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Par Carenews PRO - Publié le 12 septembre 2018 - 12:52 - Mise à jour le 14 septembre 2018 - 09:17
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[INFO ENGAGÉE] Philippe Vion-Dury, Socialter, un journaliste de valeurs

Le journalisme de solutions, ou impact journalism, met en avant les initiatives sociales, citoyennes, solidaires qui font avancer la société. Ces sujets liés à l'intérêt général, au développement durable, à l'innovation sociale sont plébiscités par le grand public. Les rédactions des médias généralistes et spécialisés s'emparent, depuis quelques années ou plus récemment, de ces thèmes exigeants, loin des clichés sur un traitement de l'information léger et futile. Aujourd'hui, nous donnons la parole à Philippe Vion-Dury, rédacteur en chef de Socialter. Ce magazine bimestriel, lancé en 2013, apporte à ses lecteurs un regard nouveau sur l'économie et l'innovation sociale, avec un objectif triple : informer, inspirer et mobiliser.

[INFO ENGAGÉE] Philippe Vion-Dury, Socialter, un journaliste de valeurs
[INFO ENGAGÉE] Philippe Vion-Dury, Socialter, un journaliste de valeurs

 

 

Philippe, pourquoi êtes-vous devenu journaliste ?

 

Ce sont la curiosité et l’esprit critique que requiert ce métier qui m’ont poussé à le choisir. L’objectif du journalisme est d’informer les gens pour qu’ils changent les choses et qu’ils puissent prendre les décisions les plus éclairées possible. J’ai commencé par faire des études de droit, puis j’ai débuté chez Rue89 en parallèle d’une formation en journalisme. J’ai ensuite travaillé comme journaliste indépendant. J’ai notamment été pigiste pour Socialter qui m’a offert un poste de rédacteur en chef.

 

Pourquoi avoir choisi le journalisme engagé ?

 

Ce qui m’intéressait, c’était un journalisme qui s’engage ! Je suis alarmé de lire certains sujets assez mal traités dans la presse généraliste, en particulier l’écologie, l’économie sociale et les modèles économiques alternatifs. Socialter offrait la possibilité de traiter ces sujets de façon plus approfondie. Je ne suis pas un journaliste objectif, je suis un journaliste qui a des valeurs et qui entend les défendre. Or, peu de journaux se revendiquent aussi engagés. Avec Socialter, cela m’intéressait de pouvoir exprimer un parti pris, celui que le modèle actuel n’est pas satisfaisant.

 

Comment sensibiliser le public à ces sujets ? Comment aborder son lectorat ?

 

Avec Olivier [Cohen de Timary, fondateur de Socialter], il y a une phrase d’Antonio Gramsci, un penseur italien qui nous inspire : “Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté.” On essaye de créer un équilibre entre des articles analytiques et critiques qui vont fournir un appareil critique au lecteur, pour qu’il prenne de la distance par rapport à la communication ambiante, et des reportages pour présenter et mettre en valeur les initiatives intéressantes, tout en gardant un oeil critique nécessaire pour déceler les “fausses bonnes idées”.

 

Quelle est votre relation à la presse généraliste sur nos sujets ?

 

Je pense que dans les grands médias, il y a un mouvement de “dé-rubriquage” : on demande aux journalistes de traiter d’un peu de tout. Parallèlement, la presse est en crise, il y a donc de moins en moins de moyens pour permettre aux journalistes de bien traiter ces sujets, de ne traiter que ces sujets. On constate un certain nivellement par le bas sur les sujets qui émergent aujourd’hui. Sur l’ESS par exemple, il y a souvent une méconnaissance des journalistes de ces sujets. Ce sont des sujets qui demandent de lire des livres, de faire des recherches, de rencontrer des gens. Aujourd’hui, c’est plutôt la presse “magazine” qui permet cela.

 

Une rencontre marquante ?

 

Très récemment, pour notre dernier numéro chez Socialter, j’ai rencontré Alain Damasio, un auteur de science-fiction française contemporaine. Il a un discours très critique, très philosophique sur les technologies. C’était une rencontre assez passionnante.

 

Le sujet que vous avez préféré traiter dans votre carrière ?

 

C’était un dossier que nous avons traité l’année dernière : Internet, quel coût pour la planète ? L’idée de ce dossier était d’évaluer le poids énergétique d’Internet. Cela a permis d’interroger les lecteurs sur l’Internet qu’ils veulent aujourd’hui, un internet durable, qui ne consomme pas trop. Ce dossier a battu en brèche l’idée reçue qui veut qu’internet soit dématérialisé alors qu’internet a un poids réel en matière d’écologie. Par exemple, le bitcoin et la blockchain sont aujourd’hui de gros consommateurs en énergie. C’était un sujet intéressant et utile. De plus ces sujets sont très peu ou assez mal traités dans les médias.

 

Comment voyez-vous l’avenir des médias ?

 

Je pense que cet avenir dépendra des lecteurs. Les citoyens critiquent, souvent à raison, le journalisme, les journalistes et le système médiatique. Souvent, ils ne se rendent pas compte que beaucoup des problèmes rencontrés par le journalisme aujourd’hui sont structurels. L’argent reste le nerf de la guerre, et si aujourd’hui beaucoup de médias se placent en situation de dépendance économique, ou qu’ils sont moins à même de faire du bon travail, c’est pour des raisons financières. Le lectorat doit prendre conscience et accepter le fait que l’accès à une bonne information représente un budget, alors même qu’aujourd’hui Internet entretient l’idée que toute l’information peut être gratuite. Un mouvement balancier inverse doit se créer et faire accepter l’idée qu’il faut payer l’information pour permettre au journalisme de reprendre de l’oxygène et de faire de l’information de bonne qualité. Si ce mouvement ne s’opère pas, l’avenir ne sera pas forcément radieux...

 

Le mot de la fin ?

 

Il serait souhaitable qu’on repense notre système d’aides aux médias, et qu’on favorise l’émergence de nouveaux médias. Si les médias doivent incarner un contre-pouvoir démocratique, il faut une pluralité de médias ; or, aujourd’hui, on ne peut que constater les difficultés qu’ont les petites “pousses” de médias, internet, papier ou autre, à se lancer, à trouver des fonds, à trouver des soutiens auprès du gouvernement. Souvent, ces jeunes médias ne bénéficient pas des aides de la presse au même titre que les grands médias. Or il ne suffirait souvent de peu de choses pour que ces modèles fonctionnent et que l’on assiste à un vrai renouvellement des médias.

 

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