[TRIBUNE] "Oui à l'entreprise à mission à la française !"
À l’occasion du débat sur les « entreprises à mission » et de la consultation lancée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), nous sommes heureux de pouvoir témoigner de notre expérience, pour avoir fait la démarche depuis 2014 et être devenu une des 1ère entreprises à mission en France, et livrer nos recommandations sur les orientations qui nous semblent les plus pertinentes parmi les options qui s’offrent au gouvernement.
Les bénéfices de l’introduction d’un nouveau statut pour les « entreprises à mission »
Nous appelons de nos vœux la création d’un nouveau statut d’entreprise à mission, répondant à l’émergence d’un mouvement d’entreprises qui mettent au cœur de leur modèle la résolution d’un enjeu de société (social et/ou environnemental) et qui s’attachent à prendre en compte les intérêts de l’ensemble de leurs parties prenantes. Tout en permettant de distinguer ces sociétés qui agissent au bénéfice de l’Homme et la planète en mobilisant l’ensemble de leurs parties prenantes, cette différenciation positive aura aussi pour effet d’encourager les sociétés classiques à s’interroger et se positionner : font-elles partie du problème ou de la solution ? Ce nouveau statut contribuera à accélérer la transition d’entreprises classiques vers un développement durable. Nous sommes convaincus que ce nouveau modèle d’entreprise à mission, que l’on peut qualifier de 3e voie, entre l'économie sociale et solidaire et le capitalisme traditionnel, est le modèle de l’économie du XXIe siècle, plus durable, plus local, plus inclusif, plus circulaire. C’est le changement dans le capitalisme dont le monde a besoin.
Redonner du Sens à l’Entreprise
Un toilettage de l’article 1833 nous semble à même de susciter une dynamique positive pour l’ensemble de l’économie. Il ne peut être que très léger en termes d’implication à ce stade. En rester là serait néanmoins très déceptif et s’apparenterait à une forme de « RSE-washing ». Faire le choix de devenir une entreprise à mission permet de structurer les démarches de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) déjà engagées, en mettant la RSE au cœur du modèle avec pour effet de Redonner du Sens à l’Entreprise. Étendre l’objet social en précisant des finalités sociales ou environnementales est à la fois un levier d’engagement pour les parties prenantes (les collaborateurs, les clients, les fournisseurs y trouvent du sens) et un levier d’innovation (sociale et environnementale) et un levier de création de valeur stratégique pour l’entreprise. Enfin, il permet également de sécuriser et pérenniser la démarche d’entreprise engagée, au-delà par exemple d’un changement d’actionnaire ou de dirigeant.
Pour un statut d’entreprise à mission à la française
Statut ne vaut pas vertu : il nous paraît opportun de mettre de l’exigence et de l’ambition dans le nouveau statut d’entreprise à mission à la française.
1. Une mission à impact positif intégrée dans les statuts de l’entreprise. Un Objet Social Étendu prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes de l’entreprise est le 1er acte fondateur de l’entreprise à mission. La formalisation de sa mission (d’autant plus si elle est co-construite avec les parties prenantes) précise la raison d’être de l’entreprise et redéfinit sa finalité. Véritable levier d’engagement, une mission spécifique éclaire chacun (collaborateurs, fournisseurs, clients, acteurs du territoire, actionnaires…) dans ses interactions avec l’entreprise, dans l’intérêt du bien commun. Cela deviendra rapidement une nécessité pour créer de l’adhésion à la marque et à l’entreprise, constituant un levier pour la réussite économique et une clé de succès dans le contexte de mutations accélérées et de complexité croissante pour relever les défis du XXIe siècle !
2. Une gouvernance associée à l’Objet Social Étendu. Avec les chercheurs de Mines ParisTech , nous recommandons la mise en place d’une gouvernance spécifique avec pour rôle d’assurer le respect des orientations stratégiques liées à la mission et son évaluation (sincérité de la démarche de l’entreprise au vue de la stratégie et des moyens engagés). Ce nouvel organe de gouvernance, Comité à l’Objet Social Étendu, est composé de représentants des parties prenantes et de membres externes indépendants. Il établit un rapport annuel, à la disposition des collaborateurs de l’entreprise, qui fait l’objet d’un avis au conseil d’administration.
3. Une évaluation réalisée par un tiers indépendant. Pour que la démarche soit un levier d’innovation créateur de valeur économique, sociale et environnementale, il est nécessaire qu’elle soit structurée et que son impact soit mesurable. Sur le modèle américain des « Benefit Corporations », nous recommandons l’obligation de réaliser un rapport d’impact prenant en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes, réalisé par un tiers indépendant. Une certification reconnue internationalement, de type B Lab avec le référentiel B Corp, nous semble être un atout pour donner une dimension internationale au nouveau statut.
Retour sur l’expérimentation de la Camif, 1ère entreprise à mission française, B Corp avec une mission spécifique intégrée dans ses statuts et une gouvernance associée (Société à Objet Social Étendu)
À la Camif, notre démarche a commencé en 2009 par la mise en place d’un nouveau modèle d’entreprise. Au cœur de la relance de la Camif, nous avons mis en place un modèle d’impact, s’attachant à ce que le projet de l’entreprise puisse avoir un maximum d’impact positif pour toutes les parties prenantes et sur l’ensemble des enjeux du développement durable. Cela nous a semblé la seule voie possible pour réengager les parties prenantes et regagner leur confiance compte tenu du contexte de la CAMIF fin 2008. Inscrire la RSE au cœur du modèle a été la meilleure façon de Redonner du Sens à l’Entreprise. De la prise en compte des intérêts des parties prenantes, en passant par la certification B Corp, la mesure de l’impact positif sur les enjeux du développement durable, jusqu’à définir notre mission et l’inscrire dans nos statuts pour devenir la 1ère Société à Object Social Étendu B Corp française, « entreprise à mission », la structuration de notre démarche s’est faite en plusieurs temps :
La mission de la Camif, telle qu’elle a été définie en co-création avec les parties prenantes, est aujourd’hui inscrite dans les Statuts de la société : « Proposer des produits et services pour la maison au bénéfice de l’Homme et de la planète. Mobiliser notre écosystème (consommateurs, collaborateurs, fournisseurs, actionnaires, acteurs du territoire), collaborer et agir pour inventer de nouveaux modèles de consommation, de production et d’organisation. »
Les étapes de l’entreprise à mission CAMIF
2009-2014 : Les prémices, avec un modèle d’impact et une démarche RSE engagée
2015-2016 : Certification BCorp et Expérimentation de l’Objet Social Étendu
2017 : Élargissement de la Cellule’OSE, finalisation de la mission et inscription dans les statuts de notre Objet Social Étendu