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Par Fondation des solidarités urbaines - Publié le 16 février 2023 - 18:01 - Mise à jour le 16 février 2023 - 18:01
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Remix the Commons – « les communs sont les usages solidaires que l’on a du temps et de l’espace »

Dans le quartier de La Chapelle, l’association Remix the Commons a créé l’École des Communs, un espace collaboratif pour explorer les « communs » d’un quartier et la question de sa gouvernance. Avec le soutien de la Fondation Paris Habitat, elle y expérimente une démarche collective avec pour objectifs : construire un référentiel partagé et comprendre les rouages collectifs qui génèrent de la solidarité. Les explications de Frédéric Sultan, coordinateur Europe de Remix the Commons et Rémi Guillem, responsable au sein de l’association Vergers Urbains.

Frédéric Sultan, coordinateur Europe de Remix the Commons, au micro de la radio associative RapTz
Frédéric Sultan, coordinateur Europe de Remix the Commons, au micro de la radio associative RapTz

Quelle définition donnez-vous aux « communs » ?

Frédéric Sultan : Pour Remix the Commons, c’est produire de la solidarité ensemble. Les communs sont des démarches collectives, qui visent à satisfaire des besoins partagés dans une perspective de solidarité, au sens large : solidarité entre les personnes, solidarité au-delà du groupe, solidarité avec le non-humain qui nous entoure. C’est tout ce qui nous relie, finalement. Cela nécessite ensuite de mettre en place des choses concrètes, de mobiliser et partager des ressources, mais c’est avant tout répondre à des questions fondamentales : qu’est-ce qui fait que l’on est ensemble, que l’on vit ensemble, que l’on habite un quartier ensemble ? Lorsqu’on parle d’un lieu, par exemple, ce n’est pas ce lieu en tant que tel qui est commun, mais l’usage que l’on en fait. En résumé, les communs sont les usages solidaires que l’on a du temps et de l’espace.  

Quelle est la genèse de Remix the Commons et du projet d’École des Communs ?

Frédéric Sultan : L’idée de Remix the Commons est de mieux comprendre les mécanismes de solidarité et leur actualité dans le contexte du 21e siècle. Les espaces dans lesquels se produit le collectif ont changé. Remix veut outiller tous ceux qui sont dans ces démarches de mise en commun, quel que soit le domaine. C’est un projet qui a démarré à l’international, en Belgique, au Sénégal, au Québec, puis en France.

A Paris, où plusieurs des membres de notre association vivent, nous avons eu envie de nous intéresser de près à la question de la gouvernance des lieux, des projets citoyens par les collectifs du quartier La Chapelle, très riche en initiatives citoyennes. Cela nous intéressait de questionner, par cette École des Communs, la gouvernance à partir des pratiques et de la manière dont elle est mise en vie, et non par le prisme des statuts et des règlements. Comment partage-t-on l’espace, les ressources, le temps ? Comment va-t-on vers les autres ? Nous avons alors choisi de nous appuyer sur une radio associative du quartier, RapTz. Le choix de la radio illustre bien notre démarche : ce n’est pas seulement un local, c’est un programme d’activités, en résonance avec le quartier et ses habitants.  

Quel est ce programme d’activités mis en lumière par la radio RapTz ?

Frédéric Sultan : L’idée concrète était de mettre en place une suite de cinq chantiers, qui viennent rythmer le projet. Le premier, intitulé « Se rejoindre, se raconter ! », aborde les enjeux d'accueil et de communication. Le second, « Money or no money : telle est la question ! », explore les modes d'organisation du partage des ressources monétaires, matérielles et immatérielles. Le troisième questionne le partage du temps à travers la thématique du soin, autrement dit les pratiques du “care”, un terme difficile à traduire qui recouvre une pluralité de notions comme le soin mutuel, la sollicitude, l’attention à autrui, la prise en compte des vulnérabilités. Le quatrième chantier, que nous venons de terminer, revisite les rapports de gouvernance et de pouvoir autour de l'accès et de l'usage des lieux. Le cinquième et dernier sera un chantier de synthèse du projet.

Ces chantiers sont menés en collaboration avec des structures associatives du quartier, telles que la Chapelle numérique, la médiathèque Vaclav Havel, Vergers urbains, le Shakirail… Ce sont des structures très différentes. Chacun a apporté et partagé ses propres communs.

À chaque fois, cela s’organise en trois temps : un premier temps pour regarder la réalité de ce qui se pratique dans le quartier, un deuxième temps théorique pour mettre en commun les référentiels sur le sujet, et enfin, un troisième temps pour proposer une ressource partagée avec le quartier. À chaque fin de chantier, nous enregistrons une émission de radio pour RapTz, comme un bilan, dont le format est assez court, entre 20 et 30 minutes. C’est une table ronde faisant interagir plusieurs invités, dont l’expert qui intervient en résidence pour partager ses référentiels sur le sujet.  

La radio associative RatTz, sur laquelle s'appuie Remix the Commons pour mettre en lumière les chantiers de l'École des Communs
La radio associative RatTz, sur laquelle s'appuie Remix the Commons pour mettre en lumière les chantiers de l'École des Communs 

 

Pourquoi ce choix d’un fonctionnement par chantiers ?

Frédéric Sultan : Un chantier, c’est quelque chose que l’on doit faire ensemble. Cela remet la réflexion et l’acquisition de compétences sur le plan du collectif, non de l’individuel. Avec l’École des Communs, on interroge les pratiques de gouvernance, on apprend de ce qu’on fait et on s’inspire de la manière dont d’autres le font. L’École s’est construite en interaction avec le Carnaval du quartier au mois de mai 2022, point d’orgue pour beaucoup d’associations. Nous avons vu alors qu’il y avait comme un dialogue autour du fait de faire ensemble, de se donner des temps pour faire un pas de côté et réfléchir à la manière dont on fait les choses. Travailler en chantiers produit quelque chose dont le résultat n'est pas qu’individuel, il est aussi collectif. L’essentiel des outils que nous produisons réside dans la méthode et dans les connexions qui se font entre les gens. Les chantiers réunissent des gens très différents : des associations, des membres de l’équipe de la radio, des chercheurs ou des militants chercheurs en résidence, mais aussi des habitants âgés qui nous racontent le quartier. Nos chantiers sont des espaces où se rencontrent des gens qui ne se seraient pas rencontrés autrement.

Prenons un exemple concret, comment s’est déroulé le chantier mené avec Vergers Urbains ?

Rémi Guillem : Vergers Urbains accompagne les habitants dans leurs projets de jardinage, mais aussi en leur proposant des jardins et des vergers partagés. Cette question des communs traverse l’association depuis très longtemps. Quand Frédéric nous a sollicités, nous étions enthousiastes à l’idée de participer au projet. Cela s’est concrétisé lors du troisième chantier, qui portait sur « le temps du soin ». En travaillant "Le temps du soin" et le “prendre soin” comme une dimension de la gouvernance, l'objet de travail de Vergers Urbains apportait à la fois une pratique singulière (prendre soin du vivant) et un jeu de temporalités (saisons, jour/nuit, temps d'activité et temps de repos) dans lequel on pouvait jouer.

Nous avons travaillé autour du Jardin des Traverses, un lieu hybride en cours de réflexion sur la petite ceinture Ornano-Poissonniers, couvrant 7000 m2 où se mêleraient création de lien social et préservation de la biodiversité. Le projet, en soi déjà ambitieux, s’inscrit également dans un cadre plus large, celui du renouvellement urbain du quartier de la Chapelle. 

Je suis intervenu lors d’un premier atelier le jeudi soir, afin de présenter le projet. Puis la chercheuse en philosophie politique Marie Moïse est intervenue le vendredi lors du second atelier, au cours duquel nous avons fabriqué une horloge qui mesure le temps du soin de manière qualitative : une manière pratique de regarder ce qui fait la qualité du temps dans nos activités, y compris en termes de gouvernance et de relations entre les personnes. Puis, le samedi, nous avons conclu le cycle par un dernier atelier de synthèse au centre social. 

Que vous a apporté cette expérience ?

Rémi Guillem : Parler du projet du Jardin des Traverses au sein de l’École des Communs était l’occasion de s’interroger sur ce que l’on pouvait faire de cet espace-là, pour en faire un espace commun, au milieu de tous les projets de renouvellement urbain. Cela nous a apporté des éléments de cadrage, afin de préparer la concertation sur ce projet ambitieux. Nous avons des pistes pour programmer cette concertation et préparer les ateliers avec des éléments sur le temps et sur les usages. 

Quels sont les enseignements des quatre premiers chantiers menés ?

Frédéric Sultan : La structuration des chantiers s’est construite chemin faisant. Cela s’est fait de manière pragmatique, en interaction avec les acteurs du quartier. Au départ, notre travail sur la gouvernance était très centré sur les initiatives, à l’échelle de chaque collectif. Puis nous nous sommes rendu compte qu’il était plus intéressant de réfléchir au niveau du quartier. Car chacun peut alors aller regarder comment les choses se font chez le voisin et apprendre les uns des autres. C’est une leçon que nous avons apprise. Il ne s’agit pas seulement des règles de vie d’un collectif, mais comment l’ensemble crée une culture militante. Nous avons d’ailleurs confronté notre École des Communs à une autre École des Communs sur l’alimentation, qui se déroule de manière totalement différente dans plusieurs villes françaises. Toujours dans l’idée de faire école ensemble et non individuellement. 

Qu’attendez-vous du tout dernier chantier qui sera mené en 2023 ?

Rémi Guillem : C’est l’occasion de réunir les associations qui se sont mobilisées. Il y a une vraie richesse associative dans ce quartier. Toute cette densité d’acteurs s’engage sur des questions qui sont importantes pour Vergers Urbains, comme l’alimentation et le verdissement. Nous souhaitons que ce chantier-là nous donne le temps et l’opportunité de discuter ensemble. Cela pourrait être le début d’une nouvelle collaboration. L’École des communs propose un chemin différent, très satisfaisant pour les acteurs. 

Frédéric Sultan : Ce sera un chantier de synthèse et de fabrication des résultats de l’ensemble. Les émissions réalisées pour la radio RapTz, insérées dans un dispositif multimédia, rendront compte des chantiers. C’est important que toute cette démarche reste comme un travail collectif, produit ensemble. Nous avons besoin de prendre soin de la trace que l’École des Communs va laisser. Nous allons reprendre pas à pas tout ce que l’on a fait et le mettre en forme. Courant mars, nous souhaitons organiser une grande journée publique de présentation et de rencontres, autour de cette question de l’apprentissage collectif, en présence de toutes les organisations du quartier, et au-delà.

 

 

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