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Par Le RAMEAU - Publié le 10 juin 2024 - 13:44 - Mise à jour le 11 juin 2024 - 18:57
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Européennes & ODD : faut-il désespérer ?

En cette période multi-crise, faut-il douter de notre capacité collective à réussir la transformation systémique que nous vivons ? De la prospective 2100 aux premiers enseignements de l’Observatoire des périls planétaires, en passant par le « débarquement » de l’économie locale durable le 6 juin dernier à Strasbourg, la semaine dernière a illuminé ce que les élections européennes et le débat politique français peuvent avoir tendance à cacher… Lorsque l’arbre qui tombe étouffe le bruit de la forêt qui pousse, il est utile de mettre en lumière les « signaux faibles » qui contribuent à donner envie de continuer à faire le « Pari de la confiance » !

Une fois encore, les résultats des élections européennes ne sont appréhendés qu’au travers d’une politique nationale électoraliste. Pourquoi ne pas plutôt tenter de comprendre les lignes de force qui sont aujourd’hui bousculées par la succession de crises que nous vivons ?

Tout d’abord, il est utile de rappeler qu’une démocratie se caractérise par une triple légitimité : représentative, participative et délibérative. Trop souvent, une lecture superficielle de ce qu’est une démocratie limite le périmètre de vision à la légitimité représentative, les « élus » par la « Volonté du Peuple ». Cette première légitimité est en effet au cœur de la démocratie, elle incarne l’un des deux piliers de toute démocratie : le vote et l’impôt. Si ce second pilier a pour objectif de garantir une solidarité avec les plus fragiles d’entre nous, le premier est le pilier d’une gouvernance qui tient compte d’un choix en « Commun(s) ». C’est bien cette capacité à choisir une gouvernance attentive à la Volonté générale et la contribution de chacun – selon ses moyens – à la solidarité commune qui fait démocratie. Mais la légitimité représentative, garante de l’intérêt général, n’est pertinente que si elle s’appuie sur deux autres légitimités toutes aussi structurantes dans une démocratie : la légitimité participative et la légitimé délibérative. La première est le symbole de la capacité d’engagement de chacun à un intérêt général « ancré et incarné » qui répond avec pertinence aux défis actuels. La seconde est la capacité des corps sociaux organisés à débattre pour trouver des équilibres qui correspondent à une réalité de terrain que seuls eux sont capables d’analyser objectivement.

Les trois légitimés sont en crise car elles ne sont plus articulées !

Ces trois légitimités sont aujourd’hui fragiles ! Concernant la légitimité représentative, nul n’était besoin d’attendre les élections européennes pour voir combien elle est érodée, dans les pays même qui l’on vu naitre et qui l’ont progressivement fait grandir. Outre la désertion des bureaux de votes, les attaques de plus en plus fréquente de nos élus locaux « à portée de baffes » qui en sont victimes de plus en plus fréquemment en est une illustration fragrante. Comment pouvons-nous accepter une violence physique auprès de ceux qui ont pris le risque de se faire élire pour piloter l’intérêt général ?

Face à cette fragilité de la légitimité représentative, la faiblesse de la légitimité participative ne permet pas de réaligner la capacité d’écoute des différences. Comme l’a parfaitement (dé)montré le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son Avis « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique », voté à l’unanimité de ses membres, les associations - symboles de vitalité démocratique - ont été instrumentalisées. Elles sont devenues de « simples » opératrices d’utilité sociale à bas coûts pour faire face à l’effet ciseau devant l’accroissement de nos défis sociétaux et la raréfaction des ressources. Dans une approche purement gestionnaire, seule leur capacité à « produire moins cher » a été entendu, laissant de côté leur formidable capacité de (ré)invention de nouveaux modèles capables à la fois de réduire les fragilités et de faire émerger de nouveaux moteurs de développement économique durable. Devant cette incompréhension de la capacité d’innovation associative, seule la dimension de gouvernance participative a été retenue. Pourtant aujourd’hui, « seule l’Action est engagement », et c’est bien sur cette capacité d’action spécifique que les associations sont plus que ce qu’elles font.

Enfin, la 3e légitimité est l’impensé de nos actions collectives alors qu’elle est l’un des piliers de la gestion de nos fragilités depuis 70 ans : il s’agit de la légitimité représentative. Qui se soucie aujourd’hui de l’ANI en cours de négociation entre l’Etat et les partenaires sociaux ? Il est pourtant au cœur de notre capacité collective à nous appuyer sur nos organisations – publiques et privés – pour réinventer les modèles de demain.

Alors face à cette triple crise de légitimité – représentative, participative et délibérative – la tentation est forte de « jeter le bébé avec l’eau du bain ». N’est-ce pas ce que nous vivons aujourd’hui ? Par peur de l’avenir, plus aucune de ces trois légitimés n’arrive à donner confiance dans un Avenir en « Commun(s) », pire plus aucune d’entre elles n’arrive à établir un dialogue serein et fécond avec les deux autres. Conséquence directe : tous les repères « sautent » les uns après les autres, comme un alpiniste en chute libre dont les points d’accroche dans la montagne seraient arrachés les uns après les autres à une rapidité de plus en plus rapide…

L’Agenda 2030, un (dernier) symbole démocratique à ne pas détruire !

Les Objectifs de Développement Durables sont un exemple flagrant d’inconscience démocratique qui nous précipite vers le chaos. Certains enterrent (déjà) l’Agenda 2030 considérant qu’il est impossible d’en atteindre les Objectifs dans le contexte actuel. Outre la démonstration d’une méconnaissance sociologique de toute démarche de conduite de changement qui veut que le « mi-chemin » est nécessairement une période de doute, cet « enterrement » de notre cap et cadre en « Commun(s) » est une double erreur :

  • Stratégique : car certes le verre est à moitié vide, mais il est aussi à moitié plein ! Changer de cap aujourd’hui serait prendre le risque de perdre toutes les avancées objectives acquises depuis 2015, c’est la trajectoire qu’il faut ajuster, pas le cap.
  • Politique : car l’Agenda 2030 a été voté à l’unanimité des 193 Nations Unies en 2015, avec une temporalité à 2030. Qui peut légitimement remettre en cause une cible démocratiquement décidée par l’ensemble de l’Humanité des Nations sans prendre le risque de remettre en cause les fondements même d’un processus démocratique ?

Ainsi, tout détracteur des ODD devient - souvent sans le conscientiser - un opposant à la Démocratie. C’est d’autant plus vrai stratégiquement que la question en l’occurrence n’est pas la cible, mais l’évolution de la trajectoire pour l’atteindre. Ce ne sont pas les Objectifs de Développement Durable qui sont en risque, mais les processus trop hâtivement définis pour les mettre en œuvre.

Aujourd’hui, comme le prouve l’étude d’impact du faire alliance réalisée par l’Observatoire des partenariats entre 2018 et 2022, la question n’est plus « faut-il changer ? », mais « comment changer ? » en tenant compte des réalités de terrain, des moyens, des maturités et des envies.

Les femmes et les hommes ne sont pas des machines, mais des êtres vivants qui – comme telle – ont leur propre rythme biologique. Ne pas en tenir compte, c’est prendre le risque d’avoir éventuellement « techniquement » raison, mais assurément « politiquement » tort ! N’est-ce pas ce que nous vivons, en France, en Europe et dans le reste du Monde ? Pourquoi encore autocentré sur notre propre écosystème ce qui est un changement de paradigme profond ? Pourquoi continuer à nous regarder le nombril franco-français, au lieu d’être – comme nous avons su l’être dans l’Histoire – des éclaireurs d’une Humanité qui se métamorphose ?

« Le monde est-il en feu » ou au contraire « chrysalide devient-elle papillon » ? C’est à chacun de se questionner en conscience, mais une chose est certaine : ce n’est pas des états-majors que viendra la réponse, mais de l’observation et de l’objectivation de se qui se passe réellement sur le terrain ! Cessons de regarder « en haut », et observons les mouvements « en bas »…

Les preuves de l’utilité d’espérer en un Avenir en Commun !

Les « preuves de concept » s’accumulent pour illustrer les chemins de résilience. Les Territoires sont les lieux de (ré)invention de l’intérêt général comme l’explique parfaitement le cahier de recherche « ODD 17 : économie(s) et territoire(s) ». Les solutions de sortie de crise sont maintenant connues, mais telles la pénicilline dans l’éprouvette inventée en 1944 par Flemming, elles ne disent encore rien sur notre capacité collective à les industrialiser pour que les « médicaments » puissent (enfin) faire effet sur nos démocraties déjà bien malades…

Il n’existe aucune « solution miracle », mais l’observation des « signaux faibles » permet de détecter d’ores et déjà des voies de rebond possible. La semaine dernière illustre les 3 facteurs clés de succès nécessaires pour en conduire le changement :

  1. Savoir faire un diagnostic partagé objectif : l’Observatoire des périls planétaires, initié par IDN, réunissait son Conseil de veille. L’objectif était de partager les premiers résultats des travaux de qualification de notre enjeu de transformation systémique autour des défis géopolitiques, écologiques, technologiques, sociaux & sociétaux et économiques. Les peurs exprimées par nos concitoyens, la rationalité de leur classement d’un Territoire à l’autre, et la diversité des solutions pour y répondre sont de nature à objectiver la situation que nous vivons, et donc à (re)créer un dialogue là où il a été rompu. Réapprendre à débattre, ne chercher ni victoire ni consensus, mais un équilibre partagé, voilà un objectif stratégique pour fonder nos démarches sur une connaissance partagée qui permet à chacun de se positionner selon son propre parcours. Pour en savoir plus, vous pouvez regarder en replay le webinaire « Cap 2030 vers l’ODD 16, bilan et perspective ».  
  2. Apprendre à se projeter : les premiers enseignements de la démarche de prospective 2100, engagée par la Fondation dédiée et par la Société Française de Prospective, ont été partagés à l’occasion du 1er Comité de suivi de la démarche « Intérêt général 2050 » (découvrir la démarche 2100). Quelle richesse de pouvoir objectiver la diversité des tendances, de pouvoir les quantifier et de pouvoir identifier les leviers d’action que chacun peut avoir sur chacune d’elle ! Face à cette approche systémique qui redonne confiance dans la capacité à relever ensemble nos défis en « Commun(s) » comment articuler la « juste place » de chacun, et la « juste temporalité » pour réussir ensemble ce qu’aucun ne peut faire seul ? La matrice de trajectoire autour d’un triple défi de performance à 18 mois, d’innovation à 7 ans et de refonte de notre imaginaire collectif à 28 ans est une première piste de réponse. Retrouver le sens de l’articulation des temps est en effet une condition sine qua non.  Une chose est certaine, comme pour un funambule, plus la hauteur du défi est haut, plus le « balancier » est long ; pour la démocratie, plus l’enjeu de transformation est grand, plus la projection dans le temps doit être cohérente avec l’effort à fournir pour passer le cap. N’est-ce pas là une sagesse nécessaire à (re)partager ? Aucune solution miracle ne permettra de faire face à l’ampleur des défis devant nous, mais une approche sur la diversité de nos temps peut contribuer à une pédagogie apaisante sur les leviers qu’il nous reste à actionner.  
  3. Expérimenter au plus près des réalités de terrain : le Pacte pour une économie locale durable de l’Eurométropole de Strasbourg est l’un des nombreux exemples de la capacité à (ré)concilier très opérationnellement économie et intérêt général (téléchargez le Pacte pour une économie locale durable). Au sens propre, « l’économie » est « l’équilibre de la maison ». C’est bien sur les territoires qu’un triple équilibre se pose, et peut s’articuler : celui des personnes qui doivent subvenir à leurs besoins respectifs, celui des projets qui s’ancrent dans une organisation publique ou privée dont le corps social a pour mission de mettre en œuvre des solutions concrètes, et celui des Territoires qui incarnent l’intérêt général à portée de main. La sécurisation de la cohérence des actions et de la cohésion des acteurs sont les deux jambes de tout Projet de Territoire capable de mobiliser durablement les énergies au service d’un Projet en « Commun(s) ».  Le « débarquement » en ce 6 juin 2024 du Pacte de Strasbourg vient nous éclairer sur les leviers à activer pour gagner le combat contre le fatalisme. Plus que jamais c’est en effet en proximité qu’il est possible de lutter contre la désespérance qui sape nos Démocraties à travers le monde.

Dans ce contexte anxiogène pour tous, le Réseau des catalyseurs territoriaux vous invite le 2 juillet prochain à la 10e Rencontre des pionniers des alliances en territoire. Vous rencontrerez celles et ceux qui vivent cette transformation au quotidien, avec des flux et des reflux, des victoires et des échecs pour mieux lutter face à nos défis. N’hésitez pas à vous inscrire dès à présent pour vivre l’expérience de la co-construction du bien commun. L’étude d’impact du faire alliance (dé)montre que l’Action donne confiance dans notre capacité collective à réussir la transformation systémique que nous vivons. Vivons en l’expérience le 2 juillet à la Cité du Développement Durable, sur le Territoire de Paris-Est Marne & Bois (programme et inscription en ligne).

Pour en comprendre les impacts pour chacun des 10 profils d’acteur de notre écosystème français, n’hésitez pas à prendre connaissance de l’article « ODD : L’engagement de toutes et de tous ! » publié par Le RAMEAU aujourd’hui même sur son blog de suivi des résultats de la recherche empirique (à consulter régulièrement). 

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