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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 6 avril 2021 - 18:33 - Mise à jour le 6 avril 2021 - 20:45
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Les interviews de Chroniques philanthropiques : François Debiesse, Admical

Les convictions d’un banquier engagé pour l’intérêt général et une collaboration entre tous les acteurs de la philanthropie. Par Francis Charhon.

Les interviews de Chroniques philanthropiques : François Debiesse. Crédit photo : DR.
Les interviews de Chroniques philanthropiques : François Debiesse. Crédit photo : DR.
  • Avant d’aborder l’action d'Admical, que vous présidez depuis cinq ans, parlons de votre engagement personnel et de vos convictions concernant le mécénat d’entreprise. 

J’ai été banquier toute ma vie, j’ai dirigé la Banque Privée de Paribas puis BNP Paribas lors de sa transformation. En même temps, j’ai été président de la Fondation Paribas, puis BNP Paribas créée en 1984. Sa déléguée générale, Martine Tridde, en a alors  proposé tous les contours. La capacité d’une fondation créée par entreprise, abritée à la Fondation de France, agissant pour l’intérêt général était quelque chose qui m’intéressait, j’ai fait partie depuis le départ du comité d’orientation de la fondation avant d’en être le président.

Apporter une réponse aux demandes d’engagement des clients

  • Vous avez aussi créé la Fondation de l’Orangerie pour la banque privée BNP Paribas ?

L’aspect mécénat n’était pas mon job mais m’a beaucoup intéressé. J’ai plongé dedans activement, en tant que patron de la Banque Privée et j’ai été soucieux tout au long de cette période de travailler au renforcement d’une approche éthique de mon métier. Ce métier, que j’ai beaucoup aimé, m’a amené à courir le monde :  il faut en effet aller à la rencontre des gens, des clients, savoir ce qu’ils ont en tête, ce qu’ils attendent, ce qui les fait « vibrer ». Et ces rencontres sont de belles opportunités pour parler des sujets qui leur sont proches et les tiennent à cœur. J’ai constaté, années après années, que chez ces gens, partout dans le monde, on rencontrait les mêmes interrogations face à la situation qui est la leur. Ils se trouvent confrontés, à un âge relativement jeune de 55 à 60 ans, au moment où ils vendent leur entreprise pour des sommes parfois considérables à des questions un peu « existentielles » : après avoir assuré mon avenir et celui de mes enfants comment utiliser ces fonds ? Ce qui reste est parfois très important. Ils sont prêts non pas à le « donner » - ce n’est pas l’expression qu’ils utilisent - mais à le réinvestir dans la société qui leur a donné leur chance et permis de faire fortune. Il leur apparait alors que ce n’est pas si simple, parce que le monde du non-profit et du business ne sont pas les mêmes. Ce ne sont pas les mêmes personnes, ce ne sont pas les mêmes méthodes. Je me suis alors dit que je pouvais réunir à la fois ma volonté d’engagement en faveur de l’intérêt général et mon métier de conseil et j’ai proposé à ma direction générale de créer un département de conseil en philanthropie pour accompagner ces philanthropes en herbe et les aider dans la construction de leur démarche philanthropique. Il fallait rassembler des gens compétents. J’ai créé la Fondation de l’Orangerie, dont je suis toujours président. Elle avait pour vocation de recueillir des fonds qui allaient s’investir ensuite dans les projets qu’ils avaient choisis. L’idée était de les accompagner sur l’ensemble de la démarche depuis la toute première question :  Quel est votre projet ? Quelle part de votre patrimoine souhaitez-vous consacrer à la philanthropie ? Puis les aider dans les choix de domaines d’intervention, de structures, de bénéficiaires enfin assurer l’accompagnement, le suivi, la mesure d’impact, etc. Cela permettait à la Banque Privée d’ajouter une pierre de responsabilité sociale à son activité. J’étais bien dans mon métier de conseil : utiliser au mieux l’argent, mais ici allant vers des projets de société. J’ai proposé à mon patron, le directeur général de la banque, que ce service soit donné gratuitement aux clients parce que je pensais qu'on n’avait pas à gagner d’argent sur une activité à visée d’intérêt général.  Lorsqu’on parle de gratuité dans une banque, on vous regarde un peu de travers, mais on m’a laissé faire. C’était il y à 13, presque 14 ans. Un de mes objectifs était donc de promouvoir la philanthropie qui, à mes yeux, était encore insuffisamment connue en France. C’est ainsi que cela a démarré et je dois dire que je ne m’étais pas trompé. 14 ans plus tard le problème auquel est confronté l’équipe de conseil en philanthropie de BNP Paribas Banque Privée est la gestion d’une « liste d’attente » de clients qui veulent être conseillés pour leur philanthropie. Cela m’a permis de réunir à la fois mon engagement personnel en faveur de l’intérêt général, mes convictions sur la nécessité pour chacun et chaque institution de mettre sa pierre à l’édifice d’une société moins brutale et moins injuste que celle d’aujourd’hui et mon métier de banquier, dont je considère qu’il a un rôle majeur à jouer dans de nombreuses problématiques sociétales. 

Faire évoluer la culture du mécénat dans la banque

  • On voit une sorte d’injonction paradoxale puisque la banque fait son métier de banquier et la philanthropie c’est autre chose.  N’était-ce pas juste du « charity washing » et une position qui peut être inconfortable ? Votre démarche a-t-elle entraîné une réflexion de la banque ?

Au niveau de la Banque Privée, incontestablement, cela a eu un impact visible. Dans les premiers temps de cette activité de conseil en philanthropie, j’ai eu une vraie réticence de mes gestionnaires privés. Ils ne comprenaient pas bien la démarche et voyaient que ce qui allait être engagé dans la philanthropie serait soustrait des portefeuilles sur lesquels sont indexés leurs indicateurs de performance. Il a fallu faire de la pédagogie.  Ce qui a permis d’inverser définitivement la tendance a été la prise de conscience que de parler de ces questions-là avec les clients crée un lien absolument irremplaçable. La philanthropie touche au cœur des gens. Les engagements philanthropiques viennent de trois origines majeures. L’histoire familiale, avec souvent des situations dramatiques ou tristes, des problèmes de maladie… la deuxième ce sont les passions, les goûts que peuvent avoir les gens dans la vie comme l’art ou d’autres sujets, et la troisième raison, plus rationnelle est le constat que la société est confrontée à de graves problèmes, que l’État ne peut pas tout faire et que donc il est civique et nécessaire, de « faire des choses pour elle ».

À lire

Interview de Marianne Eshet sur l’histoire de l'Admical 

Interview de Jean-Jacques Goron sur la Fondation BNP Paribas

Notre démarche un peu a servi d’exemple dans la profession. Nous avons été très imités par toutes les autres grandes banques et aujourd’hui chacune a son service philanthropique, ce qui est bien !  

Actuellement chez BNP Paribas, il y a une véritable appropriation du sujet par les gestionnaires de la Banque Privée, ils sollicitent de plus en plus l’équipe de conseil en philanthropie constituée de dix à douze personnes sur l’ensemble du monde. 

Pour la banque dans son ensemble, le processus a été plus long, mais la philanthropie était de plus en plus connue en interne , la fondation BNP Paribas tenait une grande place dans la vie du groupe, et par ailleurs, l’approche RSE était devenue une préoccupation significative dans la gestion de la banque. Il y a trois ans, a été créée une direction de l’engagement qui réunit toutes les entités du groupe ayant vocation à travailler sur l’intérêt général, et à avoir des interactions avec la société. La fondation fait partie évidemment de cette direction. Le directeur de l’engagement est membre du COMEX et dans un groupe comme BNP Paribas c’est un signe fort. La direction de l’engagement joue un rôle de locomotive dans l’évolution du rôle de l’entreprise dans la société. À mes yeux ce rôle est fondamental. 

Le poids de l’évolution de la société sur l’entreprise 

  • N'est-ce pas du cynisme que de dire que travail de l’entreprise marchera mieux parce que l’on fait de la philanthropie ?

Cynisme certainement pas, mais réalisme.  Des études aux États-Unis en particulier ont montré de manière très explicite qu’une entreprise qui fait du mécénat se porte souvent mieux, parce que ses collaborateurs s’y sentent bien. Les jeunes de 25-35 ans, dans les dix premières années de leur vie professionnelle, affichent de manière volontariste la recherche de sens. Ils disent clairement : « Moi dans mon boulot, ce que je veux ,c’est avoir les moyens de vivre décemment, avoir une activité qui ne m’embête pas trop et troisièmement avoir la possibilité de trouver du sens à travers des engagements personnels qui viendront s’inscrire dans les engagements de l’entreprise qui m’emploie. »

Le développement du mécénat de compétences et du volontariat montrent qu’il y a bien au niveau de cette génération, mais aussi des plus âgés, une volonté de prendre à bras le corps des problématiques de société. La prise de conscience de ce mouvement de fond par les entreprises n’est ni cynique ni opportuniste, elle est juste réaliste car cela devient un des éléments différenciant pour le choix des jobs, et donc un facteur d’attraction et de rétention des meilleurs éléments. 

  • En entendant vos propos, peut-on dire que l’entreprise est perméable aux influences extérieures et obligée de tenir compte des évolutions de la société qui l’entoure ?

Je crois que oui, je crois que l’entreprise a un rôle significatif à jouer :  elle est un haut lieu de        création de richesse, et d’emploi, mais j’ai la certitude que notre système socio-économique finira par exploser, et peut-être violemment, s’il n’est pas capable de mieux répartir la richesse qu’il sait créer. Et l’entreprise est évidemment partie prenante à cette question de partage de la richesse créée. Il y a heureusement de plus en plus de gens qui sont conscients de cet aspect-là chez les jeunes entrepreneurs, dans les startups, dans la tech, etc. On voit même ce mouvement atteindre le parlement puisqu’il a été envisagé de modifier le fameux article du Code civil définissant l’objet social de l’entreprise pour l’ouvrir à l’intérêt général. Il y a les frémissements d’une évolution qui va plutôt dans le bon sens, même si elle est encore largement insuffisante. Les entreprises ont des ressources financières et des ressources humaines désireuses de s’engager dans des projets de société aux côtés du monde associatif qui a lui des valeurs fortes et des modes d’actions très expérimentés. La réunion des deux doit permettre de faire bouger les choses dans la bonne direction.

L'Admical au service d’une vision ouverte du mécénat

  • Quelle est votre vision lorsque vous devenez président de l'Admical ?

Entré depuis longtemps au conseil de l'Admical grâce à Jacques Rigaud , son créateur,  je connaissais bien l’organisation. Alors que je quittais mes fonctions exécutives à la banque, j’ai accepté la présidence de cette association. Mon objectif premier était alors de redonner sa place à cette institution qui avait été pionnière et leader dans son secteur, et de la remettre en phase avec le paysage d’un écosystème qui avait beaucoup changé, et auquel il fallait s’adapter de façon impérative. C’est donc à cela que je me suis attaché globalement sur ces cinq dernières années. 

Le plaidoyer me paraît essentiel. Depuis sa création, l'Admical a été engagée dans un dialogue avec la puissance publique pour la constitution d’un arsenal juridique et fiscal qui permette au mécénat de se développer. Avec d’autres, Jacques Rigaud et son équipe ont joué un rôle extrêmement important et beaucoup contribué la loi dite Aillagon de 2003. Cette loi a permis un très fort développement du mécénat d’entreprise.

Mais parallèlement une école opposante qui s’est aussi développée, avec une réticence historique du côté de Bercy et de l’administration fiscale, mais également par des attaques parfois virulentes des médias, dans le monde universitaire, dans le monde des intellectuels. Un certain nombre de voix, parfois très écoutées, se sont élevées, prenant position contre le mécénat au motif que le privé n’a pas à s’intéresser à l’intérêt général et que son « ingérence » comportait des risques d’influence, voire de prise de pouvoir sur les choix et orientations de politiques publiques. Ces écoles ont grandi, et certains grands médias français restent hostiles au mécénat, faute, me semblent t-il, d’une connaissance suffisante du sujet. Parmi les universitaires français, des personnalités comme Thomas Piketty et d’autres sont très hostiles à la philanthropie privée dans son ensemble. Dans le monde anglo-saxon, depuis cinq ans, ont également fait florès sur ce registre des livres extrêmement négatifs, dont le dernier de Rob Reich paru l’année dernière qui faisait de la philanthropie un véritable danger pour la démocratie. 

Lutter contre les mauvais vents 

  • Les contempteurs de la philanthropie en France viennent toujours y accoler à la philanthropie américaine, qui est extrêmement importante, pour montrer les dangers d’influence systémique que peuvent avoir des personnalités comme Bill Gates. Pensez-vous que cela se compare avec les pratiques dans notre pays ?

Non, effectivement, c’est un argument de rhétorique qui masque la réalité. Dans notre pays les volumes d’intervention des donateurs particuliers ou entreprises n’ont rien à voir avec ce qui se passe aux USA ni en masse monétaires ni en mode d’intervention. Il y a un point sur lequel ces opposants à la philanthropie et au mécénat ont raison, c’est qu’il faut s’assurer en permanence que les actions philanthropiques gardent bien un caractère désintéressé. Et il a pu y avoir dans l’histoire du mécénat français quelques excès, des entreprises, voire de très grandes fondations privées, qui ont fait dire à Bercy et à la cour des comptes que la notion de désintéressement n’était pas toujours vérifiée. Par exemple, les contreparties en termes de places pour des spectacles, d’expositions, de location d’espace dans les musées, etc. pouvaient interroger sur la notion de désintéressement. Mais cela reste à la marge et cela peut se rectifier par des chartes de bonnes pratiques sans que cela condamne l’ensemble du mécénat. On constate d’ailleurs qu’après une vingtaine d’années essentiellement consacrées au mécénat culturel, les entreprises se sont orientées vers des sujets plus « sociaux », au risque d’ailleurs que la culture soit quelque peu délaissée. L’administration reste obsédée par le fait que le mécénat avec des sommes de plusieurs milliards par an a pour conséquences de lui faire perdre la maîtrise de l’utilisation de cet argent. Effectivement ce que l’entreprise ne donne plus à l’État sous forme d’impôt va vers l’intérêt général sous forme de mécénat. Théoriquement, les objectifs se rejoignent. Mais la grande différence entre les deux c’est que d’un côté c’est l’administration qui décide de ce qu’elle fait de l’argent dans le budget de l’État ; et de l’autre, c’est l’entreprise qui s’engage sur des sujets concrets. Et cela n’a jamais été admis !

  • N'est-ce pas aussi l’idée que la défiscalisation coûte trop cher ?

La question de la défiscalisation est en permanence évoquée sous le terme péjoratif et faux de « niche fiscale ». Une niche fiscale est un dispositif qui permet à son bénéficiaire de faire des économies, le mécénat ne permet pas de faire des économies. Il fait dépenser plus à l’entreprise que la partie défiscalisée sans retour pour son propre intérêt. Nous avons pu, avec toutes les organisations concernées, faire sortir ce terme du jargon habituel.  En revanche une résistance à la philanthropie demeure. Pendant deux ans, nous nous sommes mobilisés avec le Centre Français des Fondations, avec France Générosités, avec le Mouvement Associatif contre l’adoption d’un texte de loi réduisant de 60 à 40 % de défiscalisation du mécénat des grandes entreprises. Cette modification met en risque une partie du mécénat des entreprises. Elle réduira donc les fonds disponibles pour les bénéficiaires. Des personnes nous ont soutenus, comme la secrétaire d’État Sarah El Haïry et certains parlementaires qui ont pris conscience des effets que cela pouvait entrainer. Mais cela n’a servi à rien. Le texte qui a été voté était identique à ce que l’on nous avait présenté à la première réunion deux ans auparavant. Ce déficit d’écoute est bien regrettable.

Autre exemple les articles 9-10 et 11 de la Loi dite de séparatisme, en cours de discussion, vont donner de nouveaux moyens de contrôle à l’administration pour aller vérifier sur le terrain si l‘action est d’intérêt général et décider, sans appel, le retrait du rescrit fiscal. Cela me fait peur, parce qu’on peut prouver ce qu’on veut, et cela va être très lourd pour les associations qui sont déjà en situation économique difficile.

Il faut continuer le combat, simplement parce qu’il n’y a pas d’autres solution. Les entreprises sont des réservoirs de ressources financières et humaines. Il faut impérativement qu’une partie puisse être mise au service de l’intérêt général.

Pour un Grenelle de l’intérêt général

  • En tant que patron de la grande organisation représentative du mécénat d’entreprise, vous constatez que depuis trois ans tout le secteur, est en butte à un certain nombre d’attaques. Le sujet n’est-il pas aujourd’hui de savoir quelle est la place de la philanthropie dans la société française ? Comment nos gouvernants pourraient-ils trouver un intérêt à faire revivre l’intérêt local, et favoriser le maintien du tissu social ? Cela fait-il partie de vos préoccupations ? 

Bien sûr que cela en fait partie. Cela fait plusieurs années que je clame qu’il y aurait besoin un « Grenelle de l’intérêt général ». La seule définition de l’intérêt général qui existe en France est dans le code de la fiscalité. Ce qui ’est totalement surréaliste ! Le dernier livre de Jérôme Fourquet, L’archipel français, présente notre pays comme un ensemble d’îlots avec des communautés qui s’ignorent lorsqu’elles ne se tapent pas dessus.  Pourtant il n’y a pas vraiment de lieu où l’on puisse discuter de l’intérêt général avec toutes les parties prenantes autour de la table, pas non plus de volonté politique de réfléchir de façon approfondie à un véritable projet de société pour demain qui permette de se rassembler. C’est pour moi la plus grande défaillance du politique depuis des années, des décennies peut-être !  Depuis cinq ans que je rencontre les cabinets ministériels et les parlementaires, je déplore le manque de volonté, sauf cas exceptionnels (cf. le rapport de Sarah El Haïry sur la philanthropie à la française) pour renforcer la philanthropie. J’ai entendu toute ma vie professionnelle dire aux entreprises « vous êtes des « court-termistes », vous êtes incapables de lever les yeux sur l’avenir, etc. », mais le monde politique est exactement pareil. 

Ensemble pour faire plus et se faire reconnaître par le monde politique

  • La crise sanitaire a montré la capacité de réaction massive du secteur non lucratif pour faire un travail que l’État n’a pas pu faire. La complémentarité doit donc jouer à plein. 

J’ai une conviction forte : on ne bâtira une société différente que si chacun met sa pierre met à l’édifice. Chacun veut dire les citoyens, les entreprises, les associations, les institutions intermédiaires comme la nôtre, les collectivités locales, dans un travail en commun. Les actions réalisées par le secteur durant la crise sanitaire sont une source d’espoir. Il a fait preuve de souplesse et d’imagination en montant des partenariats souvent au niveau des territoires.  Cela confirme que le mécénat qui a été très jacobin pendant des années a tendance à se décentraliser. 

Nous voyons se lézarder cette muraille historique entre le public et le privé, deux mondes qui s’ignoraient, voire se méprisaient. Cela est en train de changer et doit permettre une évolution positive.

Les intérêts communs peuvent se trouver assez facilement parce que les collectivités territoriales sont ouvertes à une véritable coopération avec le monde privé, elles voient les renforts de ressources financières et humaines sur des besoins qu’elles constatent chaque jour ; les entreprises voient une opportunité de créer des liens avec leur écosystème, leur environnement, de découvrir le monde associatif et de permettre à leurs collaborateurs de s’engager sur des projets très concrets, très visibles et très locaux. Cette approche territoriale et collective sera certainement une voie d’évolution importante pour le mécénat des années qui viennent s’il existe une volonté de travailler à des projets communs. Il y a encore beaucoup de choses à faire évoluer à ce niveau-là, au niveau politique en particulier, mais il faut que des choses concrètes se mettent en œuvre sur le terrain et permettent la réalisation de projets sociaux dont on a un immense besoin dans tous les domaines. 

  • Peut-on dire qu’on est arrivé à un moment tournant de la philanthropie. On a passé 20 ans de construction d’évolutions positives et, maintenant, il faut qu’il y ait une reconnaissance face aux vents contraires. Ne s’agit-il pas de  faire valoir que les acteurs de la philanthropie sont des organisations bien gérées, bien organisées, capables d’apporter de multiples service aux citoyens et de montrer la valeur politique de ces organisations ? 

Oui, politique et concrète. Il y a des progrès à accomplir pour donner une visibilité plus forte face à des attaques qui sont à la fois militantes et sur les questions de fiscalité, il faut être capable de mettre en lumière les choses concrètes qui sont faites par le mécénat, les évolutions que cela a permis dans différents domaines de la société. Toutes les grandes organisations ont des éléments précis pour évaluer leur action, elles le font d’ailleurs devant leur propre conseil d’administration. En faisant plus de pédagogie et de communication, en montrant le bénéfice pour les hommes et femmes de notre pays on devrait faire bouger les choses dans la bonne direction et endiguer ce flux hostile qui depuis quelques années a repris du poil de la bête.

Seules 10 % des entreprises françaises de plus d'un salarié sont mécènes, c’est extrêmement peu, mais le potentiel est là. Nous l’avons constaté lors de notre tour de France dans une trentaine de villes  petites, moyennes, et grandes, avec l’aide de la chambre de commerce, des CJD ou des MEDEF locaux. Il y avait entre 100 et 400 chefs d’entreprises dans la salle. Pendant ces soirées, les mécènes et les bénéficiaires venaient présenter des exemples d’actions positives faites souvent sans moyens énormes, avec l’engagement de bénévoles, de collaborateurs. Ces réalisations apportent un bénéfice à la fois pour l’intérêt général, pour l’associations, pour l’entreprise, le collaborateur d’entreprise et les bénéficiaires. Et, en entendant les belles histoires de mécénat et de philanthropie, car elles sont belles, on constatait un véritable intérêt. C’est cette approche d’information, de communication, de pédagogie qu’il faut généraliser mais ce travail d’évangélisation est loin d’être terminé. Notre portail du mécénat y participe.

Des alliances comme objectif

  • Avez-vous encore un objectif à nous présenter pour l’année ou les années qui viennent ?

L'Admical, comme le monde associatif dans son ensemble, traverse une passe difficile, parce que l’activité a été ralentie sous beaucoup d’angles ; les entreprises s’interrogent sur leur adhésion, leur cotisation à des organisations intermédiaires comme la nôtre ou d’autres. Mais nous avons la volonté de davantage nous engager sur ce travail de sensibilisation et d’accompagnement des mécènes dans leur démarche. Pour cela je peux compter sur la motivation et la compétence de notre petite équipe centrale et de notre réseau de délégués dans toutes les régions françaises qui sont fortement mobilisées. 

  • L’heure est-elle aux alliances ? 

Oui, c’est un sujet sur lequel, à mon avis, il faut se pencher rapidement, parce que le paysage a beaucoup changé. L'Admical a été seule pendant un peu plus de 20 ans. Ensuite, d’autres institutions compétentes et actives ont commencé à intervenir dans le paysage. Chacune a son champ de vision, sa spécificité, mais nous avons aussi beaucoup de sujets en commun. Le premier pas est un travail de rapprochement, et la mise en lumière de ce que nous partageons qui pourrait servir à réaliser une plateforme commune pour une politique philanthropique ambitieuse. Ce travail est déjà commencé à travers les têtes de réseau de la Coordination Générosité*. D’autres synergies et rapprochements sont aussi possibles pour travailler plus efficacement au service des entreprises, des citoyens et des associations investis dans l’intérêt général.

*Coordination Générosité
La Coordination Générosité comprend notamment le Centre français des fonds et fondations, France Générosités, le Mouvement Associatif et l'Admical.

 

 

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