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Par Fondation des solidarités urbaines - Publié le 9 novembre 2022 - 18:24 - Mise à jour le 10 novembre 2022 - 09:04
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Robin Girard, chef de projet D2L - « Transposer la dynamique d’un tiers-lieu à l’échelle de toute une rue »

Dans le XIXe arrondissement de Paris, l’association D2L et son tiers-lieu l’Éternel Solidaire ont initié un projet de revalorisation de l’espace urbain, fait par et pour les habitants. Ce vaste réaménagement participatif de la rue de la Solidarité, débuté depuis près d’un an, vient réorchestrer le cadre de vie et le lien social de tout un quartier. Explications de Robin Girard, chef de projet tiers-lieu et animation du territoire au sein de l’association D2L.

Robin Girard, chef de projet D2L / Crédit photo : Gilles Arbwick
Robin Girard, chef de projet D2L / Crédit photo : Gilles Arbwick

 

Comment le projet est-il né ?

 

Il porte le nom de la rue dans laquelle nous avons établi notre tiers-lieu « l’Éternel Solidaire ». Depuis plus de trois ans, avec la participation des habitants du quartier Danube, nous y menons des activités autour de l’animation du territoire, de l’insertion, de l’apprentissage et de l’environnement. Puis nous avons voulu déployer cette expérience de création de communs dans l’espace urbain situé en dehors du tiers-lieu. Comment amener les habitants à se réapproprier la rue de la Solidarité, dont le nom donne tout son sens au projet ? Nous avions cette volonté d’agir hors-les-murs lorsque nous avons répondu à l’appel à projets de la Fondation Paris Habitat, dont le thème était “Espaces communs : espaces et temps partagés”, qui nous a permis d’aller encore plus loin.

 

Quels enjeux aviez-vous identifiés au départ ?

 

L’Éternel Solidaire marque l’une des entrées du quartier Danube, qui est un Quartier Prioritaire de la Ville. Nous voulions que ce point d’entrée, et en prolongement toute la rue de la Solidarité, retrouve de l’attractivité tout en insufflant davantage de cohésion entre les habitants. Nous avions diagnostiqué plusieurs problématiques, à savoir l’amélioration du cadre de vie, le manque de signalisation, ainsi qu’un défaut de connaissance des structures associatives du quartier, pourtant nombreuses. Sans compter l’isolement d’une partie des habitants et le manque d’interactions avec les résidents du quartier prioritaire. Ce réaménagement de la rue devait être réalisé en mobilisant les habitants, dès le stade de la réflexion en amont, puis lors de la construction des actions et des projets. Nous avons choisi d’articuler le projet autour de deux grands axes : revaloriser l’espace urbain par une végétalisation, de l’art urbain, de la signalétique, mais aussi mettre en œuvre des services mutualisés pour créer du lien social, via des espaces et des temps partagés entre les habitants. Chacune de nos actions doit créer de l’échange et des rencontres.

 

Comment avez-vous initié la revalorisation de l’espace urbain ?

 

Pour faire le diagnostic du quartier, nous avons proposé aux habitants volontaires une marche exploratoire. Ensemble, nous avons déambulé dans la rue et identifié ce qui était bien, ce qui était à améliorer et ce qui était à refaire. Pour cela, nous avons conçu un outil sous forme de carnet de route. Chaque habitant y avait à disposition des questionnaires et des photos des lieux à réaménager, agrémentés de calques pour dessiner et consigner les idées. Ce carnet leur a permis de prendre en main la conception et la réflexion sur leur environnement urbain. Nous nous sommes ensuite pleinement appuyés sur les dessins des habitants pour préparer des ateliers de conception de mobilier urbain. Nous avons notamment réduit des palettes à l’échelle 1/10ème afin de réaliser ce mobilier sous forme de maquette, avec l’aide des enfants qui ont ainsi pu être pleinement intégrés à la démarche. Nous avons mis en place le même système de réflexion pour les potelets de la rue, qui grâce aux dessins sur calques, pourront être repeints avec un code couleur cohérent. La marche exploratoire a également servi à pointer les problèmes de signalétique. Il y a beaucoup de circulation dans la rue, mêlant piétons, mobilités douces, sorties d’école, sorties de crèche… il y avait une vraie question autour des espaces urbains partagés. Nous avons mené une première expérimentation avec la crèche, devant laquelle nous avons installé une signalétique efficace mais ludique, afin qu’elle participe à l’embellissement de la rue.

 

Qu’en est-il de la végétalisation ?

 

Elle se fait à travers l’installation de bacs, de jardinières, d’aménagements de pieds d’arbre. Nous accompagnons les habitants dans cette dynamique. Nous allons amplifier le mouvement en leur expliquant en quoi consiste la végétalisation, puis comment obtenir un « permis de végétaliser » auprès de la Ville de Paris. Nous avons aussi un potager partagé autour duquel nous avons ouvert des services, dont une grainothèque dans laquelle les gens venaient prendre des graines de manière informelle. Nous avons décidé de structurer des temps partagés par des « apéros grainothèque », où nous proposons des ressources autour de la graine, des temps d’échanges, de rencontres et une outilthèque avec des outils à disposition.

 

Qu’avez-vous mis en place en termes de services mutualisés ?

 

Notre problématique était un manque de circulation de l’information : comment faciliter la connaissance des structures du quartier et mutualiser l’agenda des activités ? Nous avons donc créé la Gazette de la Solidarité, un journal mensuel de quartier édité sur papier, pour ne pas pénaliser les personnes éloignées du numérique. C’est un projet que nous avons professionnalisé grâce au soutien de la Fondation Paris Habitat. La Gazette est distribuée dans le quartier et chez nos partenaires associatifs. Chaque mois, nous y mettons en avant un habitant qui nous parle à sa manière du quartier, ainsi qu’une association. La Gazette contient également des petites annonces, un agenda avec la programmation du mois, une rubrique pour mettre en valeur les commerçants. À chaque lancement, nous organisons un « apéro Gazette ». Un autre service présent dans le quartier est l’épicerie VRAC, installée depuis 2019 dans le quartier Danube. 70 personnes y viennent chaque mois. Nous voulons structurer l’accès à ces produits, créer du lien autour de l’alimentation et échanger avec les habitants autour de ce type d’offre alimentaire. Nous allons donc mettre en place des ateliers cuisine à l’Éternel Solidaire, en soirée. Leur principe est de se fournir auprès de l’épicerie VRAC, de transformer ensemble les produits et de partager un repas tout en abordant la question du circuit court, du groupement d’achat, de l’intérêt de la démarche. Nous sensibilisons donc à l’alimentation de qualité, au lien social, au partage mais aussi à la revalorisation des déchets grâce à notre composteur de quartier.

 

Quels sont les premiers enseignements et les perspectives du projet ?

 

Nous avons déjà des points de réussite. Nos marches exploratoires ont su réunir les habitants et les carnets de croquis, salués par les participants, ont donné lieu à des éléments visuels palpables. Ce carnet que nous avons expérimenté pourrait ensuite être déployé dans d’autres structures, d’autres quartiers. Idem pour les maquettes de mobilier urbain : notre méthodologie est réplicable, par exemple dans les écoles. La Gazette fonctionne très bien également. Chaque apéro de lancement réunit entre 30 et 50 personnes. Nous envisageons de retravailler le format pour qu’elle contienne davantage d’informations. Les habitants sont très sensibles au fait que l’on fasse appel à eux sur des problématiques de fond, comme le cadre de vie, l’accès à l’alimentation, la résilience. Ils se sentent légitimes à s’impliquer dans leur propre quartier, grâce aux temps d’échanges et de partage que nous leur proposons. Ces temps partagés dans un espace urbain commun créent de la cohésion sociale et un lien de confiance. Nous sommes dans cette notion d’« aller vers », de créer une pédagogie à l’échelle micro-locale qui capte les habitants sur des sujets majeurs. C’est une vision décloisonnée qui nous anime : nous avons transposé la dynamique de notre tiers-lieu à l’échelle de toute une rue. Faire ensemble, c’est créer des communs et élever le pouvoir d’agir. Notre volonté est aussi de porter notre démarche exploratoire auprès des pouvoirs publics. Nous pourrions être amenés à mener un projet pilote sur le XIXe arrondissement, en lien avec la Ville de Paris. Prochaine étape pour 2023 : recruter une personne en doctorat pour mener des entretiens auprès des habitants. Recueillir leurs récits, leur expérience à nos côtés pendant un an, viendra formaliser encore davantage notre méthodologie et notre impact.

 

potager rue de la solidarité / Crédit photo : Mary-lou Mauricio
Potager du tiers-lieu l’Éternel Solidaire / Crédit photo :  Gilles Arbwick
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