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Par Eva pour la vie - Publié le 9 mars 2016 - 16:32 - Mise à jour le 10 mars 2016 - 14:44
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Cancers de l'enfant : des intentions, mais quels moyens ?

EVA POUR LA VIE, association indépendante de lutte contre les cancers de l’enfant, était conviée ce mercredi 9 mars par l'Institut National du Cancer, dans le cadre du programme d'actions intégrées de recherche (PAIR) en cancérologie pédiatrique. L’association a remis une contribution écrite détaillée concernant les champs à investiguer . Sans tabou et en s’attachant à une priorité : l’intérêt d’enfants qui sont, en France, plus de 2500 par an à être diagnostiqués d'un cancer et 500 par an à en décéder, faute de traitement adapté. Petit tour d’horizon …

Cancers de l'enfant : des intentions, mais quels moyens ?
Cancers de l'enfant : des intentions, mais quels moyens ?

 

Un état des lieux sans concession

Tout d’abord, Eva pour la vie a rappelé dans sa contribution que chacun doit faire preuve d’humilité, les progrès enregistrés en matière de guérison d’enfants sur les 40 dernières années n’étant pas « spectaculaires » mais très inégaux d’un cancer à l’autre : aujourd’hui, le taux de survie 10 ans après le diagnostic pour les enfants atteints de tumeurs du tronc cérébral - cancer spécifique au jeune enfant - est inférieur à 1% (souvent, moins de 10% pour de nombreux types de tumeurs cérébrales pédiatriques) contre plus de 95% pour certains types de rétinoblastomes.

Tous cancers confondus, 70% des enfants sont encore en vie 10 ans après leur diagnostic. Certains sont réellement guéris, d’autres rechuteront. Cela signifie qu’au moins 3 enfants sur 10 seront décédés de leur maladie, ce qui représente environ 500 enfants et adolescents/ an en France, un nombre qui ne recule pas depuis 20 ans, le nombre d’enfants diagnostiqués augmentant en parallèle de 1 à 2% par an.

Par ailleurs, on peut se questionner sur l'intérêt de sous-estimer les résultats du passé pour rendre la situation présente plus acceptable. Juste avant les débats sur la loi Lagarde, relative au financement de la recherche en oncologie pédiatrique, le Ministère de la Santé avait fait preuve d’une grande autosatisfaction en indiquant, dans ses réponses écrites aux dizaines de députés qui l’avaient interpellé, que le « le taux de guérison des enfants atteints de cancer s'est considérablement amélioré, passant de 25 à 80 % en 30 ans ».

En réalité, le terme guérison est employé à tort, “ survie” (signifiant "encore en vie mais pas forcément guéri") étant plus réaliste. Et surtout, ce taux était en réalité d’environ 60% sur 5 ans (et non 25%) au milieu des années 80, contre 80% sur 5 ans (70% sur 10 ans) aujourd’hui. Tous les traitements passés – y compris ceux qui ne sont plus protégés par les brevets et qui donc, ne sont plus à un prix suffisamment élevé aux yeux des industriels du médicament – ne sont peut-être donc pas à jeter …

Et que dire des effets secondaires ? Pas moins de 70% des enfants qui ont survécu à un cancer souffrent d’effets secondaires importants voire lourds, liés à l’usage de médicaments et d’agents anticancéreux généralement développés chez l’adulte, et simplement « adaptés » à un usage chez l’enfant. Une publication américaine récente (CA CANCER ; doi: 10.3322/caac.21341) a évalué que le développement de pathologies cardiaques chez un enfant ou un adolescent préalablement traité par chimiothérapie pour un cancer était multiplié par 15 par rapport aux enfants non traités. Au-delà des financements de l’INCA, une volonté publique permettant de développer de nouveaux traitements – médicamenteux ou interventionnels – adaptés à l’enfant, y compris lorsque cela touche un nombre de patients considéré comme « trop faible », pourrait réduire les risques …  

Mieux comprendre les causes de la maladie : quelle prévention ?

Un proverbe très sage dit « Mieux vaut prévenir que guérir ». Malheureusement, s’il est possible pour un adulte de réduire fortement les risques de cancer du poumon ou du foie en changeant certaines habitudes et le prix de produits clairement pro-cancéreux (tabac, alcool), il est bien plus difficile de savoir quelle attitude adopter face à un enfant en train de grandir ou même au moment de la grossesse pour réduire les risques de cancer pédiatrique. Des suspicions – consolidées par les publications et enquêtes récentes - existent. Malheureusement, leurs détracteurs jouent souvent sur une insuffisance de preuves, qu’il serait pourtant facile d’apporter, dans un délai raisonnable … C’est pourquoi l'association propose que l’INCA participe à la mise en place d’une grande étude épidémiologique dédiée aux enfants, afin que durant 3 ans, l’ensemble des parents d’enfants & adolescents atteints de cancers soient  invités à remplir un questionnaire détaillé et qu’il soit systématiquement procédé (avec l’accord des parents) dès le diagnostic, donc en amont de tout traitement, à des examens biologiques tels qu’analyses de cheveux et du sang approfondies visant à évaluer le taux de toxiques & polluants de tous ordres dans les cheveux et le sang, avec comme objectif de détecter des facteurs de risques. Le même type de prélèvements pourrait être effectué sur les mamans d’enfants en bas-âge. Potentiellement, ce sont 7500 enfants et adolescents qui pourraient participer à une étude d’ampleur inédite, afin de pouvoir rendre des conclusions fiables, d’une façon dépassionnée, sur les théories environnementales évoquées, et ainsi protéger toute une population, plus particulièrement  les enfants et les femmes enceintes. On peu penser qu'une telle étude - financièrement viable - ne verra le jour que si la santé des enfants passe avant celle des lobbyings ...

 

Sauver plus de vies, en soutenant la recherche fondamentale, translationnelle et préclinique…

... afin de mieux comprendre les mécanismes à l’origine des cancers de l’enfant, et comment les « contrer » par une thérapie médicamenteuse ou interventionnelle. Une recherche biologique et préclinique minutieuse et aboutie permettrait de favoriser l’émergence de traitements – médicamenteux ou interventionnels – individualisés, adaptés à chaque patient, moins toxiques. Des efforts financiers importants sont nécessaires pour rattraper le retard pris sur les cancers de mauvais pronostic. De plus, à l’instar de ce qui peut être pratiqué en Allemagne pour les enfants atteints de cancers de mauvais pronostic, l'accès à des traitements individualisés, réalisés d’une façon compassionnelle, est une vraie question. Aujourd’hui, les parents de petits patients atteints de cancers de mauvais pronostic n’ont pas d’autre choix, en France, qu’entre un traitement palliatif ou un essai clinique souvent randomisé, c’est-à-dire avec tirage au sort entre le traitement A et B. Or, des aveux mêmes de plusieurs oncologues et chercheurs, "ces essais cliniques réalisés chez l’enfant ont bien souvent peu de rationnel biologique ou préclinique mais sont surtout motivés par un allongement de 6 mois [prévu par le règlement pédiatrique européen, plus favorable à ce jour aux industriels qu’aux petits patients,NDLR] de l’exploitation d’un médicament rentable chez l’adulte par les industriels."

Eva pour la vie estime les besoins supplémentaires (aux faibles moyens alloués jusqu’en 2015) pour la recherche sur les cancers de l'enfant à 15 - 20 millions d’euros par an. Une somme dont on peut relativiser l’importance, au vu des enjeux humains. A titre de comparaison, l’industrie du médicament génère un chiffre d’affaires de 52 milliards d’euros par an, dont plus de 10 milliards de bénéfices nets, par an …

 

Garantir des conditions d’accueil et de traitement de qualité aux enfants atteints de cancers  

Eva pour la vie a reçu, depuis sa création, des centaines de témoignages de parents d’enfants atteints de cancers, évoquant une qualité d’accueil et de traitement dans les différents centres d’oncologie pédiatrique français très inégales. C’est pourquoi l’association souhaite que des audits indépendants réguliers soient effectués dans l’ensemble des services de pédiatrie, en particulier d'oncologie pédiatrique, avec la collaboration des associations et des familles de patients. Ces audits permettraient à la fois d’aider les équipes de soignants – en apportant les moyens financiers, humains voire psychologiques nécessaires - et d’améliorer les conditions d’accueil & de traitement des enfants.

De même, le volet alimentaire est trop souvent délaissé, alors que des études de l’INSERM évoquent un lien avec la guérison. Une charte nationale de la qualité alimentaire pour les enfants accueillis au sein des hôpitaux, en particulier dans les services accueillant des enfants traités pour des pathologies lourdes (cancérologie), pourrait garantir, tout au long de l’année et dans l’ensemble des hôpitaux disposant d’un service de pédiatrie, une qualité gustative et nutritive adaptée aux enfants. L’association souhaite que l’alimentation fasse partie intégrante du soin et qu’elle soit adaptée à chaque cas. A ce jour, il n’est pas rare de constater que les repas servis aux enfants atteints de cancers soient aussi peu appétissants que ceux servis dans les prisons …

 

Conclusion : des intentions, mais quels moyens ?

L’association Eva pour la vie – qui a également préconisé d’autres mesures, en lien avec sa pétition signée par plus de 190 000 personnes - salue la décision d’impliquer les associations dans la mise en place du nouveau Programme d'actions intégrées de recherche (PAIR) dédié à la cancérologie pédiatrique. Cela dit, cette bonne volonté ne sera suivie d’effets réels que si des financements nouveaux et suffisants sont alloués. Dans les faits, rien n’est moins sûr. C’est pourquoi l’association souhaite, plus que jamais, que l’Etat garantisse enfin par la loi un financement pérenne, complémentaire aux faibles moyens actuels, pour l’ensemble des travaux et des missions nécessaires pour les enfants atteints de cancers,  leucémies et maladies rares létales mais aussi, pour soutenir des familles qui se sentent trop souvent bien seules.

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