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Par Carenews PRO - Publié le 31 octobre 2014 - 09:46 - Mise à jour le 11 février 2015 - 13:53
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[REPORTAGE] Cameroun : des motos contre le VIH

L’on vous a peut-être demandé, lors d’un de vos passages en caisse dans un supermarché Auchan, ou à l'occasion du festival Solidays si vous désiriez faire un don pour soutenir Moto Action. Que vous ayez accepté – ou pas, Carenews vous invite aujourd’hui à découvrir cette belle initiative sur le terrain, au Cameroun.

[REPORTAGE] Cameroun : des motos contre le VIH
[REPORTAGE] Cameroun : des motos contre le VIH

Sur une route de brousse, un nuage de poussière s’élève, et le son d’un moteur fait vibrer la terre rouge. Ce n’est pas une tempête de sable ou une nouvelle étape du Paris-Dakar, c’est l’équipe de Moto Action qui se rend dans les villages isolés pour une campagne de sensibilisation contre le sida.

Nous sommes au Cameroun, 150ème pays sur 187 dans le classement de développement humain et pays le plus touché de la sous-région d’Afrique centrale et de l’Ouest par le VIH/sida. Alors que l’épidémie semble se stabiliser dans de nombreuses régions du monde, ici, elle progresse. C’est pour lutter contre ce fléau grâce à la communication que Moto Action se déplace de village en village sur des bolides qu’aucune des nombreuses ornières des routes chaotiques ne parvient à arrêter.

Alors, pourquoi la moto pour sensibiliser les populations à la lutte contre le VIH/Sida ?

« Eh bien parce qu’en Afrique, la moto est un formidable lien social, nous explique Yves Manga, président de l’association. Ici, la moto est bien plus qu’un simple moyen de transport, surtout dans les régions les plus isolées. Elle sert à convoyer des messages. Et nos messages portent sur la prévention du VIH. »

L’association cible tout d’abord les mototaxis, qui sont partout au Cameroun, en les formant à la communication sur la prévention, grâce à des messages simples et clairs, qui seront ensuite relayés aux hommes, femmes et enfants qui utilisent ce moyen de transport.

Selon Moto Action, « les moto-taximen sortent valorisés de ce type d’activités ; en plus de leur métier, ils deviennent les initiateurs d’un changement de comportement. » Les jeunes chauffeurs de mototaxis sont en outre une frange de la population très sensible par rapport au VIH/sida, les nombreuses interactions qu’ils ont et leur mobilité en faisant des cibles privilégiées pour la maladie.

Moto Action organise chaque année des campagnes de prévention et de dépistage au Cameroun. L’équipe installe une tente sur la place publique des villages, et invite la population à venir s’informer sur la sexualité et la santé, ainsi que d’échanger en toute confidentialité avec des conseillers spécialisés.

Depuis le démarrage de ses activités au Cameroun en 2007, les six grandes régions du pays ont été parcourues, plus de 24 000 personnes ont été sensibilisées et 7200 ont été dépistées.

Et pour sensibiliser, l’association n’hésite pas à déployer des trésors de créativité, comme ce « Jeu de l’oie contre les préjugés liés au genre et au VIH/sida » ou le jeu de cartes « Rumeurs et vérités sur le VIH ».

« Dans le village, on n’a pas grand-chose à faire, explique Emmanuel, 62 ans. Alors une nouvelle animation ne peut que nous intéresser. Nous avons beaucoup ri avec les cartes, la musique.. Et si en plus c’est pour la bonne cause… »

Dans un bar local, un groupe de trois jeunes hommes est attablé autour d’une bière. Franck, l’un d’eux, nous explique : « On a connu plein de types de campagnes de sensibilisation, par différentes organisations. Mais nous, les jeunes, on veut s’amuser. On aime tous les motos. Le bruit des moteurs… Ça nous attire ! »

Selon son camarade Ikéma, « Ici en Afrique, un jeune homme doit avoir un maximum de conquêtes pour être bien vu par ses amis… Respecté, quoi. Avant, je ne savais pas pourquoi il fallait me protéger. Maintenant, je sais qu’il n’y a pas de honte à utiliser un préservatif. »

L’association n’est pas seule dans son combat contre le VIH. Le tissu associatif est très dense au Cameroun, et Moto Action s’appuie sur plus de 58 ONG locales pour pérenniser son action en renforçant les capacités de ces acteurs locaux qui ont su développer une connaissance du terrain unique.

Au niveau international, Moto Action a pu obtenir des soutiens financiers et logistiques, notamment grâce à la Mairie de Paris, la Fondation de France, l’organisation de coopération allemande GIZ ou la fondation Total.

Selon la Mairie de Paris, «  les activités proposées par Moto Action et les associations locales partenaires permettent de dédramatiser la maladie et d’instaurer une relation de confiance avec les jeunes, de les inciter à adopter l’usage systématique du préservatif et à s’engager dans un parcours de santé aboutissant à la connaissance de leur statut sérologique. Les actions de prévention menées par Moto Action au Cameroun, aussi bien auprès des populations vivant en zones isolées que des acteurs associatifs locaux, répondent aux priorités parisiennes de lutte contre le sida en Afrique. »

Les pistons s’entrechoquent, dans un bruit de tonnerre les moteurs redémarrent, et les motos disparaissant dans un nuage de poussière.

Qu’ont-elles laissé derrière elles ?

« La connaissance, conclut Ikéma. Ce n’est pas aux ONG de changer nos habitudes, mais c’est à nous d’agir pour provoquer ce changement. C’est ça, l’Afrique, les humanitaires passent mais c’est à la société de réagir pour prendre son destin en main. »

Là où bat le cœur du monde, découvrez les reportages d’Alexandre Brecher

Co-fondateur de Carenews, Alexandre Brecher est un infatigable voyageur. Après avoir travaillé en France en tant que journaliste, il s’engage pour la mission des Nations Unies en Afghanistan. Depuis, il parcourt ces zones de conflit où l’histoire s’écrit à toute vitesse, comme le Libéria, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Nord, le Mali, la Centrafrique et l’Irak. Aujourd’hui basé à Yaoundé, au Cameroun, il présente sur Carenews ses reportages, récit des petites histoires qui font la grande, portraits d’une monde en perpétuel changement qu’il ne cesse d’explorer, fidèle à sa devise : « Les hommes pensent qu’il font des voyages, en fait ce sont les voyages qui nous font – ou nous défont. »

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