Aller au contenu principal
Par Carenews PRO - Publié le 1 juillet 2021 - 11:00 - Mise à jour le 1 juillet 2021 - 11:03
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Achkar & Charrière à l’Hôtel de la Marine, le mécénat du bon goût

Bernard Hasquenoph, fondateur de Louvre pour tou·te·s signe pour carenews.com un article sur les coulisses des travaux de l'Hôtel de la Marine. La participation du couple Achkar & Charrière au chantier a pris la forme d’un mécénat de compétences. Récit.

Le couple Achkar & Charrière a participé au chantier de l'Hôtel de la Marine. Crédit : Bernard Hasquenoph
Le couple Achkar & Charrière a participé au chantier de l'Hôtel de la Marine. Crédit : Bernard Hasquenoph

 

Il faut avoir la chance de faire le tour du propriétaire en leur compagnie pour comprendre pourquoi le Centre des monuments nationaux (CMN) leur a confié la mission d’insuffler la vie dans ces appartements restitués du 18e siècle. Ils sont comme chez eux. Pendant que l’un déroule l’histoire des pièces dans ses moindres détails, l’autre rajuste un tissu ou s'assied à califourchon sur une chaise comme on le faisait alors, afin d’en expliciter l’usage. Joseph Achkar et Michel Charrière sont un couple de décorateurs septuagénaires, dont le commun des mortels que nous sommes ignorait l’existence jusque-là. Ils apparaissent parcimonieusement dans les pages lifestyle des magazines et restent discrets sur l’identité de leurs clients, propriétaires de belles demeures et de palais à travers le monde. La meilleure des publicités, c’est leur pied-à-terre parisien, l’Hôtel de Gesvres qu’ils ont ressuscité et remeublé façon Grand Siècle, devinant sa magnificence sous les faux plafonds des bureaux d’une banque.

 

Des travaux de 130 millions d'euros

La tâche qui les attendait à l’Hôtel de la Marine était autrement plus exposée. Ils n’avaient jamais œuvré pour le secteur public. Le CMN, désigné par le gouvernement pour ouvrir le fastueux monument à la visite situé place de la Concorde, engagea des travaux à hauteur de 130 millions d’euros. 

En association avec l’architecte en chef des monuments historiques et l’équipe scientifique du CMN, il fallait reconstituer les appartements de fonction de l’Intendant du Garde-Meuble royal qui, sous l’Ancien Régime, occupait les lieux avant d’être investis par le ministère de la Marine jusqu’en 2015. Pas seulement en traquant les meubles d’origine ou cherchant des équivalences mais en créant une ambiance.... Comme si les occupants venaient de quitter les lieux. 

« Il s’agira d'allier authenticité et restitution, rigueur scientifique et sensibilité poétique afin de faire vivre et vibrer harmonieusement éléments d’origine restaurés et éléments restitués », indiquait le CMN. Un exercice difficile, qui peut vite tourner au ridicule. 

Une théâtralisation que seul peut s’autoriser un lieu méconnu, ce qui serait impossible à Versailles trop chargé historiquement, même si le château a collaboré à plusieurs reprises avec le décorateur Jacques Garcia, mais seulement pour des « évocations ».

Mécénat de compétences

La participation d’Achkar & Charrière au chantier hors normes de l’Hôtel de la Marine a pris la forme d’un mécénat de compétence. En 2019, ils ont rejoint le Comité de soutien du CMN nouvellement créé, aux côtés d’une vingtaine de personnalités dont le prince Amyn Aga Khan, d’affiliés à de grandes entreprises (Afflelou, Arnault, Dassault, Renault, Saint-Gobain, Suez...), de médias (Nikos Aliagas, Stéphane Bern, Guillaume Durand...) et d’autres mécènes de l’Hôtel de la Marine (Ponant, Siaci Saint Honoré, Velux). Manquent juste Rolex et JCB, ainsi que la Fondation Collection Al Thani créée par le cheikh Hamad bin Abdullah Al Thani, membre de la famille régnante du Qatar, premier partenaire du projet avec son apport (non démenti) de 20 millions d’euros contre un espace d’exposition durant 20 ans. De plus, la fondation fit don d’une commode Riesener acquise 1,1 million de dollars chez Christie’s New York.

 

Plongeant dans les inventaires, Achkar & Charrière ont mis leur savoir historique - l’un est diplômé de l’Ecole des arts décoratifs - au service de la cause. Leur terrain de jeu habituel s'est agrandi, au-delà des antiquaires et des ventes publiques, avec la possibilité de « piocher » dans les réserves de grandes institutions comme le musée des Arts décoratifs ou la Manufacture de Sèvres. Ce qui donne, dans la salle à manger, la vision d’un repas venant de s’achever, inspiré du tableau Le Déjeuner d'huîtres de Jean-François de Troy.

 

Crédit : Bernard Hasquenoph

 

Leur connaissance du milieu a été mise à profit. Il vaut mieux connaître fournisseurs et artisans spécialisés pour recréer un papier peint à la main, faire tisser une soie en gros-de-Tours ou commander de la passementerie d’excellence. Le tout, patiné et terni volontairement pour ne pas jurer avec les boiseries d’origine. Leur carnet d’adresses a pu aussi être utile.  « Là, c’est un ami qui nous a fait un dépôt, Anne-François de Lastic, c’est le portrait de ses ancêtres », indique Michel Charrière. Dans une autre pièce, une célèbre pendule dite « à la Négresse  » trône sur une cheminée.

 

Proposée pour la chambre du Dauphin, Marie-Antoinette la jugeant trop fragile pour un enfant, elle resta finalement dans les appartements de l’Intendant. Passant en mains privées à la Révolution, le CMN voulut la préempter en 2019 lors d’une vente aux enchères, mais un malentendu avec la personne chargée d’y procéder en salle fit échouer la manœuvre. « Elle a été rachetée par quelqu’un que nous connaissions, précise mystérieusement le décorateur. Il a accepté de nous la déposer ». Une bonne nouvelle même si cela serait de courte durée. Le prêt privé le plus émouvant reste les objets souvenirs déposés par les Ville-d'Avray, famille du dernier intendant du Garde-Meuble.

 

Bernard Hasquenoph

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer