Comment le secteur associatif se mobilise en faveur d’une meilleure couverture médiatique des enjeux environnementaux
Les scientifiques du Giec considèrent que les médias « ont un rôle crucial dans la perception qu'a le public [du changement climatique], sa compréhension et sa volonté d'agir ». Or, l’information dédiée aux enjeux environnementaux dans les médias reste limitée. Des acteurs de la société civile ont décidé d’agir pour améliorer le traitement médiatique de l’écologie, à travers notamment la création de l’Observatoire des médias sur l’écologie.

Les enjeux climatiques concernaient 3,7 % du temps d’antenne en 2024, soit 30 % de moins qu’en 2023, selon l’Observatoire des médias sur l’écologie (Omé). Lancé officiellement en novembre 2024, ce dispositif est le fruit du travail de plusieurs associations qui luttent pour un meilleur traitement médiatique des sujets environnementaux. Y figurent Quota Climat, Pour plus de climat dans les médias (Climat Médias), Expertises Climat ou encore Data for good. Le consortium inclut également des entreprises privées.
Financé par l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et bientôt par le ministère de la Culture, l’Observatoire est « disponible en ligne et mesure de manière permanente la façon dont les médias abordent l’écologie », précise Célia Gautier, fondatrice et co-directrice d’Expertises Climat. « Le procédé concerne actuellement 11 chaînes de télévision, 8 stations de radio et sera élargi à la presse écrite en 2025 », ajoute-t-elle. À plus long terme, l’Omé participera également à la détection de la désinformation climatique.
Décortiquer comment les journalistes abordent l’écologie
Conçu comme « un outil […] de mesure et de suivi du traitement médiatique des enjeux environnementaux », l’Omé agit en vue de mettre en lumière « le rôle des médias dans la prise de conscience des crises écologiques ». Le consortium d’associations a développé sa méthodologie avec l’aide d’un comité composé de scientifiques spécialisés dans la « médiatisation des enjeux environnementaux et de spécialistes de la transition écologique ». « Ces experts nous ont permis de réajuster nos choix méthodologiques pour en faire un outil le mieux accueilli possible », indique Claire Morvan, présidente de Climat médias.
En plus de définir le temps d’antenne consacré à l’écologie, l’Omé décortique comment les journalistes abordent ces sujets. « Le reportage évoque-t-il la biodiversité, le climat ou les ressources naturelles ? Et si nous abordons le climat, évoque-t-on les solutions ou uniquement les conséquences ? L’observatoire se penche sur ces questions », explique Célia Gautier.
L’importance du dialogue
L’Omé fonctionne grâce au travail des salariés œuvrant dans les associations à l’origine du projet. Grâce à des algorithmes, les employés trient les données récoltées dans les programmes d’informations diffusés entre 6h et 23h. Quant aux chaînes d’information en continu, c’est la totalité du flux diffusé entre 6h et 23h qui est analysée.
« L’observatoire s’appuie sur un dictionnaire de mots-clés et expressions relatifs aux trois grandes thématiques environnementales : climat, biodiversité et ressources. Pour déterminer si un programme d’information traite les enjeux écologiques, l’observatoire vérifie la présence de ces mots-clés dans les verbatims du flux TV et radio analysés », peut-on lire sur le site de l’Omé.
La production de telles données permet ainsi « d’objectiver le constat en ayant des chiffres de références », comme le souligne Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat.
En outre, les associations agissent également par le biais de veilles informationnelles et en interpellant les rédactions sur les réseaux sociaux. « L’objectif est de créer un risque réputationnel en lien avec une mauvaise couverture de ces sujets et d’informer le grand public sur ces questions », selon Eva Morel.
Claire Morvan évoque également l’importance du dialogue avec les journalistes en vue de connaître les blocages rencontrés par les rédactions et d’agir en conséquence. L’outil du webinaire est grandement utilisé à cette fin et contribue à « un travail de vulgarisation », assure-t-elle.
Un impact concret mais encore insuffisant
Expertises Climat, dont l’objet est de créer des ponts entre scientifiques et journalistes, axe par exemple ses visioconférences sur la recherche d’angles originaux. « Afin que les sujets cessent d’aborder uniquement le changement climatique sous le prisme du constat, nous demandons aux intervenants chercheurs d’être très concrets pour donner de nouvelles idées aux journalistes », affirme Célia Gautier. L’association fournit aussi des formations gratuites au sein des rédactions qui le souhaitent. L’animation de tables rondes ou l’organisation de manifestations fait aussi partie des action menées, relève Claire Morvan.
L’impact du secteur associatif sur le traitement médiatique des questions environnementales s’illustre de différentes manières. Après l’instauration de plaidoyers politiques destinés aux pouvoirs publics, QuotaClimat a vu son action récompensée par une proposition de loi « visant à garantir le droit d’accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux ». Cette dernière sera examinée à l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines. Parmi les retombées, figure la sanction financière de Cnews pour désinformation climatique. Elle intervient après la saisine de l’Arcom par QuotaClimat.
En 2022, le média Vert avait été à l’origine du lancement d’une « charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique », visant de même à favoriser un meilleur traitement de l’information sur ces sujets. La charte a été signée depuis par près de 2000 journalistes et de nombreuses rédactions.
Cependant, Eva Morel estime que « le paysage informationnel va mal » en dépit des efforts déployés par les organisations. « Les scientifiques du Giec estiment que les médias impactent la compréhension des enjeux climatiques », argue Claire Morvan.
Alors qu’en 2024, près de 30 % des Français estimaient que les désordres climatiques étaient dus à des phénomènes naturels, comme il y en a toujours eu, un meilleur traitement médiatique des enjeux écologiques est primordial.
Léanna Voegeli