[ENTRETIEN] Dominique Levêque, bénévole pour le secours populaire français
Dominique Levêque est bénévole depuis quinze années au sein de la fédération parisienne du Secours populaire. Portrait de cette femme modeste et engagée, porteuse de valeurs humanistes. Dominique s’exprime spontanément, avec les mains, avec son regard bleu. À son sens, elle est une bénévole atypique. L’adjectif ‘investie’ lui irait bien aussi.
Cette femme d’une cinquantaine d’années a un cursus universitaire en biochimie. Elle est chargée d’information médicale pour un laboratoire pharmaceutique d’envergure internationale. Elle confie avoir « de grosses charges de travail » et explique que « les relations humaines n’y sont pas toujours simples. Il faut y trouver sa place. Cette grande entreprise est là pour faire fonctionner un business, avec un souci de rentabilité. » Cette réalité professionnelle la dérangeant, elle avait même envisagé de se reconvertir, pour devenir assistante sociale. Son envie profonde était de se sentir plus utile à la société et de satisfaireses valeurs humanistes. Mais finalement, elle est encore en poste et continue de transmettre des informations sur les médicaments.
« Apporter ma petite pierre... »
Elle a fait ce choix parce que ce travail lui permet de bien gagner sa vie, d’accumuler des RTT et de mener sereinement sa seconde vie : l’engagement bénévole dans le secteur associatif. Elle en est convaincue : « C’est mon équilibre et c’est ma vraie nature ! »
Elle s’est donc impliquée bénévolement pour différentes causes : écriture de lettres à des prisonniers, échanges avec les patients dans des services d’urgences, accompagnement de malades dans des unités de soins palliatifs, etc. Elle a arrêté lorsqu’elle a vécu un deuil dans sa famille : « Cela s’entrechoquait trop avec ce que je vivais personnellement. Tout se mélangeait. »
Après ces différentes expériences, elle désirait donner de son temps « pour des personnes qu’on oublie, qui vivent dans une vraie précarité et pour une organisation sans connotation religieuse ». Elle a donc porté son dévolu sur l’association du Secours populaire, qu’elle a rejointe dans les années 2000.
Depuis quinze ans, elle consacre une demi‐journée de RTT par semaine à la fédération parisienne du Secours populaire. Au départ, elle faisait des collectes alimentaires dans des supermarchés. Puis elle a fait de l’accueil de jour. Sa tâche consistait à discuter avec les bénéficiaires, à les orienter vers les bons services, etc. Elle a aussi prêté main‐ forte à l’association pour réaliser des accueils individuels auprès des bénéficiaires. Pour cette mission, elle était « dans une relation de personne à personne, où la confiance réciproque était primordiale. Le plus délicat était de trouver la bonne posture, la bonne distance, afin de ne pas être dans l’affectif, d’éviter de s’attacher. »
Actuellement, et toujours pour la fédération parisienne du Secours populaire, elle est bénévole au sein de la commission d’aide financière. Tous les mardis, de 14h à 18h30, elle contribue, par exemple, à financer des droits d’inscription à l’université pour des étudiants, au paiement de formations et de timbres fiscaux pour tout autre public. « Ce sont des aides concrètes, de véritables accompagnements de projets. Cela apporte de vraies solutions, permet de débloquer des situations et enclenche une sortie de la précarité. On devient partenaires des bénéficiaires et ils deviennent acteurs de leurs parcours », souligne Dominique. En 2015, ce sont 110 personnes que cette commission a aidées financièrement.
Après l’accumulation de tant d’expériences bénévoles, Dominique Levêque est comblée : « Cette vie, à côté de mon boulot, est très riche. Ce bénévolat me fait entrer dans une nouvelle réalité et m’ouvre sur le monde. Toutes ces rencontres, ces récits de vies, permettent d’humaniser les rapports et d’appréhender les différences. Pour moi, c’est inconcevable de ne pas avoir une activité tournée vers les autres. Je l’ai toujours fait et je pense que je le ferais toujours. »
Cette fibre sociale est due en partie à l’éducation reçue par ses parents. Dominique Levêque explique : « La personne qui m’a le plus marquée dans l’engagement social, c’est mon père. Il a toujours été tourné vers les autres, notamment par son métier de secrétaire de mairie, où il était très à l’écoute des administrés et par son bénévolat pour Les Restos du cœur. Ses témoignages étaient des révélations sur la vraie vie, avec ses bons et mauvais côtés. »
Mais Dominique précise qu’elle a toujours eu en elle cette mentalité altruiste, cette quête de sens et cette envie de relations bienveillantes. Le bénévolat ? « Un moyen d’apporter ma petite pierre, de contribuer modestement à faire bouger moi‐même de petites choses. Je ne change pas le monde. Je ne fais qu’accompagner les gens du mieux possible, sans leur faire de fausses promesses. »
« Le monde associatif n’est pas le monde de Mickey ! »
Lucide, elle a identifié les lacunes du secteur associatif. Elle explique que d’une part cet univers fonctionne beaucoup grâce aux bénévoles. Ce qui, pour elle, complique l’organisation d’un projet, demande énormément de coordination et de communication entre les personnes. Elle avance d’autre part que le secteur associatif rassemble des personnes avec diverses problématiques : de logement, de nourriture, de travail, etc. Cela nécessite à son sens de gérer les caractères et les impératifs de chacun. Elle le conçoit volontiers : « Le monde associatif n’est pas le monde de Mickey ! » Mais au final, tout marche bien. C’est la « Cour des Miracles ! », constate Dominique en riant.
Dominique Levêque assure recevoir beaucoup, en échange de son engagement : elle se sent utile ; elle met en pratique ses valeurs ; elle côtoie des collaborateurs remarquables ; elle découvre des bénéficiaires aux ressources morales admirables. Le temps qu’elle consacre bénévolement aux autres est donc récompensé. Pour toutes ces raisons, elle se sent bien depuis 15 ans au sein du Secours populaire. « Pour moi, cet engagement est une grande richesse et une grande chance. Cela me procure énormément de bien‐être », conclut Dominique, le sourire aux lèvres.
Créé en 1945, le SPF agit contre la pauvreté et l’exclusion en France et dans le monde. L’association privilégie une approche globale des personnes accueillies. Plus de 80 000 bénévoles animent ses actions de solidarité. Le Secours populaire français est une association agréée par le Comité de la charte du don en confiance.
Cet entretien est extrait du Carenews Journal n°5.