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Par Le RAMEAU - Publié le 30 janvier 2018 - 16:20 - Mise à jour le 6 février 2018 - 15:33
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Intérêt général : posons-nous les bonnes questions ?

3éme volet de la réflexion issue du colloque organisé le 12 janvier dernier sur les mutations de l’intérêt général, cette tribune invite à s’interroger pour savoir si, face à l’ampleur des défis collectifs, nous savons nous poser collectivement les bonnes questions.

Le 12 janvier 2018, le colloque « L’intérêt général : dès aujourd’hui, l’affaire de tous ? » a posé les bases d’une réflexion collective sur les moyens de relever les défis actuels[1]. Fort de ces résultats et de 12 ans de recherche sur les alliances innovantes au service du bien commun, la première tribune du RAMEAU a invité à changer de méthode et à faire le « pari de la confiance »[2]. La seconde a rappelé que de nombreux pionniers, issus de tous les univers (publics, économiques, associatifs, académiques …), avaient expérimenté de nouvelles solutions dont les « principes actifs » devaient être capitalisés pour nous aider collectivement à déployer à grande échelle ce qui est efficace et pertinent sur les territoires[3].

Cette 3éme tribune s’appuie sur l’actualité pour savoir si nous nous posons réellement les bonnes questions. Le 5 janvier dernier, le Gouvernement lançait la mission « Entreprise et intérêt général », parfait terrain d’observation sur notre capacité collective à savoir poser correctement les bases d’une réflexion structurante pour notre écosystème, et non pas nous focaliser sur des détails, certes importants mais accessoires, au regard des enjeux adressés.

 Le RAMEAU a rédigé une note intermédiaire[4] à l’attention de la mission gouvernementale. Il se donne le temps de finaliser le rapport qu’il souhaite remettre à l’équipe dédiée. Comme en 2013 à l’occasion des Assises de l’entrepreneuriat, c’est un moyen de partager les fruits de ses recherches, et d’évaluer ce qui s’est réellement passé depuis 5 ans pour promouvoir et accompagner les Entreprises Responsables[5].

A partir de cet exemple sur la contribution des entreprises à l’intérêt général, illustrons le cadre de référence des questions que nous devons nous poser pour nous assurer que nous avons une démarche apprenante pertinente. 3 séries de questions sont fondamentales :

Nous dotons-nous d’une vision systémique, sans laquelle nous ne saurions trouver des réponses pertinentes ?

Savons-nous apprendre de nos expériences, pour ne pas reproduire sans cesse les mêmes erreurs ?

Mettons-nous la pertinence comme indicateur prioritaire, en nous préoccupant davantage des besoins (le QUOI) que des processus pour y répondre (le COMMENT) ?

Nous dotons-nous d’une vision systémique ?

Pour être pertinent, il convient d’avoir une approche à 360° pour qualifier les enjeux, identifier les forces en présence, comprendre leurs interactions et définir les leviers d’actions prioritaires. Pour cela, 3 questions sont à étudier : connaissons-nous l’écosystème dont nous parlons ? Avons-nous qualifié les enjeux et les besoins ? Avons-nous recensé les actions déjà engagées ?

Appliquons ces questions à la mission « Entreprise et intérêt général ».

Connaissons-nous l’écosystème dont nous parlons ?

Le tissu économique français se caractérise par l’atomisation de ses entreprises. Avec seulement 500 grandes entreprises et 4.500 ETI, notre système économique repose principalement sur une multitude de PME et de TPE. Cela constitue une différence majeure avec l’Allemagne et ses 12.500 ETI. Savons-nous reconnaître cette spécificité, et fonder nos doctrines sur la diversité des modèles d’entreprise plutôt que de nous référer à un modèle unique ?

Avons-nous qualifié les enjeux et les besoins ?

Fort de cette connaissance de l’écosystème économique français, savons-nous partir des besoins des territoires et des PME d’une part, et de la capacité de nos grandes entreprises d’autre part, pour bâtir des solutions à partir des réalités de terrain ? Ne privilégions-nous pas trop souvent les projections théoriques juridico-administratives, plutôt que la capacité réelle d’action, issue de la diversité à la fois sectorielle et territoriale ? Savons-nous qualifier et articuler cette double spécificité ?

Avons-nous recensé les actions déjà engagées ?

Pour ne prendre que deux exemples : quels sont les liens entre la mission gouvernementale et les travaux de la Plateforme RSE sur « Entreprise et Territoire » qui est au cœur du sujet de l’impact des entreprises sur l’intérêt général ? Quels sont les liens avec le programme ambitieux d’innovation sociétale au travers du #FrenchImpact lancé le 18 janvier 2018 par le Gouvernement ? Ce dernier souhaite mobiliser un milliard d’euros en 5 ans, quelle est la place des entreprises dans notre capacité collective à innover pour répondre aux défis économiques, sociaux, environnementaux et sociétaux ?

Les résultats de la mission gouvernementale nous diront si nous avons su nous doter d’une vision systémique.

 

Savons-nous apprendre de nos expériences ?

Pour être efficace, nous devons apprendre à ne pas reproduire les mêmes erreurs et à capitaliser sur nos retours d’expérience. Pour cela, nous devons nous poser 3 questions : Avons-nous évalué les derniers travaux réalisés ? N’avons-nous pas déjà répondu aux questions posées ? Qu’est-ce que nous enseigne notre histoire collective ?

Appliquons ces questions à la mission « Entreprise et intérêt général ».

 

Avons-nous évalué les derniers travaux réalisés ?

Le lien entre l’entreprise et l’intérêt général a fait l’objet d’une réflexion du groupe de travail « L’Entreprise Responsable » lors des Assises de l’Entrepreneuriat en 2013. Avons-nous capitalisé sur ces travaux ? Avons-nous évalué les avancées effectives depuis 5 ans pour partir d’une vision dynamique et non statique du mouvement en cours ?

N’avons-nous pas déjà répondu aux questions posées ?

Avons-nous pris soin de vérifier que des réponses n’ont pas déjà été traitées ? N’y a-t-il pas un consensus déjà existant qui permet de ne pas rouvrir des débats inutiles ? A titre d’exemple : pourquoi ouvrir de nouveau le sujet des fondations actionnaires, alors que le rapport de l’IGF de 2017 est clair et qu’il y a un consensus – du CFF au MEDEF – pour dire qu’il s’agit d’une mauvaise réponse à une bonne question ?

Qu’est-ce que nous enseigne notre histoire collective ?

La relation entre les entreprises et l’intérêt général est une longue histoire. Des débats se posent depuis 200 ans, date de l’émergence des entreprises sous une forme qui s’est progressivement construite telle que nous la connaissons aujourd’hui. Avons-nous pris le soin de remettre le débat actuel dans son contexte historique ? L’histoire ne nous donne-t-elle pas certaines clés de lecture pour comprendre les actions de « bon sens » qu’il convient d’engager aujourd’hui ? Le temps long n’est-il pas un moyen de prendre du recul lorsque les situations nous dépassent ?

Les résultats de la mission gouvernementale nous diront si nous avons eu la sagesse de prendre le recul nécessaire pour apprendre de nos expériences.

Mettons-nous la pertinence comme indicateur prioritaire ?

Pour être utile dans un temps de mutation profonde, c’est moins la performance (optimisation des moyens par rapport à un objectif) que la pertinence (capacité à répondre efficacement à un besoin) qui est prioritaire. Il convient en effet de privilégier la capacité collective à inventer des solutions adaptées à l’ampleur des défis que nous vivons collectivement en ce début du XXIème siècle. 3 questions se posent alors : Avons-nous croisé les regards pour élargir notre champ de vision ? Basons-nous notre action sur un principe de réalité ? Savons-nous expérimenter avant de normaliser ?

Appliquons ces questions à la mission « Entreprise et intérêt général ».

Avons-nous croisé les regards pour élargir notre champ de vision ?

Depuis une dizaine d’années, un nouveau dialogue s’est établi entre les structures d’intérêt général, les acteurs publics et les entreprises. Alors que le cloisonnement ne permettait pas un dialogue constructif, il s’est progressivement ouvert. Le monde académique, qui ne s’était pas saisi des questions d’alliances commence à produire de la connaissance sur ce sujet. Avons-nous conscience de ces évolutions profondes de positionnements ? Mettons-nous en place de véritables démarches de co-construction pour passer des pionniers à une approche plus systématique ?

Basons-nous notre action sur un principe de réalité ?

Depuis 200 ans, nous avons fondé notre capacité collective à gérer l’intérêt général sur la primauté du droit. Durant 150 ans, cette méthode a été efficace, mais, depuis 50 ans, ce système n’est plus adapté à l’ampleur des transformations. Savons-nous rééquilibrer la place du droit, outil de la gestion régulatrice, par rapport à l’urgence d’établir une vision partagée et à l’inscrire dans notre capacité d’actions collectives transformatrices[6] ?

Savons-nous expérimenter avant de normaliser ?

Il n’est possible de normaliser que des solutions déjà éprouvées par la pratique. Dans un contexte où les réponses adaptées aux nouveaux besoins sont encore à inventer, il convient de proposer un cadre pertinent pour des expérimentations innovantes. Avons-nous réellement réfléchi au cadre permettant d’essayer sans mettre en risque tout l’écosystème ? N’aurions-nous pas intérêt à nous inspirer du chemin du médicament pour définir des étapes claires et précises de nos expérimentations sociétales ? N’y a-t-il pas urgence à mettre en place un droit à l’expérimentation partenariale comme le plébiscitent des acteurs, du CGET au MEDEF[7] ?

Les résultats de la mission gouvernementale nous diront si nous avons eu l’intelligence collective pour inventer une réponse adaptée aux besoins actuels.

Cette mission gouvernementale « Entreprise et intérêt général » est donc un espace d’observation idéal pour qualifier notre maturité collective à affronter l’ampleur de la complexité du sujet, et à initier une réelle démarche apprenante pour co-construire des solutions adaptées. Gageons qu’elle éclairera de manière pertinente l’ensemble de l’écosystème !

Il ne s’agit plus seulement d’optimiser les modèles existants, mais d’inventer ceux qui permettront à nos enfants et aux enfants de nos enfants de « faire société » dans un XXIème siècle plus fraternel, équitable et durable. C’est notre avenir collectif qui se joue aujourd’hui au travers de questions aussi structurantes que les liens entre les entreprises et l’intérêt général.

Ne nous trompons pas d’enjeux, d’objectifs et d’ambitions si nous voulons être à la hauteur de la responsabilité qui nous incombe collectivement ! N’ayons pas peur d’affronter l’ampleur de la tâche, car nous pouvons être sereins sur notre capacité collective à trouver des solutions. Faisons donc le « pari de la confiance », et inventons ensemble le monde auquel nous aspirons grâce à des démarches de co-construction apprenantes. Nous avons la méthode, ayons collectivement le courage et l’envie de l’appliquer !

 

[1] Note sur l’intérêt général, « Activons tous les leviers ! », (Le RAMEAU, janvier 2018)

[2] Tribune sur l’intérêt général, « L’urgence de changer de méthode ! », (Le RAMEAU, janvier 2018)

[3] Tribune sur l’intérêt général, « Inspirons-nous des pionniers ! », (Le RAMEAU, janvier 2018) 

[4] Note sur la mission gouvernementale « Entreprise & intérêt général : posons-nous les bonnes questions ? », (Le RAMEAU, janvier 2018)

[5]  Note sur l’Entreprise responsable, (Le RAMEAU, février 2013)

[6] Rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance « (H. ALLIER et CB HEIDSIECK, novembre 2015)

[7] Note prospective « Freins techniques aux alliances », Octobre 2016 / CNAM – Le RAMEAU, « Etude exploratoire sur les freins techniques aux alliances stratégiques », (Le RAMEAU, septembre 2017)

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