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Par Réseau iniSia - Publié le 19 novembre 2014 - 14:43 - Mise à jour le 5 juin 2015 - 13:41
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Témoignage depuis Erbil

Du 22 au 25 octobre 2014, Louis-Marie Piron, Délégué général au Secrétariat général de l'enseignement catholique, en charge des relations internationales a participé à une mission à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, aux côtés de deux structures d'Eglise particulièrement impliqué sur ce territoire, l'Œuvre d'Orient et de l'Aide à l'Église en Détresse.

Témoignage depuis Erbil
Témoignage depuis Erbil

Quelle est la situation des familles déplacées ?

Fuyant la folie de Daesh, 120 000 chrétiens, sur un total de 1 200 000 réfugiés, sont arrivés au Kurdistan Irakien durant l'été. Ils ont laissé derrière eux leur travail, leurs habitations, leurs écoles, leur vie… 12 000 de ces familles, soit environ 60 000 personnes, se sont réfugiées à Erbil. Elles sont pour une grande part originaires de Karakosh, haut lieu de la présence chrétienne en Irak. Elles n'auront probablement pas la possibilité de retourner chez elles avant longtemps. Lorsqu'elles ne sont pas installées dans les écoles kurdes d‘Ankawa (quartier d'Erbil), elles vivent dans une grande précarité sous des tentes du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. L'approche de l'hiver oblige dans les semaines qui viennent à trouver 60 000 couvertures et du carburant pour les groupes électrogènes.

Est-ce que ces familles envisagent de venir en France ?

En moyenne deux ou trois familles quittent Erbil chaque semaine pour trouver refuge en Jordanie, au Liban ou en Turquie. Elles sont traumatisées par ce qu'elles ont vécues. De nombreuses autres familles rêvent de venir en Occident. Suite aux visites du président de la république et du ministre des affaires étrangères français des espoirs sont nés. Plusieurs milliers de demandes de visa ont été faites au Consulat de France d'Erbil. A peine 10% pourront déboucher sur une issue favorable entrainant une forte désillusion.

Certaines pensent-elles retourner un jour chez elles ?

La grande majorité des familles attend avec impatience de pouvoir rentrer chez elle, essentiellement dans la région de Karakosh. C'est ce que souhaitent également les responsables d'église qui veulent permettre aux chrétiens de rester en Irak.

Il est vraisemblable que la reconquête et la sécurisation des zones prises par Daesh prennent du temps. Le front est, aujourd'hui, à peu près stabilisé, mais on est loin de voir la coalition reprendre le dessus dans les zones à reconquérir. Dans cette région, les seules forces qui résistent efficacement à Daesh, sont les peshmergas kurdes. Leur priorité est de sécuriser leur territoire par un bouclier impénétrable. De facto, les chrétiens qui sont au Kurdistan sont protégés par ce bouclier.

En attendant l'improbable exil ou l'éventuel retour, comment sont prises en charge ces familles ?

Sur place, les évêques ont pris en charge la gestion de la crise en se répartissant les tâches et en se réunissant plusieurs fois par semaine pour se coordonner. Ils suivent plusieurs programmes en cours qui sont en grande partie financés par des ONG européennes. En l'absence de toute perspective sur un retour possible des populations à Karakosh, la décision a été prise de conduire ces programmes de construction à Erbil : ils concernent des locaux préfabriqués, appelés aussi « bungalows » ou « caravanes » qui peuvent être construits rapidement et sont utilisés comme habitation, dispensaire ou école.

Quelles sont leurs conditions de vie ?

La situation est extrêmement précaire, en particulier dans les « villages » construits avec des matériaux de fortune. Certaines familles sont installées dans des hangars en construction dans lesquels ont été montés des cloisons en tôle sans toit. D'autres vivent, par exemple, dans un centre sportif où 1 200 personnes se partagent différentes salles de sport, jusqu'à 230 personnes dans la plus grande salle, alignées les unes à coté des autres, sans aucune intimité.

Des villages de bungalows sont en train d'être construits à la hâte, chacun pouvant accueillir une famille de six personnes. Les sanitaires, la cuisine, sont dans des espaces extérieurs communs à tout le village. Chaque village héberge plusieurs centaines de personnes.

Des familles, arrivées dans les premiers temps, s'étaient logées dans des appartements, pensant ne rester que quelques mois. Elles demandent aujourd'hui à être accueillies dans des bungalows, ne pouvant plus payer le loyer.

Qu'en est-il de la scolarisation des enfants ?

Aujourd'hui, il manque 3 700 places en primaires et plus de 4 000 en collège et lycée pour les seuls enfants des familles chrétiennes. Leur scolarisation dans les écoles kurdes est impossible, le kurde n'étant pas parlé par les enfants réfugiés.

Les familles sont très angoissées par la non scolarisation de leurs enfants et souhaitent ardemment qu'ils puissent retourner à l'école. Certains parents, plusieurs fois déplacés, disent avoir dû repartir à zéro à trois reprises au cours de leur vie. Ils considèrent qu'il n'y aura plus de perspective d'une vie meilleure pour eux. Par contre, ils souhaitent que leurs enfants puissent se construire un avenir, qui passe par l'éducation et l'enseignement.

Un programme de construction d'une dizaine d'écoles a été lancé par l'Église locale. Chacune de ces écoles accueillera au moins 900 élèves et coûtera environ 250 000 euros. Les enseignants, qui se sont déplacés avec la population et continuent à être payés par le gouvernement, sont prêts à assurer leurs cours. Il ne leur manque que les locaux.

L'Enseignement catholique de France a décidé de s'associer à ce programme de construction d'écoles en le soutenant par une collecte de dons dans son réseau sur l'ensemble du territoire national.

 

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