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Par Carenews INFO - Publié le 24 janvier 2024 - 18:41 - Mise à jour le 26 janvier 2024 - 00:41 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Habitat indigne : un projet de loi salué, mais pas suffisamment ambitieux

L'Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mardi à mercredi 24 janvier un projet de loi contre l’habitat dégradé. Malgré une situation qui concerne plus de 400 000 logements en métropole, le texte adopté sans ministre du logement se concentre essentiellement sur le coercitif et ne convainc pas totalement les associations.

Les députés ont adopté en première lecture le projet de loi contre l'habitat dégradé. Crédits : iStock
Les députés ont adopté en première lecture le projet de loi contre l'habitat dégradé. Crédits : iStock

 

Adopté en première lecture par les députés dans la nuit de mardi à mercredi, le projet de loi « pour l’habitat dégradé » affiche pour ambition de venir en aide aux copropriétés en difficulté et de lutter contre les marchands de sommeil. 

Le texte, voté en l’absence d’un ministre du logement pas encore désigné, vise à favoriser une intervention précoce sur les habitations considérées comme insalubres ou présentant des risques pour la sécurité de leurs habitants. Les députés de la majorité présidentielle et des groupes d’opposition à l’exception de la France Insoumise (LFI) et du Rassemblement National (RN), ont dans ce sens adopté plusieurs mesures comme la création d’une nouvelle procédure d’expropriation à l’attention des propriétaires soumis à un arrêté de péril ou d’insalubrité, la création d’un nouveau prêt collectif pour les copropriétés complété par une garantie publique pour celles en difficultés financières et une obligation pesant sur les syndics de copropriétés d’informer les copropriétaires ou occupants d’un immeuble où un logement est concerné par des procédures de lutte contre l’habitat indigne. 

Le but affiché de ces mesures, agir avant que la situation des 400 000 logements métropolitains et des 100 000 ultramarins potentiellement insalubres ne devienne irrémédiable et nécessite une démolition. À plus grande échelle, ce sont « 1.5 million de logements qui sont fragiles » estime Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la Cohésion des territoires.

 

Un manque de vision globale sur les besoins de rénovation ?

Pour Estelle Baron, directrice de pôle conduite de projet de territoire à SOLiHA Grand Paris, malgré des « effets d’annonce » qui vont dans la bonne direction, le texte peine à concrétiser les directions qu’ils affichent. La responsable de l’association qui agit en faveur de l’accès et pour le maintien dans l’habitat des personnes défavorisées, fragiles ou vulnérables, regrette notamment l’absence de concertation approfondie des professionnels du secteur. 

« L’exposé des motifs semble aller dans le même sens que le rapport Braye de 2012 et la loi Alur de 2014, c'est-à-dire l’idée de prévenir les difficultés. Mais les dispositions de la loi portent essentiellement sur le volet coercitif », regrette-t-elle. C’est-à-dire sur l’intervention de l’ État une fois la défaillances des propriétaires privés actée. 

La directrice de pôle au sein de l’association déplore que le projet de loi n'introduise pas d’aides à l’entretien autres que celles dédiés à la rénovation énergétique proposés depuis plusieurs années par le gouvernement. « L’entretien courant est sous-estimé », ajoute-t-elle, et peut contraindre les ménages plus fragiles à abandonner les projets de rénovation. 


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« Un projet sous dimensionné » 

L’introduction dans la loi d’un nouveau prêt collectif à destination des copropriétés, censé favoriser les travaux en amont d’une dégradation collective, fait également douter Estelle Baron. « Ce type de prêt existe déjà mais il repose sur l’adhésion individuelle. Celui introduit par le projet de loi indique le système inverse c’est-à-dire que le copropriétaire qui ne souhaite pas y être associé doit se faire connaître. Comment fait-t-on si un copropriétaire en situation d’impayés ne se fait pas connaître ? On multiplie les risques de défaillance de la copropriété », juge-t-elle tout en reconnaissant la nécessité de penser de manière collective.

« Il y a des avancées intéressantes mais elles sont hyper techniques, il n’y a pas vraiment de dimension nouvelle et intéressante. C’est un projet de loi sous-dimensionné », résume-t-elle déplorant que le rapport remis fin octobre « pour accélérer la résorption de l’habitat indigne et dégradé » par les maires de Saint-Denis et de Mulhouse Mathieu Hanotin et Michèle Lutz n’ait pas fait l’objet d’une plus grande confrontation. 

Le directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue, considère quant à lui que « le projet de loi n'est pas extrêmement ambitieux mais va dans le bon sens ». « Personne ne pense qu'il va régler le problème de l'habitat indigne, ce qui manque vraiment ce sont des acteurs sur le terrain », renchérit-il. 

 

Les droit des locataires partiellement pris en compte

Le projet de loi, enfin, comporte des mesures en demi-teinte à destination des locataires d’habitat indignes.

D’un côté, il durcit les sanctions pénales à l’encontre des marchands de sommeil, en leur interdisant d’acquérir tout bien immobilier autre que leur résidence principale pendant une période allant jusqu’à 15 ans et en introduisant des sanctions contre la location sans bail écrit. 

Mais de l’autre, les députés ont rejeté l’amendement qui préconisait le rétablissement de l’exigence minimale d’une hauteur sous plafond pour les logements d’au moins 2,2 mètres. La mesure visait à revenir sur le décret paru le 29 juillet 2023 « portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés ». Ce dernier, en affichant une volonté d’harmoniser des règles fixées jusque-là au niveau départemental dans un contexte de « crise du logement », a introduit une exception à l’exigence des 2m20 de hauteur sous plafond justifiée par un « volume habitable suffisant » d’au moins 20 mètres carrés. 

Le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre avait alors dénoncé « un alignement des règles vers le bas » ouvrant à la location des logements dont la hauteur sous plafond peut descendre jusqu’à 1 mètre 80. 

 

Elisabeth Crépin-Leblond 

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