L'ANTISÈCHE - Au fait, c'est quoi les limites planétaires ?
Depuis 2024, sept des neuf limites planétaires ont été franchies, estiment les scientifiques. Mais de quoi s'agit-il ?

Même sans savoir de quoi l’on parle, on comprend que la nouvelle n’est pas réjouissante : deux nouvelles limites planétaires ont été franchies en 2022, celle de la pollution chimique et celle de l'utilisation d'eau douce ; la septième, celle de l'acidification des océans, a quant à elle été franchie en 2024.
Sept des neuf limites planétaires sont donc désormais franchies. Mais que signifie cette notion ?

Qu’est-ce qu’une limite planétaire ?
Les limites planétaires sont des plafonds quantitatifs que l’humanité ne devrait pas dépasser si elle ne veut pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer.
Les neuf limites délimitent donc un espace de développement sûr de l’humanité, dont elle n’a pas intérêt à sortir. Basculer au-delà de chacune des limites planétaires risque en effet de déstabiliser l’équilibre qui domine la planète depuis le début de l’Holocène - l'ère géologique qui a favorisé le développement de l'espèce humaine -, il y a 11 000 ans.
Les neuf limites planétaires
Le concept de limite planétaire a été mis au point en 2009 par 26 chercheurs internationaux, sous la direction du chercheur suédois Johan Rockström, du Stockholm Resilience Center. Il a été affiné depuis par plusieurs études scientifiques.
Neuf limites ont été définies, qui concernent les domaines suivants :
- Le réchauffement climatique : la limite du changement climatique est mesurée en fonction de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2). Celle-ci ne doit pas dépasser 350 parties par million (ppm). Or cette limite a été dépassée en raison des importantes émissions de CO2 d'origine humaine : en 2023, la teneur moyenne de CO2 dans l'atmosphère était de 421 ppm.
- L'intégrité de la biosphère : cette limite comporte deux indicateurs. Le premier concerne la biodiversité génétique : il s'agit de ne pas aller au-delà d'un taux d'extinction de dix espèces sur un million par an. Cette limite est largement dépassée : le taux de disparition des espèces serait aujourd’hui de 10 à 100 fois supérieur à la limite fixée. Un autre indicateur a été ajouté pour mieux prendre en compte le rôle des espèces dans le fonctionnement des écosystèmes : la « diversité fonctionnelle » de ces espèces. Mais cet indicateur n'est pas mesuré pour le moment.
- La concentration de phosphore et d’azote dans les océans : selon les scientifiques, il est nécessaire que la quantité de phosphore déversée dans l’océan soit dix fois inférieure au lessivage naturel du phosphore. Les rejets de phosphore et d’azote dans les océans représentent en effet un risque pour l’intégrité des écosystèmes marins (phénomènes dits d'« eutrophisation des milieux »). Ces rejets résultent notamment de l’agriculture et de l’élevage intensifs. Cette limite est elle aussi dépassée.
- La modification de l’usage du sol : l'indicateur retenu est celui de la disparition des forêts, notamment parce qu'elles abritent une grande biodiversité. L'objectif est de conserver 75 % du couvert forestier au niveau mondial. Or le taux moyen actuel est de 62 %.
- L’eau douce : cette limite concerne d'une part l'eau dite « bleue » (lacs, rivières, nappes souterraines), dont le prélèvement annuel ne doit pas aller au-delà de 4 000 km3 (taux qui a été dépassé en 2023) ; elle concerne d'autre part « l'eau verte », c'est-à-dire le changement du niveau d'humidité des sols, et sur ce plan la limite a été dépassée en 2022 (sols très asséchés ou au contraire détrempés).
- La pollution chimique : cette limite concerne le risque que font peser les substances créées par l’humain (par exemple les molécules de synthèse ou les nanoparticules) sur l’environnement. Évaluée seulement en 2022, cette limite est déjà dépassée, la quantité de substances produites et leur dissémination étant jugées comme hors de contrôle par les scientifiques.
- L'acidification des océans : la saturation de l’eau de mer de surface en aragonite doit être supérieure ou égale à 80 % par rapport au niveau pré-industriel. Cette limite est directement liée à la concentration de CO2 dans l’atmosphère, la dissolution de ce gaz dans l’océan entraînant une acidification de l’eau de mer. Elle a été considérée comme dépassée en 2024.
- La concentration des aérosols atmosphériques : cette limite ne peut être quantifiée pour le moment. Les aérosols désignent de toutes petites particules solides ou liquides en suspension dans l'air. La majorité d'entre eux est d'origine naturelle, cependant une quantité croissante est rejetée dans l'atmosphère par les activités humaines depuis l'ère préindustrielle. Cette augmentation des aérosols dans l'atmosphère a une influence importante sur le climat de la Terre.
- La couche d’ozone stratosphérique : la couche inférieure d'ozone ne doit pas diminuer de plus de 5 % par rapport à son niveau pré-industriel. Cette limite est la seule pour laquelle le risque s’éloigne, grâce à l'interdiction des gaz destructeurs de la couche d'ozone par le Protocole de Montréal de 1987, aujourd'hui ratifié par la totalité des États du monde.
Seules deux limites planétaires ne sont donc pour l'instant pas franchies : la concentration des aérosols atmosphériques (qui ne peut pas être mesurée pour le moment) et la couche d’ozone stratosphérique.
La rédaction