La Cimade « fête » les 40 ans des centres de rétention administrative
Dans le cadre d’une remise de prix ironique, les « Charter awards », la Cimade a récompensé les préfectures pour « leurs pratiques illégales et abusives d’enfermement et d’expulsion ». Animé par l’humoriste Guillaume Meurice, l’événement s’est déroulé à Paris, au Point éphémère, le 27 novembre.
C’est sous la forme d’un trophée en forme d’avion que les préfectures étaient « récompensées ». Neuf prix ont été remis lors de la cérémonie des « Charter awards », dont celui du « but contre son camp » pour avoir enfermé des personnes françaises, ou encore celui du « Allô police secours ! », attribué pour la détention d’une femme victime de violences conjugales alors qu’elle demandait l’assistance de la police. Parmi les distinctions, nous retrouvions également le prix « Petits bagnards », octroyé à la préfecture de Mayotte pour avoir enfermé 55 000 enfants en 20 ans.
Ces catégories ont un point commun, celui de l’utilisation par les préfectures de la loi du 5 avril 1984, qui crée les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA). L’objectif de ces lieux est l’enfermement de personnes étrangères en situation irrégulière avec pour finalité leur expulsion forcée hors du territoire français.
« L’humour est une déclaration de dignité »
La Cimade intervient depuis 40 ans au sein des deux types d'institutions afin d’apporter une assistance juridique aux personnes concernées, de « témoigner de ce qu’il se passe derrière ces murs, dénoncer les violations des droits, les pratiques illégales et abusives », explique Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de l’association.
Conduite par l'humoriste Guillaume Meurice, la cérémonie des Charter awards entendait répondre de manière sarcastique aux faits dénoncés par la Cimade, car « l’humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive », selon la citation de l'écrivain Romain Gary. Fanélie Carrey-Conte rappelle à ce titre « qu’en dépit des drames qui se déroulent chaque jour derrière les murs des CRA, rien ne peut effacer la dignité et l’humanité des personnes, tant que nous avons la capacité collective à témoigner, penser et résister ».
La Cimade déplore un contrôle défaillant des actions de l’Etat
Une première édition des Charter awards avait déjà été organisée en juin 2016, à la Maison des métallos à Paris. Les remises de prix s’effectuent en vidéos et sur scène. Sur les films qui jalonnent la soirée, des membres de la Cimade distinguent les actions des préfectures devant les instances départementales elles-mêmes. Sur scène, c’est Guillaume Meurice qui remet les trophées, également accompagné d’autres membres de l’association.
« Nous ne pouvons pas intervenir dans les CRA sans que certaines conditions soient réunies, c’est le droit qui s’applique. Les libertés d’expression et de communication sont fondamentales dans une société démocratique. En ce sens, l’association ne peut pas fonctionner s’il n’y a pas de contrôle des actions de l’État », a estimé sur scène Henry Masson, président de la Cimade.
Quant à Gérard Sadik, responsable national de la thématique asile à la Cimade, il dénonce les objectifs chiffrés établis par le ministère de l’Intérieur en vue de remplir ces centres. « Expulsions le matin très tôt, tard le dimanche soir, histoire de s’assurer que personne ne puisse se défendre grâce à un avocat ou à l’aide d’une association. Ce qui est bien embêtant quand on a des objectifs chiffrés fixés par le ministre parti en croisade pour rétablir l’ordre », précise-t-il. D’ailleurs, la capacité des CRA tend à l’augmentation avec 3000 places supplémentaires qui devraient être créées d’ici à 2027.
Léanna Voegeli