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Par Le RAMEAU - Publié le 9 juillet 2024 - 10:43 - Mise à jour le 9 juillet 2024 - 17:26
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INTÉRÊT GÉNÉRAL : Changeons de méthode !

Comme chaque mois, Le RAMEAU fait la gazette de l’ODD 17 en pratiques. Force est de constater que le mois de juin ne fut pas un mois comme les autres… Il résonne avec le livre « Commun(s) » : discours de la méthode vers le « Pari de la confiance » publié le 5 octobre dernier. 9 mois plus tard, l’urgence de passer de la théorie du « ruissellement » à « l’enracinement » est plus que jamais d’actualité.

Il est indéniable que la théorie du ruissellement a été efficace par le passé. C'est la logique de la redistribution ; autrement dit du partage d'une partie des bénéfices réalisés avec ceux qui n'ont pas la chance d'en réaliser. C'est le principe même de la solidarité, qu’elle soit obligatoire au travers de l’impôt et/ou volontaire au travers de la philanthropie. Lorsque le modèle de développement est efficace, qu’il créé de la valeur durable et que la croissance est au rendez-vous : alors la théorie du « ruissellement » est une option crédible de pilotage de l’intérêt général. Elle a marqué un demi-siècle de gestion publique, et d’ajustement par la solidarité privée. Les modèles anglo-saxons en sont les exemples les plus représentatifs, particulièrement celui américain. Pourtant, force est de constater aujourd’hui les limites de cette approche.

L’enrayement du modèle de pilotage de l’intérêt général

Ce modèle qui « regarde vers le ciel » n'est efficace que si le système de production de la valeur l’est ... et c'est là le problème ! Depuis les années 1970, le système économique a dérivé d'un modèle de création de valeur par la réponse aux besoins, à la création de besoins pour une consommation toujours plus grande. Du management de « l'équilibre de la maison », nous sommes passés à l’exploitation du système de production pour une productivité toujours plus optimisée. La question n’était plus de répondre aux besoins, mais de produire « toujours plus pour moins cher ». Ce système ayant besoin de ressources, qu’elles soient énergétiques ou financières ; ce sont elles qui ont pris le leadership. La question fut dès lors moins de savoir si les produits répondaient à un besoin que de sophistiquer les moyens de les faire consommer. La course folle à la surproduction impliquant une nécessaire surconsommation pour l’écouler s’est alors emballée. Elle est aujourd’hui incarnée par la fast fashion : en une décennie, nous sommes passés de la production de 800 modèles hebdomadaires de vêtements à 8 000 par jour. Tels des papillons blancs, les modèles meurent aussi vite qu’ils sont nés, laissant aux pays les moins riches le soin de ‘recycler » les invendus » ...

L’accélération d’un cycle d’autodestruction

Ce modèle n’est plus vivable ... et encore moins souhaitable ! Nous devons retrouver le sens profond de l’Agenda 2030 des Nations Unies. Il y a 8 ans, les 193 Nations constituant l’humanité tout entière ont constaté les fragilités de ce modèle devenu destructeur. Elles ont proposé une alternative pour piloter l’intérêt général : les 17 Objectifs de Développement Durable. Aux 16 premiers qui régulent de manière systémique les articulations à (ré)inventer pour (re)trouver un équilibre durable, les pays du Sud ont eu la sagesse d’exiger l’ajout d’un 17e Objectif avec une question simple : « Comment allons nous faire ensemble ce qu’aucun ne peut faire seul ? »

C’est en ce sens que la théorie de « l’enracinement » vient utilement compléter la théorie du « ruissellement ». Les fondements du partage de la valeur - tant par l’impôt que par la solidarité - ne sont pas remis en cause ; mais ils ne sont plus suffisants. Il ne s’agit plus seulement de redistribution ; il faut remonter à la racine de la création de valeur. La racine c’est la capacité à écouter les besoins, notamment des plus fragiles, afin de savoir comment orienter et utiliser les ressources pour créer de la valeur durable. À un moment où l’effet ciseau s’agrandit entre la raréfaction des ressources et l’accroissement des fragilités, il faut savoir revenir à la source de la création de valeur pour (ré)inventer nos modèles.

Le retour au bon Sens, celui qui donne une direction à l’action

Comment faire ? Une observation rigoureuse et attentive de la réalité de terrain - celle que nous vivons tous au quotidien - nous l’enseigne : il faut territorialiser notre approche pour corréler le cap et le cadre communs de l’Agenda 2030 à la diversité des modes opératoires pour le réussir. En effet, si la cap et le cadre peuvent être universels, il serait illusoire de croire que les solutions peuvent l’être ... et c’est bien là l’erreur stratégique de ces deux dernières décennies. Plus le modèle devenait contreproductif, plus la tentation normative essayait désespérément d’en délimiter un périmètre de plus en plus standardisé, croyant naïvement que la norme et la loi pouvaient se substituer au bon sens de l’action. Nous avons collectivement tenté d’avoir un « dernier kilomètre des solutions » le plus efficace possible ... alors que l’urgence était d’être à l’écoute du « premier kilomètre des besoins ». De plus en plus « hors sol », les solutions que nous rêvions de plus en plus universelles pour en optimiser les coûts de gestion se sont progressivement éloignées de la réalité même des besoins qu’elles étaient censées couvrir.

Alors comment inverser la machine pour nous remettre dans le bon sens ? Le Sens, ce n’est pas seulement de la valeur ou des valeurs, c’est aussi une direction. Quelle est-elle ? Si le cap et le cadre de l’Agenda 2030 nous en posent les balises, c’est au cœur des Territoires qu’il est possible de répondre à cette question. Qui aurait l’imprudence de croire sérieusement que la réponse à nos défis en « commun(s) » peut trouver les mêmes solutions de Paris à Saint Benoit de La Réunion, en passant par Lyon, Strasbourg, Montargis, Bressuire, Langres et Limoge ? Soyons sérieux ! Soyons à l’écoute des Territoires ! Ils incarnent à la fois « l’intérêt général à portée de main », le lien de l’expérimentation par excellence, et l’espace de confiance où il est possible de dépasser « l’entre-soi » pour faire de « l’entre-tous ».

C’est sur les Territoires que se pilotent les communs, que se co-construit le bien commun face aux fragilités, et que se (ré)invente notre Lien commun qui nous unit dans nos différences.

Les preuves des Territoires et l’épreuve du temps

Le mois de juin de « l'ODD 17 en pratiques » a fait la démonstration de la diversité des engagements déjà effectifs, des citoyens aux collectivités territoriales, des associations aux entreprises, des fondations aux acteurs académiques. Tous les profils d'acteurs ont mis en place des démarches apprenantes en proximité des enjeux qu'ils constatent pour inventer avec leur écosystème local des réponses adaptées aux besoins, surtout des plus fragiles.

Cette capacité à co-construire des réponses en proximité créée de la performance et de l'innovation, mais aussi de la confiance. Alors comment passer du foisonnement des initiatives locales à une meilleure coordination nationale de ces multiples dynamiques fécondes, aussi efficaces que différentes ? Le 10e anniversaire de la Rencontre des pionniers des alliances en Territoire nous en a donné les clés le 2 juillet… en pleine tempête politique.

C’est justement dans le fracas de la tempête qu’il faut être attentif au léger murmure de la forêt qui pousse sur la rive de la destination à atteindre. C’est la seule manière d’orienter le bateau dans la bonne direction.

Que retenir de cette journée ? 7 enseignements majeurs :

  1. Que le Cap et le Cadre commun(s) de l’Agenda 2030 ne sont pas remis en cause ... au contraire, en plein cœur de la tempête c’est eux qui permettent de garder le cap vers un Avenir qui transforme nos périls communs en chemins en « Commun(s) ».
  2. Les chemins en « Commun(s) » sont multiples… et que c’est ce qui en fait la valeur. Ils s’incarnent au travers de Projets de Territoires qui assurent cohérence des actions et cohésion des acteurs en fonction des réalités et des spécificités locales.
  3. Ces chemins sont féconds s’ils parviennent à faire converger une triple légitimité : celle de la politique publique locale, celle de l’envie d’engagement et celle de la capacité à (re)créer des équilibres socio-économiques durables. Pour converger, ces chemins nécessitent donc la mobilisation des Collectivités territoriales, des entreprises, des associations et de l’engagement des citoyens.
  4. Pour arrimer cette dynamique, les collectivités territoriales peuvent s’appuyer sur des « catalyseurs territoriaux », véritables auxiliaires des pouvoirs publics, voire « auxiliaires des envies d’innovation territoriale en commun » pour faire émerger des solutions qu’aucun acteur ne peut imaginer seul. Aux côtés de cette catalyse, les Collectivités doivent pouvoir valoriser leurs propres compétences au travers de « chef de projet innovation territoriale ». Au sein de tous les acteurs, le développement des compétences d’alliance est devenu stratégique pour réussir l’alchimie du bien commun.
  5. Le temps est notre allié, et non notre ennemi ! La « matrice des trajectoire » permet d’articuler la performance à 18 mois, l’innovation à 7 ans et la reconstruction d’un imaginaire collectif à 28 ans.
  6. Les moyens pour valoriser et accélérer les dynamiques collectives d’intérêt général existent. Ils se traduisent concrètement sur les 3 leviers du modèle socio-économique nécessaire à l’accélération du « jouer collectif »: 

         - Sur le plan des richesses humaines :  350 catalyseurs territoriaux sont au service de leur Territoire, aux côtés des élus et agents territoriaux.

         - Sur le plan des financements : l’exemple du Fonds ODD 17 prouve la valeur de l’investissement dans l’intérêt général. Le programme « Réussir ensemble la territorialisation des transitions » se renforce pour couvrir toutes les régions, y compris ultramarines

         - Sur le plan des nouvelles alliances : la Fondation des Territoires est un espace de dialogue pour croiser la diversité des dynamiques et en tirer les enseignements.

  7. Toute démarche pertinente doit commencer par prendre le temps d’écouter le « premier kilomètre des besoins » ! C’est ce qui a, par exemple, était fait à Le Réunion durant 18 mois, et qui donnera lieu au 1er cahier d’observation des dynamiques de coopérations territoriales dans les Territoires ultramarins. Ce temps n’est pas perdu… bien au contraire ! Il permet de comprendre la réalité des fragilités et de valoriser la diversité des réponses déjà actives pour contribuer à les réduire.

Prévus bien avant que la tempête politique ne se déclare en France, les différents événements de « l’ODD 17 en pratiques » ont permis de valoriser l’engagement de celles et ceux qui sont à la manœuvre pour contribuer au quotidien à l’intérêt général au plus près des besoins et des fragilités. Les 7 enseignements de ce mois et demi écoulé sont particulièrement structurants. Ils sont autant de balises pour nous orienter dans la tourmente. Contre vents et marées, la traduction concrète de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable doit poursuivre son œuvre ... L’intérêt général ne se pilote pas à 10 jours mais à 10 ans !

Plus que jamais, gardons le Cap !

Il y a 10 ans, les 193 Nations alors Unies ont eu la sagesse de poser les conditions d’une transformation systémique qui peut conduire le XXIe siècle vers un port plus fraternel, équitable et durable. Si nous souhaitons préserver nos démocraties, qui serions-nous pour remettre en cause les Objectifs que l’ensemble de l’Humanité s’est assignée ?

Tenons droit la barre pour que rien ne nous en éloigne. Ne quittons pas ce chemin d’espérance au risque de créer une désillusion plus grande encore, et de perdre toute capacité à construire des réponses adaptées à l’ampleur des défis communs que nous vivons.

Plus que jamais nous devons tenir le cap, et bien réfléchir à nos options. Ce n’est pas le cap qu’il faut revoir, ce sont nos trajectoires individuelles et collectives ! Cela tombe bien ... cela nous offre le choix d’une Action correspondant à notre profil d’acteur, nos objectifs, nos moyens, notre maturité et nos envies ! Les ODD sont pour tous les acteurs, dans tous les domaines, sur tous les territoires.

Le 5 octobre dernier, lors du colloque « Jeunes & Territoires 2050 », Le RAMEAU a proposé une méthode issue de 18 années de recherche empirique. Elle est résumée dans le livre « Commun(s) » : discours de la méthode – Vers le « Pari de la confiance ». Moins que jamais les arbres qui tombent avec fracas ne doivent étouffer le bruit de la forêt qui pousse avec détermination au cœur de nos Territoires. Les 350 « catalyseurs territoriaux » incarnent ces « Résistants de l’intérêt général » qui accompagnent les Projets de Territoire qui savent mobiliser tous les engagements, dans leurs diversités. Nous pouvons compter sur eux, et ils peuvent compter sur nous.

Alors, prenons soin d’enraciner nos Actions au plus près des besoins et de nos fragilités. C’est ainsi que nous pourrons co-construire ensemble un Avenir en « Commun(s) ».

Retrouvez la gazette de l’ODD 17 en pratiques qui retrace un mois et demi de valorisation de l’engagement de toutes et tous au service de l’intérêt général.

 

Charles-Benoît HEIDSIECK, président-fondateur du RAMEAU

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