participation aux élections au Parlement européen. Quatorze pays de l'UE continuent de priver les majeurs protégés de leur droit de vote. Par ailleurs, plusieurs millions de personnes sont empêchées dans leur devoir de citoyen par manque d'accessibilité ou « parce qu'elles ne peuvent voter de manière indépendante », révèle un rapport d’information du Conseil économique, social et environnemental européen.

Les élections européennes intéressent pourtant particulièrement les personnes handicapées. L’Europe légifère en effet sur les questions d’accessibilité à l’emploi, à la santé ou au statut d’élu des personnes handicapées, mais aussi sur le respect des femmes en situation de handicap.

 

Félicité Dussel 

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