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Par Carenews INFO - Publié le 17 avril 2024 - 10:58 - Mise à jour le 18 avril 2024 - 10:24
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A Gaza, les ONG restent mobilisées contre la famine et les risques d’épidémies malgré les défis

Malgré les récentes annonces d'Israël concernant une augmentation des convois d'aide à Gaza, les travailleurs humanitaires se heurtent toujours à d'importants défis sans observer d'amélioration notable. La menace d’une famine généralisée au sein de la population gazaouie s’intensifie, rapportent les ONG.

Camion chargé d’aide humanitaire à la frontière entre Israël et Gaza à Kerem Shalom. Crédit : Wirestock.
Camion chargé d’aide humanitaire à la frontière entre Israël et Gaza à Kerem Shalom. Crédit : Wirestock.

 

« La semaine dernière, les autorités israéliennes ont bloqué 420 camions d’aide alimentaire au point de passage de Rafah », affirme Vincent Stehli, directeur des opérations d’Action contre la faim. Israël avait pourtant affirmé quelques jours plus tôt laisser entrer davantage de convois humanitaires dans la bande de Gaza à la suite des pressions de son allié américain, début avril. Les ONG présentes sur place ne notent, pour l’instant, « aucune amélioration de la situation ».

Depuis maintenant sept mois après l’attaque du Hamas, le conflit entre Israël et le mouvement palestinien a plongé la bande de Gaza dans une situation humanitaire catastrophique. L’ensemble de la population – environ 2,2 millions de personnes – souffre d’insécurité alimentaire, tandis que plus d’1,1 million de Palestiniens sont en situation de famine, selon le Programme alimentaire mondial. « Une situation inédite dans l’histoire moderne », détaille Louis-Nicolas Jandeaux, responsable humanitaire d’Oxfam France. 

Alors que plusieurs ONG suspectent Israël d’utiliser la faim comme « une arme de guerre », elles sont nombreuses à tenter d’apporter leur aide à une population en détresse.

 

Face aux besoins immenses, une aide au compte-goutte

 

« Au nord de l’enclave, l'apport calorique journalier de la population ne dépasse pas les 245 calories, ce qui équivaut à une demi-baguette », constate l’association Oxfam. Si le Sud n’est pas épargné par la famine en raison de sa surpopulation, la tension est particulièrement forte au Nord, où très peu de camions parviennent. Pour cause, à Gaza, seules deux voies de passage fonctionnent réellement : Rafah et Kerem Shalom, toutes deux situées au Sud de l’enclave. « Acheminer des camions vers le Nord est difficile car des autorisations doivent être délivrées par les autorités israéliennes pour que les convois puissent circuler dans la bande de Gaza », explique Vincent Stehli. La plupart du temps, ces autorisations sont déclinées.

Pour tenter de contourner cet obstacle, des ONG ont pu organiser des convois maritimes ou aériens, en larguant des colis depuis des avions par exemple. Pourtant, « cela reste extrêmement limité en termes de volume et infiniment moins efficace que l’afflux d’aide qui pourrait être acheminé par la route si l’on ouvrait pleinement les frontières », déplore le responsable humanitaire d’Oxfam. Le 8 mars dernier, cinq personnes ont été tuées lors d’une opération de largage aérien dans la bande de Gaza. 

Aujourd’hui, les ONG restent donc contraintes de passer essentiellement par la route. « Un immense défi », selon Vincent Stehli, non seulement au regard du nombre réduit de points de passage mais du fait, également, du blocage de l’aide aux frontières.

« Les camions qui tentent de rentrer sur le territoire attendent généralement entre 20 et 30 jours à la frontière », détaille le directeur des opérations d’Action contre la faim. Des contrôles excessifs des autorités israéliennes et une absence de liste claire sur ce qui est autorisé à pénétrer à l’intérieur de l’enclave expliquent la longue attente. « Des humanitaires peuvent rester bloqués à l’entrée à cause d’une paire de ciseaux », nous dit-il. 

La notion de « biens à double usage » complique également la donne, selon Louis-Nicolas Jandeaux. Ce sont des biens essentiels à la population mais qui peuvent, in fine, avoir une destination militaire. « Une multitude de biens peut être concernée, et cela devient une excuse pour bloquer tout et n’importe quoi », explique le responsable humanitaire. Le carburant est l’exemple le plus flagrant. Depuis le début de la guerre, la population en manque, car le fioul ne rentre quasiment pas dans la bande de Gaza. S’il peut être utilisé pour soutenir l’effort de guerre du mouvement palestinien, il est également essentiel pour répondre aux besoins de la population : alimenter les respirateurs dans les hôpitaux, permettre aux ambulances de circuler ou faire fonctionner les pompes des puits à eau, par exemple.

Aussi, depuis le début de la guerre seuls 1/5e des besoins humanitaires dont la population a besoin aurait pénétré le territoire. Pire encore, depuis le mois de février, l’entrée des camions a été divisée par deux selon Oxfam. Alors que fin janvier, une décision de la Cour internationale de justice appelait le gouvernement israélien à assurer l’afflux d’aide humanitaire, cela rappelle, une fois de plus, que les décisions internationales n'ont pas de répercussions réelles en zone de conflit.

 

L’enjeu lié à l’eau 

 

En plus de l’alimentation, l’accès à l’eau potable est extrêmement compliqué dans la bande de Gaza. Selon Oxfam, 97 % de l’eau disponible dans l’enclave est impropre à la consommation. L’enjeu est global, puisque « la consommation d’une eau impropre a pour risque l'explosion des maladies hydriques ». Surtout, les conséquences de cette situation sur les enfants - nombreux dans la bande de Gaza - sont particulièrement dramatiques puisqu’ils sont davantage exposés à la déshydratation, à la diarrhée, aux maladies et à la malnutrition, explique Vincent Stehli. 

La question de l’assainissement de l’eau cristallise les efforts des ONG, alors que de nombreuses canalisations ou puits ont été bombardés. L’association Oxfam a récemment financé la mise en place d’un réservoir et d’un centre de traitement de l’eau qui doit permettre l’accès à une eau potable à 25 000 personnes.

 

Aucune « safe zone » à Gaza

 

Alors que la mort des septs humanitaires de l’ONG World central kitchen (WCK), ciblés par des frappes israéliennes, a fait les gros titres début avril, Vincent Stehli rappelle que « des incidents ont malheureusement lieu tous les jours à Gaza ». Depuis le 7 octobre, environ 200 humanitaires, majoritairement des Palestiniens, auraient été tués. 

Si la menace des frappes israéliennes plane sur les humanitaires, ils sont aussi confrontés aux violences au sein des populations gazaouies, pointe le directeur des opérations d’Action contre la faim. « Les gens ont faim, ils ont soif, il n’y a pas de soins disponibles ». « Avec un tel niveau d’incertitude quant à l’avenir, naturellement, la tension monte au sein de la population », explique-t-il. 

Pour répondre aux enjeux sécuritaires, l’armée israélienne a dernièrement annoncé créer une nouvelle unité de « déconfliction », qui mettra les humanitaires directement en contact avec des responsables militaires israéliens. Ce mécanisme consiste, en zone de conflit, en l’échange d’informations et de conseils de planification entre les acteurs humanitaires et militaires, afin d’éviter des situations dangereuses. Le nouveau dispositif est censé résoudre le dysfonctionnement du processus actuel, auquel est attribuée la perte des sept humanitaires de WCK. 

Chaque opération des associations présentes sur le terrain est, en principe, coordonnée avec Israël. Malgré tout, les ONG pointent l’inévitabilité des incidents dans une zone où 1,5 million de personnes sont amassées dans 41 km carrés et où le conflit est continu. « Il n’y a aucune safe zone dans la bande de Gaza », déplorent les responsables d’Oxfam et d’Action contre la faim. Mener des actions structurées de moyen terme dans un territoire aussi dense représente un défi immense.

De même, les grandes difficultés pour communiquer, du fait des coupures fréquentes du réseau téléphonique, constituent une source de risque supplémentaire pour les humanitaires, pouvant aller jusqu’à paralyser leurs actions. « Lorsque les communications sont coupées, on ne peut pas prévenir qu’il y a un bombardement en cours par exemple », explique Vincent Stehli. 

 

Trêve ou offensive à Rafah ?

 

Une proposition de trêve est actuellement étudiée entre le Hamas et le gouvernement israélien. Outre un cessez-le-feu de six semaines, la proposition prévoit notamment l’entrée de 400 à 500 camions d’aide alimentaire par jour - soit le nombre qui entrait avant les attaques du 7 octobre - et le retour chez eux des habitants du nord de la bande de Gaza. Pourtant, d’après les ONG interrogées, une trêve ne suffit pas. « On a atteint un tel niveau de crise, qu’une trêve ne permettrait pas de résorber durablement la famine ». Toutes appellent à un cessez-le-feu immédiat et de long terme.

Malgré les discussions autour de cette proposition, Israël continue de projeter une offensive contre Rafah, dernier bastion du Hamas selon Tsahal. Alors que plus de 60 % des bâtiments ont été détruits sur l’ensemble du territoire, déplacer la population de Rafah, soit près d’un million et demi de personnes, représenterait de vrais enjeux. « Il n’y aura tout simplement pas d’endroits où loger les déplacés ». En outre, « certaines personnes ne peuvent tout simplement plus bouger du fait de leur état de santé », explique Vincent Stehli.

Alors que la bande de Gaza est devenue « un lieu de mort et de désespoir », où apporter de l’assistance humanitaire est un vrai défi, les ONG lancent l’alerte : une offensive à Rafah serait « un désastre de plus ». Quant à la récente montée des tensions entre l’Iran et Israël, Oxfam ne note pour l’instant « pas d’évolution dans la bande de Gaza », « bien que les informations puissent mettre du temps à remonter ». Les ONG craignent surtout, qu’une fois de plus, les populations civiles soient les premières victimes de cet embrasement.

 

Félicité Dussel 

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