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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 15 septembre 2020 - 10:09 - Mise à jour le 22 septembre 2020 - 12:20
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Philanthropie et management post crise, quels enjeux ?

Confinement, vacances, pandémie persistante, activité souvent en croissance devant l’augmentation des besoins… rien ne sera plus tout à fait comme avant, tant les organisations à but non lucratif sont bousculées, soumises à des contraintes de gestion humaine et financière.

Philanthropie et management post crise, quels enjeux ? Crédit photo : iStock.
Philanthropie et management post crise, quels enjeux ? Crédit photo : iStock.

 

La crise exacerbe les exigences de transformations de notre société : climatique, environnementale, alimentaire, sociale… que nous devons intégrer rapidement dans nos approches. Notre horizon est durablement incertain et complexifié, avec pour tous un impératif : soutenir un rebond vital de la solidarité et de la cohésion sociale. Le Mouvement Associatif estime à 30 000 les associations en voie de disparition, ce qui privera des dizaines de milliers de bénéficiaires de leurs services. Pour faire face il faudra être réactif, et s’engager rapidement dans des révisions de stratégie et de gestion, être ouvert à de nouveaux processus de fonctionnement et hardis dans les ruptures à envisager.

Tous les niveaux de l’organisation doivent se mettre en marche pour faire face à un avenir probablement difficile.

Le rôle des dirigeants essentiel pour engager les transformations

D’abord, au niveau de la gouvernance, l’alignement entre le directeur général ou le délégué général avec son conseil d’administration doit être parfait. En période de calme les relations entre ces deux entités sont souvent bonnes mais insuffisamment solides et prêtes à affronter la tempête. La confiance doit être totale entre les deux têtes de la gouvernance, président et directeur, chacun jouant son rôle dans la chaîne de décision. Les temporalités ne sont pas les mêmes, le conseil n’est pas sous la pression quotidienne de la gestion des difficultés et le président bénévole, qui a la responsabilité juridique de l’organisation, peut hésiter à s’engager sur des projets dont il peut surévaluer les risques. Parfois les administrateurs n’ont pas été formés pour prendre des décisions de rupture dans un contexte de crise. Ceci peut entraîner des distorsions sur la perception de l’urgence et sur l’importance des mesures à prendre. Attention, dans ces périodes, la peur est mauvaise conseillère et peut pousser au repli au lieu d’être en mouvement sur tous les fronts.

Les ressources humaines fortement mobilisées

La période passée et présente est anxiogène. La demande de solidarité pour les publics les plus en difficulté a explosé. Beaucoup d’organisations malgré la situation de confinement ont dû accroître leurs activités de façon significative. Le télétravail s’est imposé comme une obligation que tout le monde n’a pas vécu de la même façon selon ses conditions de vie parfois difficiles pour certains. 

Avec la pandémie persistante le retour dans le lieu travail habituel ne se fera pas sans difficultés. Le télétravail semble plébiscité mais ne peut s’envisager que dans une limitation de temps qu’il faudra définir. Il est nécessaire de réenclencher une nouvelle dynamique sociale car l’entreprise ou l’organisation, au-delà des échanges vidéo, est un lieu de lien social où les rencontres formelles ou informelles sont nécessaires pour faire vivre le projet collectif et assurer une bonne dynamique de groupe. La période de confinement a vu la mise en place de circuits décisionnels plus courts, moins administratifs avec des transferts de responsabilité vers plus de salariés. Il est bon d’en tirer les leçons et ces pratiques devront certainement s’installer par la suite. C’est donc l’architecture de l’organisation qui devra être modifiée pour une meilleure participation de chacun au projet de l’entreprise. Il faut créer de l’adhésion portée par une bonne communication. Il n’existe pas de modèle tout prêt, et les dirigeants devront faire plus encore preuve d’imagination et d’ouverture d’esprit. Ce chemin difficile mérite d’être exploré pour gagner en agilité, pour donner une vitalité nouvelle, pour ressouder les équipes et se mettre en état de marche face à un avenir incertain.

Les ressources financières

Les organisations qui avaient des réserves ont pu faire face en prenant en charge une augmentation de l’activité tout en assurant les charges courantes. Les facilités d’emprunts et de chômage partiel données par le gouvernement sont des bouffées d’oxygène, mais les emprunts devront être remboursés donc nécessitent des ressources propres. 

La question des ressources arrive au premier plan des préoccupations face à une demande en permanente augmentation qui se poursuivra avec l’accroissement du chômage et de situations sociales extrêmement difficiles.  Pendant la crise, la générosité des Français fut importante mais la perspective d’un chômage croissant, les difficultés économiques, l’incertitude de l’avenir seront des facteurs de réduction de la collecte. 

Il faut agir sur deux leviers :

  • Sur la réduction des dépenses de fonctionnement en cherchant partout des économies. La numérisation doit se réaliser à marche forcée pour assurer plus de fluidité, réduire les circuits et permettre une diminution des coûts de fonctionnement. L’heure n’est pas à l’embauche de nouveaux salariés aussi certaines activités devront être plus régulièrement sous traitées auprès de prestataires agiles et de bénévoles compétents. 

Bien que cela reste encore un champ à explorer la mutualisation de certaines activités entre organisations doit être envisagée pour optimiser les coûts administratifs mais aussi ceux des opérations.

  • Sur la collecte. Ces dernières années ont vu le nombre de collecteurs privés ou publics (hôpitaux, musées,…) augmenter significativement alors que le nombre de donateurs stagne. Toutes les voies de la collecte doivent être explorées. La forme traditionnelle est en perte de vitesse mais elle reste toujours un gros fournisseur de ressources. Il faut s’engager dans toutes les voies offertes par le numérique : micro-dons, prélèvement sur salaire ou sur ticket de caisse, peer to peer, cagnottes, réseaux sociaux, groupes de soutiens, réseaux d’influenceurs, opérations événementielles avec des acteurs d’internet (Zevent…). Les campagnes de grands donateurs se développent. Un exercice difficile qui nécessite une méthodologie adaptée, le plus souvent absente en interne. Pour cela l’appel à un prestataire sera nécessaire car si l’on s’engage dans une telle prospection elle doit être faite selon une procédure rodée d’autant que l’échec ne permettra pas de deuxième chance auprès de ces donateurs.

Les legs sont bien sûr une source de ressources importante mais toutes les organisations n’ont pas les capacités de développer de tels services assez techniques sur le plan successoral. Il faut savoir que le délai moyen entre la rédaction d’un legs et sa réception par l’organisation il faut environ de sept ans.

Quelles que soient les méthodes de collecte elles reposent sur une bonne communication pour en permanence montrer la valeur ajoutée de l’organisation dans l’espace public et valoriser l’engagement des donateurs.

La collecte, la numérisation, la communication nécessitent des investissements qu’il est parfois difficile de décider en période de crise. C’est là que les gouvernances devront être hardies car ces investissements feront la différence. Ne pas moderniser ni adapter son organisation, mettra l’avenir en péril.

Sur le plan institutionnel il est important de soutenir les organisations représentatives (le Mouvement Associatif, France Générosités, l’Admical, le Centre Français des Fonds et Fondations) qui appellent à un plus grand engagement de l’État après les calamiteuses années passées en matière de réduction de la fiscalité. La sortie de crise demandera aussi au Gouvernement d’être audacieux. Il faut arrêter de brocarder la dépense fiscale des dons mais au contraire la stimuler pour amener les donateurs à faire plus et ainsi donner une plus grande capacité d’action à ceux qui répondent aux besoins au plus près du terrain.

Ces changements demanderont beaucoup de clairvoyance et de détermination aux dirigeants pour que leur organisation se réinvente et s’adapte à un monde en pleine évolution afin d'être en capacité de faire face aux défis que lance une société en grande souffrance. 

Francis Charhon 

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