[ENTRETIEN] Céline Bonnaire, déléguée générale de la Fondation Kering
Céline Bonnaire est à l’origine de la Fondation Kering, créée en 2008 après quelques années dans le groupe. Impliquée pour les femmes, elle œuvre contre les violences sexuelles, les pratiques traditionnelles néfastes ou encore les violences conjugales. La fondation vise désormais à impliquer encore davantage les collaborateurs du groupe, grâce à un programme développé avec les équipes RH.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai rejoint le groupe Kering en 2006, après avoir travaillé pendant 10 ans en communication institutionnelle dans des groupes B2B. Parallèlement, j’ai toujours eu un engagement associatif assez fort. Le dernier groupe dans lequel j’ai travaillé faisait partie de PPR (depuis devenu Kering), j’ai donc eu l’opportunité de rejoindre la structure d’engagement sociétal du groupe, dédiée à l’insertion et l’éducation. En 2007, avec la nouvelle stratégie du groupe Kering et la féminisation des effectifs, Francois-Henri Pinault nous a interpellés au sujet de la situation des femmes. Puis la Fondation Kering contre les violences faites aux femmes a vu le jour en 2008.
La Fondation Kering lutte contre les violences faites aux femmes. Pourquoi avoir choisi cet unique axe d’intervention ?
Le groupe est engagé de longue date sur la thématique des femmes. 60 % de nos collaborateurs sont des femmes, 80 % des clients sont des clientes. Kering est l’une des entreprises les plus féminisées du CAC 40, le conseil d’administration est composé à 64 % de femmes. Cela correspondait à nos valeurs. Ensuite, car 1 femme sur 3 est victime de violences au cours de sa vie. Le groupe, en se mobilisant sur ce sujet a donné de la visibilité pour mettre un terme à ce tabou avec une vision très précise en termes d’impact.
Comment ont été définies les trois causes défendues dans ce domaine ?
Lorsque nous avons lancé la fondation, nous avons travaillé sur des projets un peu partout dans le monde. Puis nous avons évalué notre travail après notre premier mandat de cinq ans, et nous avons voulu avoir plus d’impact en agissant dans les pays dans lesquels nous avions des collaborateurs que nous impliquons depuis toujours. Nous agissons désormais aux États-Unis et au Mexique, en France, au Royaume-Uni, en Italie et en Chine. Nous avons identifié par ailleurs sur ces trois continents les besoins qui n’étaient pas ou peu couverts, les territoires où assez peu d’acteurs étaient impliqués, ou encore là où des approches originales pouvaient nous permettre d’apprendre puis de répliquer ailleurs. Notre objectif, c’est de mettre un terme aux violences. Comment apporter des solutions ? Nous soutenons une douzaine d’associations locales, auprès desquelles nous nous engageons pour 3 ans au minimum, dans un dialogue permanent de co-construction. Nous avons un ou deux projets par pays et nous travaillons ensemble pour trouver les meilleures solutions. Nous remettons également tous les deux ans les Kering Foundation Awards, qui récompensent sept meilleurs entrepreneurs sociaux de trois continents. Ils remportent un soutien financier (de 5 000 à 10 000 euros) et un programme d’incubation d’une durée de six mois par un expert de l’innovation sociale dans leur région. Chacun bénéficie également d’un mentor au sein du groupe, dans le cadre de mécénat de compétences d’une durée de deux ans.
Quel est aujourd’hui votre regard sur le secteur du mécénat ?
J’ai la sensation que les fondations d’entreprises sont de plus en plus nombreuses à se créer. Dans le secteur des droits des femmes ou des violences faites aux femmes, la volonté de travailler ensemble est de plus en plus forte. En France et à l’international, nous travaillons avec les autres fondations engagées sur le “women empowerment”, et à l’international, on se retrouve également avec de grosses fondations familiales pour faire avancer le sujet. Globalement, c’est un secteur où la discussion et l’échange sont favorisés. Il y a une vraie volonté d’apporter ensemble une réponse commune à des problématiques importantes qui ne trouvent pas de solutions. L’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo ont également permis un éveil et une libération de la parole qui a renforcé la prise de conscience de tous les acteurs, et en particulier du mécénat. C’est aussi de la responsabilité de l’entreprise de s’emparer de ce sujet.