[Dis Flavie] Comment les collectivités bénéficient-elles du mécénat ?
Les associations, les musées, les ONG, les fondations sont les principaux bénéficiaires du mécénat d'entreprises et des particuliers. Depuis quelques années, de nouveaux acteurs se sont lancés eux aussi dans l'aventure philanthropique, avec – pour l'instant - moins de visibilité : les collectivités territoriales.
Dans le monde de la philanthropie, on connaît bien les exemples de villes ayant fait le choix du mécénat, Reims étant pionnière en la matière. La première étude sur le sujet ( Les collectivités à l’heure du mécénat. Première étude sur le mécénat au bénéfice des collectivités territoriales françaises par EY et Excel ) a également contribué à mettre en lumière le phénomène. Pourtant, qu'il s'agisse du grand public ou des collectivités elles-mêmes, ce type de mécénat est méconnu, voire inconnu.
L'aspect juridique a pourtant été éclairci il y a un peu plus de dix ans. Le point-clé, c'est celui-ci, inscrit noir sur blanc dans l' article 28 de l’instruction fiscale 4 C 5-04 du 13 juillet 2004 qui apporte des précisions sur la célèbre loi du 1er août 2003. « Il est par ailleurs précisé que les dons effectués par une entreprise à une collectivité publique, telle que l’Etat ou une collectivité territoriale, peuvent ouvrir droit à la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis à condition que les dons soient affectés à une activité d’intérêt général présentant un des caractères mentionnés à ce même article. ». Il est à noter que le critère de la « gestion désintéressée » n'est pas applicable aux collectivités.
Le mécénat des collectivités territoriales reste méconnu, pour de nombreuses raisons dont les plus évidentes sont la méconnaissance des mécanismes de mécénat par les collectivités mais aussi les difficultés liées à la perception d'entités qui ont plusieurs casquettes, dont celles de récolter les impôts et d'administrer les structures locales.
Sur le plan pratique, la récente et très complète étude d'EY et Excel permet de baliser une réalité bien ancrée. Les 3 domaines financés en priorité par ce mécénat sont l'environnement, l'art et la culture ainsi que les actions sociales et solidaires. Le don médian envisagé est de 49 euros et l'idée, encore peu assimilée, est reçue positivement par les Français. Le mécénat des collectivités concerne ainsi les villes (Reims, Rouen…), les départements (Hauts-de-Seine, Doubs...), les communautés d'agglomérations...
Les questions, nombreuses et entrecroisées, se posent et n'aident en rien à mettre en lumière le mécénat des collectivités territoriales : En ont-elles besoin ? Quel message donner au citoyen et au contribuable ? Qui se chargera de récolter les fonds ? Quelle structure (véhicule) utiliser ? Comment faire la part des choses entre les projets d'intérêt général qui peuvent bénéficier du mécénat et les autres chantiers d'une ville ou d'une agglomération ? Sur le plan théorique, une vraie interrogation persiste : Ce "nouvel" acteur de la récolte de fonds a-t-il légitimité à faire appel à la générosité du public, et donc à faire concurrence aux bénéficiaires plus "traditionnels" ?
Dans cette nuée d'interrogation - rendue encore plus brumeuse par le millefeuille administratif français qui multiplie les administrations locales - des arguments positifs et de beaux exemples donnent cependant une vision plus précise de ce que peut générer un projet de mécénat au sein d'une collectivité territoriale.
Comme pour les pôles mécénat régionaux (exemple, le pionnier du genre, Mécène et Loire) - mis en orbite, le plus souvent, par les chambres de commerces et/ou les professions spécialisées (notaires, experts comptables) - qui s'apparentent aux clubs d'entreprises, le mécénat des collectivités doit se patiner un peu avant que l'on puisse tracer des tendances fortes et les généraliser.
Le nombre d'acteurs impliqués, la diversité des projets, la complexité des structures donnent aujourd’hui une vision certes à court terme, mais rendue positive par l'expérience.
À condition de ne pas perdre les citoyens donateurs dans un dédale d'institutions et de structures, on imagine un avenir radieux pour ce mécénat créant des liens de proximité entre les entreprises, les citoyens et les administrations, mais aussi le tissu associatif. Un mécénat fédérateur et enzyme d'un écosystème donnant au mot local un sens réhabilité et encore plus démocratique : faire le choix de participer d'une nouvelle manière à l'évolution de son territoire.
Flavie Deprez, passionnée par les rapports entre le secteur privé et l'intérêt général, a eu son bac l'année de la loi Aillagon. Cette coïncidence traduit l'intérêt qu'elle porte depuis au secteur non-lucratif sous toutes ses formes.
Elle a travaillé pour les trois sommets du triangle du mécénat (secteur public, associatif et entreprise). Aujourd'hui Flavie vit du mécénat, ce qu'elle trouve, en souriant, un peu paradoxal.
Elle accompagne en tant que consultante les différents acteurs concernés dans des partenariats de mécénat aux enjeux croisés. Elle a décidé, il y a peu, d'arrêter d'en papoter pour écrire sur le sujet. Derrière son écran, elle s'occupe du rédactionnel de Carenews où elle fait son mécénat tous les mardis.