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Par Carenews PRO - Publié le 3 juillet 2020 - 12:30 - Mise à jour le 3 juillet 2020 - 13:12
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Armelle Weisman : « Il n’est pas forcément souhaitable que toutes les entreprises deviennent des sociétés à mission »

Danone est devenue le 26 juin la première entreprise du CAC 40 à devenir société à mission, après le plébiscite de ses actionnaires réunis en assemblée générale. Pour mieux comprendre la portée de cette décision, nous avons interrogé Armelle Weisman, senior advisor pour le cabinet Deloitte et co-autrice du guide « Entreprises à mission : de la théorie à la pratique ».

Armelle Weisman, senior advisor pour Deloitte. Crédit photo : Deloitte.
Armelle Weisman, senior advisor pour Deloitte. Crédit photo : Deloitte.
  • Que recouvre le statut de société à mission ?

Tout d’abord, rappelons qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un statut (comme celui de SAS ou d’ESUS), mais d’une « qualité » qui peut être inscrite dans des statuts. La loi Pacte propose aux entreprises qui le souhaitent de se mettre au service de la résolution d’un problème sociétal ou environnemental, et définit à quelles conditions celles-ci peuvent se définir comme société à mission. Ces conditions sont la formulation d’une raison d’être, la définition d’objectifs, la mise en place d’un comité de mission, la vérification par un tiers indépendant, la déclaration au greffe. L’enjeu global étant que toute l’organisation — dans ses activités, ses investissements, son recrutement — aura alors pour mission de résoudre un ou plusieurs problèmes environnementaux et sociaux.

  • Concernant Danone, l’issue du vote était-elle prévisible ? 

C’est compliqué de le dire après coup, mais on peut en tout cas noter que les engagements environnementaux et sociaux de Danone ne datent pas d’hier. Leur branche américaine Danone North America a été labellisée B Corp et ils ont voulu utiliser les possibilités ouvertes par le droit français pour devenir société à mission (17 entités de Danone ont obtenu la certification B Corp, et le groupe espère obtenir la labellisation dans son entiereté d’ici à 2025, NDLR). La démarche semble donc cohérente. 

  • Qu’est-ce que cela va changer ? 

La première chose, c’est que Danone vient de prouver que l’ensemble des parties prenantes s’inscrivait dans la même dynamique. La qualité de société à mission embarque les investisseurs dans un mouvement : ils acceptent que leur argent serve à remplir la mission que s’est fixée l’entreprise. Elle dépasse donc des labels destinés aux consommateurs ou des efforts ciblés sur les chaînes d’approvisionnement, par exemple. La mission devient officiellement un phare juridique. Pour Danone, cela donnera certainement lieu à de nombreux questionnements, sur l’amélioration de son modèle de distribution, de consommation…

Au-delà du cas de Danone, il existe deux situations : il y a les entreprises qui se créent avec la qualité de société à mission et celles qui se transforment (Yves Rocher, Maif, Camif). L’ambition étant, pour ces entreprises, de contribuer à résoudre des problèmes sociaux ou environnementaux, la véritable question sera : qu’est-ce que cela va changer pour la société ou l’environnement ? Danone va-t-elle réellement avoir un impact positif en matière de nutrition, sa raison d’être ? La loi Pacte datant de décembre 2019, il faudra du temps pour observer des changements.

  • La composition du comité de suivi est impressionnante (Pascal Lamy, Rose Macario, …). Faut-il y voir un gage de sérieux ou un simple faire-valoir ?

Ni la loi ni les décrets ne sont très clairs sur le rôle du comité de suivi de mission. Il y aura donc beaucoup de choses à inventer. La loi indique tout de même qu’il faut qu’au moins un salarié figure dans le comité. Danone étant très internationale, il était logique d’inclure des personnes expérimentées et des experts sur des enjeux techniques (chaîne d’approvisionnement, agriculteurs, santé). Je ne préjugerai pas du manque d’implication de ces personnalités : on peut légitimement penser que ces dernières étant très exposées médiatiquement, les ONG et la société civile seront très attentives à leurs actions. Elles risquent d’être prises à parti si elles cautionnent du green ou du fairwashing.

  • Pensez-vous que le mouvement des sociétés à mission soit en marche, en ce qui concerne les entreprises cotées et les autres ?

Pour les entreprises qui ne se sont jamais intéressées à leur contribution sociale, il ne faut pas s’attendre à une conversion massive. En revanche, pour les entreprises qui se sont engagées dans une réelle démarche d’amélioration, mais qui ne souhaiteraient pas devenir B Corp, c’est une possibilité intéressante. En ce sens, le fait que Danone devienne société à mission met un véritable coup de projecteur sur cette innovation juridique. En revanche, il n’est pas forcément souhaitable que toutes les entreprises deviennent des sociétés à mission. Cela ne serait pas très crédible, et on viderait le dispositif de sa substance. 

La question des vérificateurs est donc essentielle. Il sera très intéressant d’étudier leurs premiers rapports : on en apprendra beaucoup sur les manières dont les entreprises vont réellement adapter leurs activités à la poursuite de leur mission. L’entreprise doit changer de posture en aidant à réparer les dysfonctionnements de la société, mais pour ce faire, il faut remettre profondément en cause les modèles d’affaires et de gouvernance. En ce qui concerne les entreprises cotées, le chemin est encore long. Mais je préfère voir le verre à moitié plein. Nous assistons aujourd’hui à une véritable prise de conscience de la part des entreprises quant à leur rôle sociétal et environnemental. Que ce soit à travers la société à mission ou d’autres dispositifs, la transition économique est indispensable pour éviter une catastrophe économique et sociale. 

Propos recueillis par Hélène Fargues 

Les objectifs sociaux et environnementaux de Danone

En lien avec sa raison d’être (« apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre »), Danone a défini des objectifs stratégiques alignés sur les objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030. Parmi ces objectifs stratégiques, les objectifs sociaux et environnementaux que l’entreprise se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité sont les suivants : 

- Améliorer la santé, grâce à un portefeuille de produits plus sains, à des marques qui encouragent de meilleurs choix nutritionnels, et à la promotion de meilleures pratiques alimentaires, au niveau local ;

- Préserver la planète et renouveler ses ressources, en soutenant l’agriculture régénératrice, en protégeant le cycle de l'eau et en renforçant l’économie circulaire des emballages, sur l’ensemble de son écosystème afin de contribuer à la lutte contre le changement climatique ;

- Construire le futur avec ses équipes : en s’appuyant sur son héritage unique en matière d’innovation sociale, donner à chacun de ses salariés le pouvoir d’avoir un impact sur les décisions de l’entreprise tant au niveau local que global ; 

- Promouvoir une croissance inclusive, en agissant pour l’égalité des chances au sein de l’entreprise, en accompagnant les acteurs les plus fragiles de son écosystème et en développant des produits du quotidien accessibles au plus grand nombre.

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