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Par Carenews INFO - Publié le 30 mars 2018 - 11:19 - Mise à jour le 4 avril 2018 - 07:44
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[POSITIVONS] Italie : SfruttaZero cultive son jardin sans exploiter les migrants

En juillet 2015, Abdullah Mohammed, travailleur agricole soudanais de 47 ans, perdait la vie des suites d’une crise cardiaque sous le soleil écrasant de Nardò, petite commune de 30 000 âmes située à la pointe de la botte transalpine. Comme lui, des dizaines de migrants sont embauchés chaque année par les exploitants de la région durant la saison estivale pour la récolte des tomates, et le plus souvent dans des conditions indignes. Sous-payés, taxés et exploités, ils travaillent sous des températures frôlant les quarante degrés à l’ombre, sans accès à l’eau ni aux services d’hygiène. Grâce au seul soutien du financement participatif et de quelques paysans locaux, la petite association Diritti a Sud a lancé en 2015 sa propre production agricole, respectueuse de l’environnement comme des conditions des travailleurs locaux. Désormais composée d’un noyau dur de 25 membres actifs, à la fois travailleurs et décideurs, elle peine toutefois à changer d’échelle face au manque de subventions et d’implication de l’État italien.

[POSITIVONS] Italie : SfruttaZero cultive son jardin sans exploiter les migrants
[POSITIVONS] Italie : SfruttaZero cultive son jardin sans exploiter les migrants

 

Combattre l’exploitation des personnes et de la terre

 

Produire peu pour produire mieux, telle est l’ambition du projet d’exploitation fruitière SfruttaZero, porté par les associations Solidaria et Diritti a Sud. Lancé en 2014, il permet aujourd’hui d’employer une vingtaine de personnes. Rémunérés 7,19 euros net de l’heure (le coût du travail légal pour le secteur), les employés ont désormais droit au chômage ainsi qu’à une protection sociale. Sur place, les conditions de travail ont bien changé : l’eau et les collations sont pris en charge, les pauses à l’abri du soleil respectées. Les visages des travailleurs s’affichent même sur les 12 500 bouteilles de sauce tomate - tomates cultivées sans engrais et sans pesticides. Elles sont ensuite revendues via des AMAP ou sur des marchés équitables, au prix unique de trois euros.

 

Une situation fragile due au manque de subventions des pouvoirs publics

 

Néanmoins, la réalité économique conditionne la pérennité du projet. Le projet est en recherche permanente de subventions. “Il y a beaucoup d’appels à projets dans le sud de l’Italie, mais en ce qui concerne l’agriculture, il s’agit surtout de fonds européens, et nous ne sommes pas encore assez structurés pour y prétendre”, explique Bastien Fillon, co-porteur du projet. Pour le moment, l’heure est donc à la réflexion. “Nous essayons de réfléchir à des solutions pour avoir des fonds publics. Nous assurons encore tout le volet gestion et communication à titre bénévole, et nous commençons à nous essouffler.” En effet, Diritti a Sud compte pour le moment sur des soutiens locaux et ponctuels, s’appuyant ici sur un prêt contracté auprès d’une banque éthique, tantôt sur la coopération de paysans riverains pour le transport du matériel. Elle se structure également auprès d’acteurs de l’économie circulaire et solidaire comme le réseau FuoriMercato, un réseau national privilégiant l’agriculture biologique et l’autoproduction. “La vague de l’ESS n’est pas aussi installée en Italie qu’en France. Les pouvoirs publics se manifestent surtout à échelle locale, même si les communes sont en règle générale davantage intéressées par l’agriculture biologique que la justice sociale. Dans le secteur de l’agriculture, il faut vraiment s’accrocher pour parvenir à ses fins.” Pourtant, le modèle fait ses preuves. La production a quintuplé entre la première et la seconde année d’exploitation, pour des chiffres tout aussi encourageants en 2017.

 

Des enjeux politiques et militants

 

Plusieurs migrants ont ainsi fait le choix de s’impliquer durablement auprès des militants, à Nardò. Malheureusement, ils sont encore une minorité, et leur intégration, motivées par des convictions politiques, se fait bien souvent au prix de sacrifices tant sur le plan social qu’économique. “Seule une minorité décide de s’installer à l’année, et c’est une décision militante, qui les contraint généralement à vivre dans la précarité. Ils sont nombreux à repartir ensuite avec un capo* sur une autre exploitation. Et dans ces conditions, il est difficile de travailler sur une intégration dans la continuité”, déplore Bastien.

 

Capo* :

Le caporalato, en Italie, désigne un système d’exploitation des travailleurs dans lequel un intermédiaire, le caporalo (ou capo) est chargé par une exploitation ou une entreprise agricole de fournir une main d’oeuvre bon marché, prête à travailler sans contrat ni protection juridique.

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