[INFO ENGAGÉE] Béatrice Héraud, rédactrice en chef de Novethic pôle RSE
Le journalisme de solutions, ou impact journalism, met en avant les initiatives sociales, citoyennes, solidaires qui font avancer la société. Ces sujets liés à l'intérêt général, au développement durable, à l'innovation sociale sont plébiscités par le grand public. Les rédactions des médias généralistes et spécialisés s'emparent, depuis quelques années ou plus récemment, de ces thèmes exigeants, loin des clichés sur un traitement de l'information léger et futile. Aujourd'hui, rencontre avec Béatrice Héraud, rédactrice en chef en charge de la RSE chez Novethic.
Béatrice, pourquoi êtes-vous devenue journaliste ?
J’ai grandi à la campagne et, à l’époque, il n’y avait pas internet ! Les livres et la presse constituaient mon ouverture sur le monde. Pendant mes études, j’ai travaillé pour Ouest France, et j’ai adoré cette expérience de terrain. Le métier de journaliste est idéal pour rencontrer des personnes qu’on aurait jamais croisées autrement. Ce qui me plaît aussi dans mon métier, ce n’est pas le sensationnalisme, c’est de décortiquer, d’analyser et de transmettre l’information.
Pourquoi avez-vous choisi de traiter des sujets engagés ?
Après mes études de journalisme, j’ai eu envie de travailler sur des sujets liés à l’économie car c’est un angle de vue qui permet de comprendre la marche du monde de façon très concrète. J’ai travaillé pour des médias économiques “classiques” comme BFM ou L’Expansion, mais je ne me sentais pas pleinement satisfaite. J’ai découvert Terra Eco qui analysait l’économie sous un angle holistique en croisant des analyses environnementales, politiques et sociales. Cela a été une révélation. J’ai réalisé que c’est comme cela que je souhaitais travailler : en analysant le monde économique sous un prisme plus global. Car c’est comme cela que l’information économique prend tout son sens.
Comment sensibiliser le public à ces sujets ? Comment aborder son lectorat ?
La rédaction de Novethic essaye d’alerter sur l’état de la planète, en relayant des rapports et les alertes de la société civile et des politiques, sous un angle économique et financier. On souhaite cependant éviter le catastrophisme, pour ne pas aboutir à une paralysie ou à un déni de la part des lecteurs. On contrebalance ce risque en montrant les actions qui existent, au niveau local ou à plus grande échelle avec les grandes entreprises, même s’il y a toujours une certaine défiance à leur égard en France. On veut montrer que la transformation des business models est nécessaire et possible.
Trouvez-vous que les sujets d'engagement dont nous parlons prennent plus de place dans la presse généraliste ?
Il y a du mieux, nos sujets sont de plus en plus traités par des médias économiques ou généralistes, ce qui n’était pas du tout le cas il y a ne serait-ce que deux ans. C’est une tendance que je considère positive, mais je reste frustrée sur le cloisonnement des sujets, qui reflète très certainement une réalité de terrain. La RSE est encore trop séparée de la stratégie globale des entreprises et les sujets sur la finance responsable ne sont pas souvent abordés par les journalistes financiers eux-mêmes... J’aimerais voir ces sujets traités de manière transversale.
Quel est le sujet que vous avez préféré traiter ?
Tous les débats sur la loi PACTE et sur la définition du rôle de l’entreprise dans la société qui ont lieu ces derniers temps sont passionnants. Je pense aussi à la série que nous avons fait sur les startups qui veulent changer le monde, on rencontre des entrepreneurs passionnés : c’est très motivant ! J’ai aussi beaucoup aimé traiter la COP21. C’était un évènement que l’on attendait depuis longtemps et qui a suscité une mobilisation énorme de la part de la société civile, des politiques et du secteur privé. Même si les suites sont décevantes, cela reste un évènement qui marque un tournant dans la prise de conscience globale des enjeux du développement durable.
Comment voyez-vous l’avenir des médias ?
Je suis assez pessimiste quant aux défis auxquels sont confrontés les médias aujourd’hui. Le modèle économique est difficile à trouver, et il y a une défiance générale à l’encontre des médias, de la part du lectorat comme de la part des décideurs. Or, je pense que le quatrième pouvoir que constituent les médias reste nécessaire aujourd’hui. Il doit aussi faire face à la grande menace des fake news.
Je reste optimiste cependant quand je vois de nouveaux médias traiter l’information de façon différente. J’appelle cela un journalisme “long et lent”, qui permet de suivre en profondeur l’évolution d’un nombre restreint de sujets, à l’image de ce que fait par exemple le média Les Jours sous forme d’une sélection de feuilletons. Je suis aussi assez sensible aux nouvelles formes de récits, comme celle de la Revue dessinée ou le Live magazine (l’actualité raconté sur scène par des journalistes). Cela permet d’attirer un nouveau public, plus jeune et plus en retrait du traitement journalistique classique, et c’est l’un des défis à relever pour la presse.
Article mis à jour le 31 octobre 2018.
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— beatrice heraud (@beatriceheraud) 25 octobre 2018