Fistules obstétricales : L'Ordre de Malte France auprès des femmes les plus vulnérables
La Journée mondiale pour l’élimination de la fistule obstétricale se tient chaque année le 23 mai. Elle a pour but de sensibiliser sur cette pathologie lourde de conséquences qui touche encore aujourd’hui un à deux millions de femmes, dans le monde. Engagé dans cette action humanitaire, l’Ordre de Malte France organise depuis plusieurs années des campagnes de chirurgie réparatrice dans les hôpitaux qu’il dirige à Madagascar et en Côte d’Ivoire.
« La fistule est la conséquence d’un accouchement qui s’est mal passé, expose le Dr Herilala, médecin du Pavillon Sainte-Fleur, au cœur du Centre Hospitalier Universitaire d’Antananarivo, la capitale de Madagascar. Elle créée une communication entre la vessie et le vagin où l’urine coule en permanence. »
Les femmes qui souffrent de la fistule vivent, très souvent, dans des zones isolées, loin de toute structure de santé adaptée. Par conséquent, par manque de moyens pour se rendre dans les structures de santé adaptées (parfois très éloignées), ou par manque de confiance en le système de santé « moderne » aussi, elles ne bénéficient pas d’un suivi régulier pendant leur grossesse. Parmi les cas ordinaires, par exemple, des femmes qui auraient dû accoucher sous césarienne, et qui accouchent finalement dans des conditions très difficiles, pendant plusieurs longues heures, sans présence d’un soignant, se retrouvent handicapées par cette pathologie.
Après l’accouchement, et la perte de leur bébé, les femmes souffrent à la fois sur le plan physique mais aussi sur le plan social et psychologique. « Quand on rencontre ces femmes pour la première fois, on leur demande toujours comment s’est déroulée leur grossesse et si leur enfant est en vie, ou pas, souligne le Dr Herilala. Si l’enfant est en vie, il y a peu de chance que la femme souffre d’une fistule obstétricale, mais plutôt d’une incontinence. »
Dans de nombreux cas, leurs communautés les rejettent. Elles se retrouvent ainsi privées de toute forme de socialisation, voire de moyens de subsistance.
L’ACTION DE L’ORDRE DE MALTE FRANCE
Considérée comme « la maladie de la honte », ces femmes basculent ainsi dans une immense détresse. Face à ce fléau, l’Ordre de Malte France agit. À travers les deux hôpitaux où l’association soigne cette pathologie, à Madagascar et en Côte d’Ivoire, en menant des campagnes opératoires, plusieurs fois par an.
En partenariat avec divers acteurs – Opération Fistula, le ministère de la Santé, l’Hôpital HJRA, pour le Pavillon Sainte-Fleur à Madagascar et l’UNFPA et l’AIBEF pour l’hôpital de Saint Jean-Baptiste à Bodo (au sud du pays) – l’Ordre de Malte France met en place ces campagnes. Plusieurs fois par an, elles permettent d’identifier ces femmes puis de les transporter parfois sur plusieurs centaines de km jusqu’à l’hôpital de l’Ordre de Malte où elles sont opérées et suivies pendant leur convalescence.
« On opère les femmes qui en souffrent (…) Il y a du matériel médical spécifique à utiliser dans le cadre de ces opérations. », dit le Dr Josélitto du Pavillon Sainte-Fleur. Il ajoute : « Ce sont des femmes démunies, parfois malnutries (…) et l’Ordre de Malte rentre en jeu ici car peu de personnes veulent les réparer (…) c’est l’une des missions les plus importantes qu’on fait au Pavillon Sainte-Fleur ».
Que ce soit au Pavillon Sainte-Fleur ou à l’hôpital de Bodo, des experts nationaux ou internationaux viennent former les médecins locaux à l’occasion de ces campagnes.
« Notre objectif d’ici fin 2023 consiste à former nos médecins locaux pour qu’ils puissent opérer les cas de fistule en dehors des campagnes, de manière routinière », souligne Ernest Kouassi Kouadio, le directeur adjoint de l’hôpital Saint-Jean Baptiste à Bodo, où une nouvelle campagne se tient à partir du lundi 22 mai. Une autre avait eu lieu en janvier.
Chaque campagne, d’une durée d’environ 15 jours, permet d’opérer entre 20 et 50 femmes, et ainsi de leur offrir une guérison de qualité. Elles sont une opportunité unique pour ces femmes de se réinsérer dans leur famille et communauté.
TÉMOIGNAGE
Marie-Hélène a aujourd’hui 54 ans. Elle a eu six enfants. Avant d’être soignée pendant la campagne qui s’est tenue début mai au Pavillon Sainte-Fleur, elle souffrait d’incontinence depuis de longues années. Elle témoigne.
Avant l’opération, j’étais toujours trempée dans ma propre urine, et ça depuis mon dernier accouchement. J’utilise des couches en tissu que je dois changer très régulièrement, car ils sont trempés très facilement. Ça rend mon travail très difficile puisque je me déplace souvent en ville. Je suis vraiment reconnaissante envers les personnes qui m’ont informée de cette opération, et qui ont décidé de me prendre en charge. (…) Avec tous les efforts physiques que je dois faire, parfois la couche ne suffisait plus pour retenir l’incontinence. [Grâce à l’opération], j’espère que mon incontinence sera entièrement guérie et que je pourrai retrouver une vie normale (…).