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Par Carenews INFO - Publié le 11 février 2022 - 10:00 - Mise à jour le 11 février 2022 - 15:23
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[TRIBUNE] « Renforcer le service public par le volontariat des fonctionnaires »

En frappant de manière aussi soudaine que violente, la crise de la Covid-19 s’est immédiatement imposée comme un défi à la fois sanitaire et social. Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis revient dans cette tribune sur les enjeux de l'engagement des fonctionnaires.

Tribune de Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis . Crédits : CD93
Tribune de Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis . Crédits : CD93

 

« Positionnées en première ligne, les collectivités ont dû s’adapter en urgence pour assurer la continuité des services publics, malgré le confinement. Mais elles ont dû aussi renforcer considérablement leur rôle de bouclier, parfois bien au-delà de leurs propres compétences, afin de venir en aide à celles et ceux qui en avaient le plus besoin, et d’appuyer les associations de terrain, plus que jamais essentielles, mais souvent mises en difficulté.

En Seine-Saint-Denis, territoire particulièrement meurtri par la pandémie, le département et ses agent.e.s se sont mobilisé.e.s pour distribuer gratuitement du matériel médical, mais aussi des milliers de repas aux associations de l’aide alimentaire. Par la mise en place d’une plateforme téléphonique dédiée – ensuite pérennisée – ils et elles ont appelé les habitant.e.s les plus fragiles pour rompre leur isolement et, dans bien des cas, prévenir des situations de détresse.

Si cette expérience « extraordinaire » a démontré à quel point la solidarité devait être renforcée, elle a donc aussi prouvé que ses formes devaient être multiples et innovantes, sans cesse adaptées aux besoins réels de la population. De toute évidence, les services publics ont un rôle majeur à jouer pour y parvenir, à la fois directement et par leur soutien au tissu associatif de chaque territoire.

De ce constat est né en octobre 2020 le dispositif Agent.e. s solidaires mis en place par le Département de la Seine-Saint-Denis pour prolonger son engagement. 

Ce dispositif, unique dans la fonction publique territoriale, permet aux agent.e.s de mener des actions de volontariat auprès d’associations du territoire, jusqu’à deux jours par mois, sur leur temps de travail, et avec maintien du salaire.

Un an après sa mise en place, ce sont près de 60 agent.e.s, tous métiers confondus, toutes catégories administratives, qui se sont déjà impliqué.e.s auprès d’associations, en premier lieu de la solidarité (Restos du Cœur, Secours populaire, associations locales…), mais aussi pour l’accès aux droits ou pour la transition écologique.

Au sentiment renforcé d’être utiles en apportant leurs savoirs et leurs compétences s’est ajoutée pour ces agent.e.s la possibilité de mieux connaître, et finalement de nouer une relation plus forte avec un territoire et des habitant.e.s auxquels ils dédient leur mission quotidienne.

Aujourd’hui, le département de la Seine-Saint-Denis souhaite poursuivre et développer ce dispositif expérimental en l’ouvrant à davantage d’agent.e.s et d’associations. Dans son sillage, de nombreuses autres collectivités sont venues observer et questionner cette initiative, avec la volonté de s’engager à leur tour. Les entreprises l’appellent « mécénat de compétences ». Pourquoi ne pas parler ici de « temps de travail réinventé », voire d’extension du service public ? Car c’est bien leur temps, en plus de leurs compétences, que les agent.e.s – et non uniquement la collectivité « mécène » – mettent à disposition.

Pourtant, faute d’un cadre législatif qui permette de le consolider, ce dispositif novateur reste menacé et son extension à d’autres collectivités reste incertaine. En effet, la récente loi « 3DS » (loi pour la différenciation, la décentralisation, la déconcentration), avec son article 69, ouvre des pistes intéressantes mais insuffisantes sur le temps de travail libéré dans la fonction publique territoriale.

La limitation de l’application de ces dispositions aux seules associations d’utilité publiques écarte du périmètre les petites associations les plus récentes ou les plus locales. Les lourdeurs encadrant la délibération autour de ce dispositif sont partiellement dissuasives. Enfin, la contrainte d’une durée limitée à trois ans maximum montre une réticence certaine à s’engager clairement dans ce dispositif.

Triste ironie, alors que le secteur privé a parfois pu initier avec succès des assouplissements dans sa conception du rôle des salarié.e.s, le gouvernement s’emploie à rigidifier le temps de travail des agent.e.s dans le secteur public ; secteur public dont l’ADN est pourtant de servir l’intérêt général... 

Il est temps de prendre conscience du fait que le service public de demain devra, s’il veut continuer d’agir au plus près des habitant.e.s et de leurs besoins, passer par de nouvelles formes d’engagement. Cela ne sera pas possible sans une confiance accrue envers les agent.e.s qui le font vivre et les ressources associatives locales. Assurément, le « temps de travail réinventé » en fait pleinement partie. »

 

Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis

 

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