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Par Carenews PRO - Publié le 5 mars 2024 - 15:00 - Mise à jour le 5 mars 2024 - 16:13
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TRIBUNE - Face aux déserts médico-sociaux et de santé, faisons le choix d’un modèle coopératif non lucratif pour répondre aux besoins des usagers

Face aux abus de certains professionnels, la loi Valletoux de décembre 2023 encadre l'usage de l'intérim dans le secteur médico-social. Dans cette tribune, Véronique Fleury, présidente de Medicoop France, rappelle que certains acteurs ont choisi de s'associer dans des coopératives de travail temporaire non lucratives, qui répondent de manière vertueuse à la pénurie de professionnels dans la santé et le médico-social. Elle souhaite que ces spécificités soient prises en compte dans les décrets d'application de la loi. 

Medicoop France est une coopérative spécialisée dans le domaine médico-social et sanitaire et social, qui mutualise le personnel remplaçant des établissements adhérents. Crédit : Medicoop.
Medicoop France est une coopérative spécialisée dans le domaine médico-social et sanitaire et social, qui mutualise le personnel remplaçant des établissements adhérents. Crédit : Medicoop.

 

Le 27 décembre 2023, l’exécutif a promulgué la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, portée par le député et désormais ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux. Appelée à résoudre les déserts médicaux, qui concernent aujourd’hui 87 % du territoire national, cette loi fait du territoire de santé, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé (« territoires de démocratie sanitaire »).

Centré en priorité sur le secteur médical, ce texte utile, qui renforce l’attractivité des établissements, a des répercussions sur le secteur médico-social. Une de ses dispositions encadre en effet l’usage de l’intérim : le texte interdit aux hôpitaux et aux établissements médico-sociaux (Ehpad…) d’embaucher en intérim des professionnels médicaux, paramédicaux ou socio-éducatifs récemment diplômés. Un décret d'application de la loi est prévu. Les étudiants en santé pourront toutefois continuer à exercer en tant qu'intérimaires. 

 

Le travail temporaire dans les secteurs médico-social et de la santé souffre d’un manque de régulation

 

Disons-le clairement, les carences d’attractivité des métiers du secteur médico-social et de la santé croisent des dimensions parfois similaires : urgence à recruter des remplaçants, concurrence des établissements entre eux, lesquels parfois jouent des rémunérations proposées sur certains postes, notamment pour les médecins.

Cette logique du « mercenariat » généralisé a démontré son caractère néfaste : 58 % des Français considèrent désormais que le système de santé dysfonctionne, selon l’enquête Elabe pour Les Échos et l’Institut Montaigne du 2 novembre 2023.

Au-delà des bénéficiaires, patients, résidents d’établissements spécialisés ou familles nécessitant un accompagnement spécifique de professionnels, cette logique impacte également les comptes publics, forcés de couvrir des dépenses gonflées par ces prestations intérimaires non régulées.

 

Le modèle coopératif et non lucratif apporte une réponse équilibrée à la pénurie dans nos métiers

 

Depuis de nombreuses années, des établissements du médico-social ont pris le parti inverse, en choisissant de s’associer au sein de coopératives de travail temporaire. Celles-ci favorisent à la fois la construction de parcours professionnels pour les travailleurs non-permanents, qui bénéficient d’une garantie de temps partagé, contre les temps partiels subis, et de la formation continue. Grâce à leur organisation territoriale entre pairs et leur connaissance fine des enjeux du secteur dont ils sont issus, les remplacements profitent directement aux patients, résidents et leurs équipes de soins.

Grâce à leur modèle non lucratif, les coopératives de travail temporaire du secteur médico-social permettent de réguler la concurrence sur les profils entre les établissements, notamment grâce à des grilles de rémunération fixes, sur la base des indices conventionnels.

Ces structures jouent enfin un rôle majeur dans l’attractivité des métiers en tension, en favorisant la découverte des métiers et en créant de nouvelles vocations, tout en préservant les financements des acteurs territoriaux. Elles sont une solution éprouvée face à la pénurie de recrutements dans les secteurs médico-social et de la santé.

 

Pour résoudre le problème des déserts médicaux, valorisons les initiatives vertueuses

 

Les coopératives d’établissements médico-sociaux organisées entre pairs apportent une réponse efficace et élégante aux difficultés de recrutements. Leur mise en concurrence avec les acteurs lucratifs traditionnels de l'intérim est de nature à fragiliser l’objet même de la loi Valletoux, qui appelle précisément à une plus grande liberté d’organisation des établissements entre eux pour assurer collectivement la permanence des soins.

Les remplaçants issus des coopératives d’établissements sont d’ailleurs nécessaires pour les équipes, notamment dans l’organisation du travail, des congés ou de la formation des travailleurs permanents. Le risque, en interdisant l’usage de l’intérim vertueux en coopérative, pourrait amplifier les difficultés à constituer les équipes dans les établissements, et aggraver la pénurie du secteur.

Il est ainsi nécessaire, pour contribuer à résoudre le problème des déserts médicaux et au bénéfice des usagers des établissements, que les décrets d’application de la Loi Valletoux prennent en compte les éléments suivants :

  • L’esprit de la loi sur la construction de « territoires de démocratie sanitaire », où le mécanisme prévoit une grande liberté d'organisation entre établissements. 
  • Comme le suggérerait Frédéric Valletoux lui-même, que « l’intérim est nécessaire, aucun système ne fonctionne sans. Cette proposition ne veut pas l'interdire complètement mais réduire les excès » (Egora.fr, 10 mai 2023). Les excès, qui concernent majoritairement les médecins, les infirmiers dans certains cas, ne peuvent pas être la norme. 
  • Certains types d’établissements de travail temporaire ont des modes de fonctionnement vertueux, au premier rang desquels ceux issus de la communauté médico-sociale et sanitaire, et de surcroît ceux organisés selon des statuts qui prévoient la non lucrativité de leur objet ce qui constitue une garantie de leur efficacité, mais aussi de leur sobriété pour les comptes publics.

 

Nous souhaitons ainsi que soit portée une attention toute spécifique au secteur médico-social, que les initiatives vertueuses soient soutenues dans la durée, et qu'elles disposeront de garanties juridiques pour pouvoir poursuivre avec succès leur mission, par l'exclusion de leur champ d'une concurrence trop exacerbée, aux comportements parfois contestables.  

 

Véronique Fleury, présidente de Medicoop France

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