[EDITO] Scandales de gestion : monde associatif et entreprises, tous égaux ?
Le monde associatif a beau représenter 5% de la masse salariale en France et les projets menés par les associations être de plus en plus professionnels, c'est un secteur qui reste le parent pauvre du monde du travail, en termes de rémunération et de réputation notamment. Pour autant lorsqu'un scandale éclate, les associations sont traitées de la même façon que les entreprises : sans pitié. C'est normal si ce n'est qu'on ne parle souvent du secteur que dans ces cas-là...
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Payer des gens travaillant dans une association est encore une idée qui dérange la vision traditionnelle de la charité bénévole et de l'engagement désintéressé. Savoir qu'un don peut servir à verser des salaires – une partie des fameux frais de fonctionnement que certaines structures institutionnelles ou entreprises refusent encore de financer – heurte la vision idéale de l'action de générosité.
Pourtant nous savons aujourd'hui que dès qu'une association commence à accomplir des actions d'une certaine ampleur, elle doit pouvoir s'organiser autour d'une équipe permanente composée de professionnels. Et travailler dans une association est de moins en moins considéré comme un travail de seconde zone, preuve que le secteur propose désormais des postes et des carrières intéressantes.
Et comme dans toute structure gérant des flux financiers, l'association – la fondation – peut commettre des infractions, voire des irrégularités. C'est peut-être le cas de l'Institut Curie mis en cause par Médiapart il y a quelques jours pour avoir distribué des montants disproportionnés en primes à ses salariés. C'était le cas il y a quelques semaines de la Croix Rouge dont la gestion était remise en cause alors que de nombreux licenciements sanctionnaient apparemment des dérives importantes.
S'il est inenvisageable de cacher ce genre d'affaires, il faut réfléchir à la dimension morale de l'histoire. Si l'on en croit les réactions et le ton des articles sur ces sujets, l'opinion publique est davantage choquée par les scandales financiers dans des structures associatives à but non lucratif que dans des entreprises lambda. Cette réaction est-elle justifiée ?
Il est compréhensible que la dimension philanthropique des associations leur impose un devoir de bonne conduite, l'argent anormalement utilisé étant perçu comme étant soustrait à la réalisation des projets d'intérêt général.
Cependant on peut s'interroger sur la nature des sommes considérées comme mal utilisées. S'agissant de fraudes diverses ou d'abus de bien social (des avantages en nature comme des voyages, des loyers par exemple), il est normal de considérer que les sommes auraient pu servir autrement. Mais qu'en est-il de salaires et de primes ? Dans le secteur dit privé comme dans le secteur public il est admis q'un salaire puisse être sous certaines conditions être assorti d'une prime. Pourquoi pas dans le secteur associatif ? Les salariés doivent-ils être moins bien lotis parce qu'ils ont choisi de travailler là ?
Une des réponses porte sur le niveau des rémunérations dans les associations, souvent très inférieur au secteur privé : on peut imaginer qu'un système de prime serve à les rééquilibrer. Une autre concerne les traditions et la nécessité d'accompagner le changement de gouvernance des associations qui se reconnnaissent désormais comme des acteurs de l'économie à part entière et à ce titre pouvant être rémunérés selon le marché de l'emploi. Reste à encadrer comme le font de nombreuses structures la part des frais de fonctionnement comprenant les salaires dans le financement global pour rester raisonnable et crédible. Et surtout, communiquer.
Dans les rapports d'activité on voit fleurir les graphiques montrant à quoi sont utilisés les dons : la démarche est bonne mais devrait être élargie de façon systématique lors de tout acte de don. Exemple la fondation de l'Université Saint-Quentin-en-Yvelines qui précise dans le processus qu'une partie du don est affectée aux frais de gestion (l'autre partie étant consacrée à des projets moins sexy - démarche tout aussi intéressante). Préciser systématiquement que l'argent donné sert à la fois à la réalisation concrète d'une action et à financer des frais de fonctionnement classiques et raisonnables me semble pouvoir convaincre l'opinion de la légitimité de ce mode de fonctionnement, et inscrire le monde associatif dans une logique professionnelle pouvant allier efficacité et sincérité des projets.