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Par Kiron France - Publié le 4 mai 2017 - 10:29 - Mise à jour le 9 mai 2017 - 13:25
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Avantages économiques de l’accès des réfugiés à l’enseignement supérieur

Le monde fait face à la plus grosse crise des réfugiés depuis la Seconde Guerre Mondiale, avec plus de 22 millions de personnes déplacées de force de leur pays d’origine. Les économies développées telles que les USA, l’Union Européenne, l’Australie, le Canada et le Japon sont souvent réticentes à l’idée de les accueillir pour plusieurs raisons, principalement économiques et culturelles. Pourtant, l’accueil des réfugiés, s’il semble obligatoire sur le plan moral et humanitaire, peut également générer des bénéfices économiques conséquents.

Avantages économiques de l’accès des réfugiés à l’enseignement supérieur
Avantages économiques de l’accès des réfugiés à l’enseignement supérieur

Qu’en pensent les économistes ?

Le FMI, dans son rapport de 2016, ne nie pas les difficultés économiques en lien avec l’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile, mais souligne qu’ils peuvent avoir un effet « stimulant sur la population active et un impact positif à long terme sur la croissance et les finances publiques, surtout dans les pays aux populations vieillissantes ». Les économistes estiment qu’une hausse de l’ordre d’1% de la proportion de migrants dans la population active augmente potentiellement de 2% à long terme le PIB par habitant d’un pays[1]. Comment ? Dans la zone euro, en empruntant les couts initiaux de l’accueil des réfugiés, les prestations sociales et allocations chômage, la dette publique augmenterait de 68.8 milliards d’euros entre 2015 et 2020. Dans le même temps, selon les estimations, le PIB augmenterait de 126.6 milliards d’euros. C’est pourquoi investir 1€ dans l’assistance aux personnes réfugiées peut générer jusqu’à 2€ de bénéfices économiques dans les 5 ans. Cependant, l’intégration des réfugiés sur le marché du travail est primordiale pour qu’ils aient une incidence positive à moyen et long terme sur la croissance économique ; intégration qui résulte de plusieurs facteurs tels que la possession de qualifications professionnelles et compétences transposables[2].

Alors, comment les réfugiés peuvent-ils contribuer à l’économie ?

De beaucoup de façon, comme tous les travailleurs de compétences diverses. Leurs efforts peuvent aider à la création d’emploi, augmenter la productivité et les salaires des travailleurs locaux ainsi que les retours de capitaux, stimuler les échanges internationaux et les investissements. D’une manière générale, permettre aux gens de s’intégrer à des pays aux technologies avancées, politiquement stables et sécurisés stimulera leurs opportunités économiques et la production de richesses[3].

Qu’est-ce que les personnes réfugiées peuvent apporter de plus que les travailleurs locaux ?

L’interaction entre les gens de diverses nationalités provenant de milieux différents peut permettre de générer des idées nouvelles. Comme les réfugiés et les migrants en général ont des expériences particulièrement distinctes, leurs perspectives peuvent se révéler précieuses. Le simple fait d’être "différent" permet de développer une ouverture d’esprit et un mode de pensée divergeant; un esprit critique remettant en cause des schémas normalisés qui laisse beaucoup plus de place à l’innovation. Les gens qui parlent couramment plusieurs langues tendent aussi à être plus créatifs. Tous ces éléments ne peuvent qu’être bénéfiques pour les entreprises cherchant à recruter.

L'accès à l'enseignement supérieur des personnes réfugiés crée des synergies positives sur les économies des pays d'accueil 

Les réfugiés (ou leurs enfants) avec un haut niveau de qualifications ont potentiellement acquis des compétences différentes et complémentaires qui leur permettent de combler les manques du marché du travail. Même les économies au fort taux de chômage comme la France ont des besoins spécifiques de travailleurs avec des aptitudes particulières. Les réfugiés qualifiés peuvent également augmenter la productivité des travailleurs locaux. Et qu’en est-il de l’insertion professionnelle quand on a fait des études ? Selon une étude de Formation Emploi[4], l’insertion dans le marché du travail est efficace pour les diplômés d’une licence ou master professionnels, plus que pour ceux titulaires d’un diplôme général. La filière informatique par exemple permet une insertion similaire aux étudiants sortant d’une école d’ingénieur. L’accès aux études supérieures peut combler le manque de ressources personnelles (peu ou pas de réseau par exemple) par la pratique de stages en entreprise, de cours en lien avec le "monde du travail".

 

Conclusion :

Pour toutes ces raisons, l’intégration des demandeurs d’asile semble efficace sur le long terme tant sur le plan économique que sur le plan social. Une personne réfugiée qui a accès à l’éducation aura beaucoup plus de clés en mains pour s’intégrer à long terme dans la société et contribuer à son évolution, qu’une personne à qui l’on n’offre pas cette opportunité.

 

Pour illustrer ces propos, voici quelques exemples de réfugiés aux destins et parcours exceptionnels :

Andy Grove est né à Budapest dans une famille juive d’origine modeste. Il fuit la Hongrie en 1956 après l’invasion soviétique et co-fonde Intel, leader mondial dans la fabrication de semi-conducteurs, dont la capitalisation est évaluée à 150 millions de dollars en 2016.

Parcours universitaire : Université de la ville de New York d’où il sort major de promo et titulaire d’un diplôme d’ingénieur en génie civil puis Université de Berkeley (doctorat en génie chimique)

Jan Koum fuit l’antisémitisme d’Ukraine à 16 ans et poursuit sa scolarité en Californie. Il est le cofondateur de WhatsApp, un service de messagerie pour téléphone portable racheté par Facebook pour 22 milliards de dollars en 2014, qui compte aujourd’hui un milliard d’utilisateurs.[5]

Parcours universitaire : Université d’Etat de San José

Le père de Steve Jobs[6] est un réfugié venant de Syrie, installé aux Etats-Unis.

Maryam Monsef, ministre des Institutions démocratiques au Canada. Elle est née en Iran en 1985, et arrive à 11 ans au Canada.

Parcours universitaire : Université de Trent

Jules Dassin est un acteur et réalisateur né dans le Connecticut aux Etats-Unis, forcé de quitter le pays après avoir été inscrit sur la liste noire de Hollywood à cause de ses sympathies communistes. Il s’exile en Europe en 1949 et tourne en France en 1955. Pendant son exil, il obtient une nomination aux Oscars pour son film Jamais le dimanche. C’est le père du chanteur Joe Dassin.

Corneille est auteur-compositeur-interprète[7], né en Allemagne en 1977, où ses parents se sont installés pour étudier. Ils retournent vivre au Rwanda en 1984, et sa famille est tuée dix ans plus tard pendant le génocide. Après avoir trouvé refuge en Allemagne chez une tante, Corneille s’envole pour le Canada où il poursuit des études et lance sa carrière musicale.

Parcours universitaire : Université Condordia (Montréal), études de communication

Article rédigé par Anne-Laure Le Cam, le 4 mai 2017. 

 

[1]Article du journal Le Monde du 05/10/2016 "Le FMI plaide pour une intégration économique rapide des migrants" : http://www.lemonde.fr/economie-mondiale/article/2016/10/05/le-fmi-plaide-pour-une-integration-economique-rapide-des-migrants_5008445_1656941.html#sTQ7OefZGF32sqqI.99

[2] Rapport 2016 du FMI, voir p.22-24 : https://www.imf.org/external/french/pubs/ft/ar/2016/pdf/ar16_fra.pdf

[3] Legrain, P. (2016) Refugees Work: a humanitarian investment that yields economic dividends http://static1.squarespace.com/static/55462dd8e4b0a65de4f3a087/t/573cb9e8ab48de57372771e6/1463597545986/Tent-Open-Refugees+Work_VFINAL-singlepages.pdf

[4] Calmand, J. et Epiphane, D. (2012) Enseignement supérieur : les défis de la professionnalisation, Formation Emploi  http://formationemploi.revues.org/3509

[5] Jan Koum : de l’Ukraine communiste aux 19 milliards de WhatsApp, La Tribune (2014) http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20140220trib000816358/jan-koum-de-l-ukraine-communiste-aux-19-milliards-de-whatsapp.html

[6] Steve Jobs (et Steve Wozniak) : Biographies http://www.stevejobs.fr/biographie-de-steve-jobs/

[7] 10 réfugiés canadiens au parcours exceptionnel, Radio-Canada (2015) http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/750803/refugies-portraits-canada

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