Réseau Mémoire Aloïs : la mesure d’impact social comme renfort au changement d’échelle de l’association
Bertrand Schoentgen, directeur de la stratégie pour l’association Réseau mémoire Aloïs, revient sur un an de mesure d’impact social dans le cadre du soutien du groupe de protection sociale KLESIA. Les résultats de cette étude arrivent à un moment charnière pour l’association, dont l’objectif est un changement d’échelle allant jusqu’à la reprise par l’État du modèle défendu par Aloïs.
- Pouvez-vous nous présenter l’association Réseau Aloïs en quelques mots ?
L'association Réseau Mémoire Aloïs est un centre d'expertise neurocognitive de ville qui propose, depuis 20 ans, des services de prévention, de diagnostic et d'accompagnement des troubles cognitifs, psychologiques ainsi que comportementaux à tous les âges de la vie. Le Réseau Aloïs répond à cet enjeu de santé publique à travers trois pôles : clinique, formation, étude et recherche.
Nous essayons de participer à la réorganisation du système de soins en France, pour mieux diagnostiquer et accompagner les personnes qui présentent des troubles cognitifs, compte tenu du contexte de saturation du système hospitalier et de l’absence de coordination des soins de ville.
La vision du Réseau est de créer des parcours pluridisciplinaires, coordonnés et experts, accessibles géographiquement et financièrement pour le patient.
- Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans une démarche de mesure d'impact ?
Au-delà du fait que KLESIA ait participé au financement de notre mesure d’impact social, l’évaluation a toujours fait partie de la culture du Réseau Mémoire Aloïs. Le diagnostic est au cœur de notre mode de fonctionnement.
Aussi, l’association mesurait déjà la portée de son activité clinique, mais le doublement de la file active annuelle de patients (enfants et adultes) sur ces dernières années a nécessité de l’évaluer de manière méthodologique et systématique. La proposition de KLESIA est tombée à pic !
Avec le laboratoire E&MISE de l’ESSEC et Impact Track, nous avons pu structurer notre système de suivi et d’évaluation, toujours au bénéfice des patients.
- Comment vous êtes-vous organisés autour de la mesure d’impact : à la fois avec KLESIA et toute l’équipe Réseau Mémoire Aloïs ?
La mesure d’impact s’est orientée au niveau des patients de plus de 50 ans. Une fois le périmètre d’étude établi, j’ai pris en main la démarche en présentant au fil de l’eau les avancées à l’équipe. La création du questionnaire s’est notamment faite avec la participation du Dr Bénédicte Défontaines, neurologue et directrice générale, et Laura Martelli, secrétaire générale. Il a ensuite été soumis aux équipes de cliniciens pour l’expérimenter. Au moment de son administration, nous avons œuvré au lancement d’une campagne de mails. Du phoning a également été réalisé avec notre coordinatrice de parcours.
- Quels enseignements tirez-vous de ces premiers résultats ?
Le Réseau Mémoire Aloïs et la mesure d’impact ne parlent pas le même langage. Chez nous, on ne cherche pas un rendement optimal ni un dynamisme mais plutôt une stagnation dans le cadre de maladies neurodégénératives. Une acclimatation a donc été nécessaire sur cette notion d’impact. Les verbatims collectés lors de la collecte de données ont été les premiers résultats qui nous ont paru extrêmement riches. Auparavant il était plus complexe de suivre le parcours de tous nos patients, mais aussi de leur famille et de leur parcours clinique.
Votre aide a été précieuse pour la gestion de mon quotidien autour de ma maladie et la prise en charge financière de mon examen neuropsychologique qui a lieu à Lyon. »
Aussi, avec près de 80 % de patients ayant obtenu un premier rendez-vous avec le Réseau Aloïs en moins d'un mois, nous validons notre objectif de prendre précocement en charge les troubles. Des études l’ont prouvé : penser à l’environnement du patient, c’est aussi prendre soin de lui. C’est pourquoi nous avons aussi décidé d’orienter notre mesure d’impact vers les aidants. La large insatisfaction de ce public est logique. Aujourd’hui le Réseau Mémoire Aloïs commence tout juste à proposer un dispositif à destination de l’entourage du patient. L’objectif est de relancer une évaluation d’impact pour analyser les évolutions constatées.
Nos patients de plus de 50 ans présentent de nombreuses pathologies. Or, les bénéficiaires qui ont le plus répondu au questionnaire sont des personnes atteintes de troubles cognitifs mineurs ou anxio-dépressifs représentant 15 % de la population interrogée. La seconde mesure d’impact aura aussi comme objectif d’être plus représentative de l’ensemble des troubles et maladies rencontrées.
Demain, nous comptons lancer une clinique sur les troubles neuro-développementaux et du déficit du trouble de l’attention pour les enfants et adultes jusqu’à 50 ans. Un autre nouveau projet auquel une démarche de mesure d’impact sera forcément intégrée. Collectés grâce à la mesure d'impact, les retours des patients contribuent à co-construire ces nouveaux parcours et surtout à les ajuster selon leurs besoins. S’il y a des choses à améliorer, c’est maintenant et l'évaluation d’impact est un outil de pilotage pour le bon développement de ses projets.
- Concrètement, qu'est-ce que la mesure d’impact a apporté au Réseau Mémoire Aloïs ?
Concrètement, nous souhaitons favoriser l’adhésion du patient à un parcours de soin personnalisé et efficace, et qu’il puisse, lui et son entourage, se sentir mieux. L’évaluation d’impact nous a en partie permis de valider l’utilité des parcours de soins que nous proposons aux patients et à leur famille. Impact Track nous a permis de confirmer que ce que nous faisons au Réseau Aloïs fonctionne et peut être développé à plus grande échelle.
- Quels sont les prochains défis du Réseau Aloïs ?
Nous avons un défi de structuration afin d’accompagner le changement d’échelle déjà amorcé, pour passer d’un impact local (Région parisienne, AURA, Bretagne, Outre-Mer) à une échelle d’envergure nationale et internationale avec les Français de l’étranger. Pour cela, il faut pouvoir solliciter des soutiens financiers de la part des acteurs du champ de la santé qui veulent financer l’innovation. Et aujourd’hui, l’innovation nécessite des mesures d’impact, devenues extrêmement importantes.
Quand on nous permet de structurer notre impact social, c’est au moins un élément sur lequel on est guidé, porté et accompagné et c’est un pas de plus vers notre objectif.
- Pour finir, avez-vous un mot inspirant pour les porteurs de projet qui ne se sont pas encore lancés dans une démarche d’évaluation d’impact ?
Quoi qu’on fasse, il est indispensable de se poser la question du bien-fondé de son action. Quand on souhaite avoir un impact sur la vie des gens, la mesure d’impact me semble tout à fait naturelle. Il faut le voir comme un outil de pilotage, à la fois pour faire le constat d’un fonctionnement ; et en même temps comme un outil d’optimisation au service des parties prenantes et des bénéficiaires afin de dégager des pistes d’amélioration. Ceux qui savent le mieux, ce sont les bénéficiaires, donc il faut pouvoir les écouter. Dans le domaine de la santé et du médico-social, il s’agit d’une question éthique d’autant plus essentielle.