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Par Carenews PRO - Publié le 11 avril 2017 - 09:11 - Mise à jour le 13 avril 2017 - 10:48
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Quelle évolution de la notion d’intérêt général dans un monde qui change ?

Ce lundi 27 mars, Sophie Barniaud, co-fondatrice de Carenews et directrice générale de Lire pour en Sortir, a animé dans le cadre de la conférence annuelle du CFF, une table ronde intitulée « Comment la notion d’intérêt général évolue-t-elle au regard du changement sociétal ? » Autour de cette table, quatre participants : Françoise Barré Sinoussi, chercheure et lauréate du Prix Nobel de médecine, Léna Geitner, directrice de l’entreprise RONALPIA, incubateur d’entrepreneurs sociaux, Alain Mergier, sociologue, Françoise Schein, artiste et fondatrice de l’association INSCRIRE (François Sureau, avocat à la cour de Cassation et au Conseil d’État, a été excusé pour obligation professionnelle).

Quelle évolution de la  notion d’intérêt  général dans un monde qui change ?
Quelle évolution de la notion d’intérêt général dans un monde qui change ?

C’est Alain Mergier qui a ouvert la discussion en rappelant qu’il est impossible de définir l’intérêt général. Pour mieux cerner la notion, il a retracé son évolution à travers l’histoire et a évoqué qu’on est entré dans une période de « bottom-to-top », où la définition vient directement des acteurs de l’intérêt général. Cependant la multiplicité des acteurs brouille la définition d’intérêt général, car chacun se l’approprie comme cela lui convient. Ce flou est nuisible dans la mesure où l'on a actuellement affaire à un manque de confiance de la part de la société, qui craint l’entremêlement de l’intérêt philanthropique et de l’intérêt général. De ce fait, le sociologue insiste sur l’indépendance :

« l’intérêt général a besoin de liberté pour pouvoir exister pleinement. »

Préserver sa liberté, même si ce n’est pas toujours évident pour les acteurs de l’intérêt général, reste donc essentiel pour gagner en efficacité. Cette multiplication d’intérêts croisés forme à la fois une société dynamique mais engendre aussi un risque d’interdépendance trop fort des acteurs.

 

Une idée partagée par Françoise Schein, artiste plasticienne et fondatrice de l’association INSCRIRE. Elle a en effet insisté sur l’obstacle que peut être la coordination de parties prenantes qui agissent dans des secteurs différents. L’artiste a mentionné notamment les difficultés qu’elle a rencontrées lorsqu’elle montait ses projets de création urbaine. Pour mettre en place ses installations, elle a dû travailler parallèlement avec le ministère de l’Éducation, des magistrats, des mairies, des écoles. Il s’agit d'acteurs qui ne sont pas familiers avec le fonctionnement des uns et des autres et opèrent de manières très différentes. Elle a également évoqué le besoin d’avoir une certaine liberté financière pour gagner en autonomie et donc en efficacité.

 

Françoise Barré Sinoussi, chercheure et Prix Nobel de Médecine, a rebondi sur ces propos en expliquant que cette liberté est fondamentale.

« De la liberté nait l’originalité et de l’originalité, naissent les découvertes. »

La liberté est donc essentielle dans le mesure où puisqu’elle permet d’élargir le champ des possibles. Cependant, cette liberté est compromise par les conflits d’intérêts qui inquiètent les chercheurs. Ils sont de plus en plus présents dans le domaine de la science, et les chercheurs calent maintenant leurs projets de recherches sur les appels d’offre et non sur leur savoir-faire ou leurs compétences. Or, dans la culture du domaine scientifique, produits et profits ne sont pas synonymes d’innovation. Françoise Barré Sinoussi a pointé du doigt le fait que l’on demande de plus en plus aux chercheurs de contribuer à l’économie à court terme. Une incohérence donc, avec la culture d’intérêt général du domaine scientifique.

 

Il s’agit là d’un phénomène que la lauréate du Prix Nobel de médecine pense pouvoir contester grâce à la pression exercée par les acteurs, chercheurs et soignants sur les autorités internationales. Cette intervention de la société civile s’est montrée efficace, puisqu’elle a permis de transmettre des messages et de passer à l’action, comme dans le cas du Fonds mondial pour la lutte contre le sida. Ces efforts sociétaux sont donc indispensables, mais ils doivent être complétés par une meilleure interaction entre les chercheurs et la société civile. Les échanges profiteraient aux deux parties, puisque la population est de plus en plus méfiante quant aux activités des chercheurs. Nombreux sont ceux par exemple, qui refusent de se faire vacciner. Les chercheurs ont eux aussi besoin de se confronter à la société pour pouvoir être efficaces dans leurs recherches. En d’autres termes, comme l’a dit Françoise Barré Sinoussi,

 

« le tous ensemble est extrêmement important. »

 

Cependant, comment créer le « tous ensemble », et surtout, comment œuvrer pour l’intérêt général ? Ce sont là des questions auxquelles RONALPIA, incubateur d’entrepreneurs sociaux, tente de répondre à travers ses actions.  La directrice et cofondatrice de RONALPIA, Léna Geitner, a expliqué que l’incubateur tente de se servir de l’entrepreneuriat comme d’un outil pour servir l’intérêt général. Ainsi, elle donne vie à des projets tels que celui de Constant et Zoé une ligne de vêtements à la fois esthétiques et pratiques pour les enfants en situation de handicap. Un processus qui favorise l’inclusion de ces enfants et participe à changer le regard de la société sur les personnes handicapées. Aujourd’hui on constate que  seulement 30 % de ces acteurs solidaires choisissent de prendre le statut d’association. Les 70 % restants font le choix de monter leur projet en tant qu’entreprise. Léna Geitner souligne qu’il est nécessaire de recréer la confiance envers les acteurs. Pour ce faire, la directrice de la société pense que la solution est avant tout la communication entre les acteurs, afin de les rassembler autour de sujets communs.

 

Ces propos ont d’ailleurs été repris par Alain Mergier qui a souligné le fait que la réflexion produite par les acteurs menait à un savoir-faire précieux. En effet, cela leur permet de comprendre ce que vivent concrètement les gens et de pouvoir mettre cette compréhension et ce savoir-faire au service de l’intérêt général.

 

Léna Geitner, encouragée par tous les participants, a pour conclure appelé les fondations présentes lors de cette table-ronde organisée par le CFF à financer les projets des entrepreneurs sociaux, et plus largement les projets d’intérêt général mixant les modèles lucratifs et non lucratifs.

 

Article rédigé en partenariat avec le Centre Français des Fonds et Fondations.

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