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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 22 janvier 2025 - 18:07 - Mise à jour le 22 janvier 2025 - 18:07
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La Fondation Reconnue d’Utilité Publique, un dispositif de développement de la philanthropie en risque

À travers le temps en ayant traversé royautés, révolutions, républiques les fondations se sont imposées comme un dispositif essentiel de la philanthropie. Des adaptations progressives ont permis de garder une attractivité de la Fondation Reconnue d’Utilité publique (FRUP). Récemment l’on a vu apparaître un décrochage de l’intérêt des donateurs par la croissance d’une rigidité administrative sans réelle justification. Ceci a entrainé la création de dispositifs d’évitement notamment les fonds de dotation. Daniel Bruneau nous indique les voies qui permettraient de retrouver de l’attractivité.

Interview de Daniel Bruneau
Interview de Daniel Bruneau
État des lieux :

Les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) occupent une place centrale dans l’histoire de la philanthropie en France. Leur origine remonte à des siècles, avec des exemples emblématiques comme la Fondation Blérancourt (1666), l’Institut Pasteur (1886) ou la Fondation de la Recherche Médicale (1947). Pendant longtemps, la FRUP a été le modèle unique de fondation, elle était reconnue par le roi, l’empereur puis la république par décret s’appuyant sur la doctrine et l’avis du Conseil d’État. Ce n’est qu’en 1987 que son existence juridique a été consacrée par la loi du 23 juillet. Depuis le modèle de la FRUP n’est plus exclusif et on a vu naître de nouvelles formes comme les fondations d’entreprise.

Depuis, le secteur philanthropique a connu une expansion spectaculaire. En 2009, on recensait environ 1 800 entités, un chiffre qui a triplé en 2023 pour atteindre 5 400 (source Fondation de France). Parmi elles :

  • - 2 500 fonds de dotation (près de 50 % des entités), créés grâce à un dispositif souple introduit en 2008 ;
  • - 642 fondations d’entreprise, largement plébiscitées par les entreprises pour leur flexibilité ;
  • - environ 600 FRUP, dont le nombre reste stable avec seulement quelques créations chaque année et les 1 700 fondations abritées (30 %) qui leurs sont rattachées.

 

Que penser de l'évolution des FRUP ? 

  • Daniel Bruneau, vous présidez la fondation des Petits Frères des Pauvres et vous êtes un des meilleurs connaisseurs des dispositifs de philanthropie. Que pensez-vous de l’évolution des FRUP ?

 

Malgré leur prestige historique et leur solidité juridique, les FRUP font face à plusieurs défis majeurs qui limitent leur attractivité. Ces défis se concentrent autour de leur dotation, leur gouvernance, leurs statuts et règlements intérieurs. La rigidité administrative croissante et insupportable, souvent en contradiction avec la pratique actuelle du Conseil d’État qui valide l’existence des fondations, décourage les porteurs de projets philanthropiques de créer des FRUP. Par ailleurs, autrefois perçus comme des partenaires privilégiés de l’État, elles sont aujourd’hui banalisées, réduisant leur attractivité. Dans le passé, les FRUP jouissaient d’avantages juridiques et fiscaux exclusifs. Seuls quelques-uns demeurent et ils ne sont sans doute pas suffisants pour pallier les contraintes propres à ce statut. Ainsi, la concurrence entre différents statuts, en particulier celui des fonds de dotation, combinée à une perception d’une grande lourdeur, le système de reconnaissance d’utilité publique, pose la question de l’avenir et de la pertinence des FRUP.

Pourtant je pense que ce dispositif doit persister car il a montré sa capacité à s’adapter aux besoins de la société et a été un modèle dans les évolutions de la transparence et la confiance.  Il a aussi permis la génération de 1 700 fondations abritées. Il faut le revivifier et alléger les contraintes.

 

Les 3 défis pour une modernisation des pratiques administratives  

1. La dotation : entre pérennité et efficacité

  • La dotation, fixée à 1,5 million d'euros, est censée garantir la pérennité d’une FRUP en générant des revenus stables. Mais ces revenus sont souvent insuffisants. Est-ce encore pertinent aujourd’hui ?

 

La dotation a toujours été un pilier fondamental des FRUP, symbolisant leur stabilité et leur autonomie financière. Elle traduit une philosophie ancienne selon laquelle une fondation doit pouvoir vivre des revenus de son patrimoine, garantissant ainsi la continuité de ses missions d’intérêt général sans dépendre exclusivement de financements extérieurs comme les subventions publiques ou les dons ponctuels. Cependant, dans le contexte économique actuel, ce modèle montre ses limites.

Avec des taux d’intérêt historiquement bas, les rendements générés par une dotation de 1,5 million d’euros sont souvent dérisoires. Prenons un exemple : avec un rendement annuel moyen de 2 %, cette dotation ne générerait que 30 000 euros par an. Cela peut suffire pour des projets très ciblés, mais c’est largement insuffisant pour soutenir des initiatives ambitieuses ou pérennes. Par ailleurs, si rien n’est fait, l’inflation érode la valeur de la dotation elle-même et le pouvoir d’achat de ses revenus, rendant cette somme moins significative qu’elle ne l’était à l’époque de son introduction. Pour éviter cela la dotation doit être régulièrement augmentée pour préserver le capital à long terme de l’inflation.

Mais si la préservation du capital est importante, elle ne doit pas devenir un frein à l’action. Aujourd’hui, face aux besoins sociaux et environnementaux croissants, il est légitime de se demander s’il est préférable de thésauriser des revenus modestes sur des décennies ou d’investir rapidement dans des projets à fort impact. Par exemple, une FRUP pourrait choisir de consacrer une partie de son capital à des causes urgentes, comme la lutte contre le changement climatique, tout en conservant une part de dotation pour assurer sa continuité.

 

  • Cela signifie-t-il qu’il faut repenser cette exigence pour la rendre plus accessible ou plus pertinente ?

 

Absolument. D’ailleurs, il n’est plus le seul modèle possible même si la dotation demeure une exigence de base, le modèle économique de la plupart des fondations intègre des flux de ressources qu’elles soient privées (générosité) ou publiques (subventions, concours publics…).

 

Repenser la dotation

  • Les pouvoirs publics exigent une dotation minimale de 1,5 million d’euros. Que pensez-vous de ce seuil ?

 

Certains pensent que ce montant est trop élevé, d’autres trop faible pour garantir une réelle efficacité. Pour ma part, j’ai tendance à penser qu’il est raisonnable dans la plupart des cas mais il n’y a pas lieu d’en faire un nombre d’or. Le montant de la dotation doit tenir compte du projet et du modèle économique.

L’idée que la dotation est destinée à assurer la pérennité quasi-éternelle de la fondation n’a plus guère de sens aujourd’hui. D’autres modèles pourraient être accueillis avec plus de bienveillance comme les fondations à dotation consomptible qui peuvent la consommer sur une durée définie (10, 20 ou 30 ans). Avec des volumes de dépenses plus importants cela offre une alternative intéressante pour financer des projets prioritaires ou répondre à des besoins urgents.

Il est également possible d’envisager des dotations différenciées en fonction de la taille et des objectifs de la fondation. Par exemple, des FRUP ayant des objectifs modestes pourraient être créées avec une dotation inférieure, tandis que les grandes fondations nationales ou internationales conserveraient des exigences plus élevées.

La dotation doit aussi prendre en compte la nature des sources de revenus de la fondation qui sont aujourd’hui très diversifiées. Cela inclut des partenariats publics-privés, des collectes auprès du grand public, ou encore des mécanismes de financement innovants comme les obligations à impact social. Si les fondations n’avaient que les revenus de leur dotation ou de leur patrimoine pour se financer, leur action serait bien modeste !

 

  • Une telle souplesse ne risque-t-elle pas de brouiller la distinction entre FRUP et fonds de dotation ?

 

Pas nécessairement. Les FRUP peuvent se distinguer en conservant des exigences spécifiques, comme des contrôles plus stricts et une mission clairement définie d’intérêt général. Contrairement aux fonds de dotation, souvent perçus comme des structures temporaires, les FRUP peuvent incarner un engagement durable tout en intégrant ces nouvelles approches. L’essentiel est de préserver l’idée de pérennité et de sérieux qui fait leur force, même si cela implique d’assouplir certains aspects de leur fonctionnement.

 

  • En conclusion, la dotation doit donc évoluer sans renoncer à sa symbolique.

 

Exactement. La dotation est plus qu’une simple contrainte financière ; c’est un symbole d’engagement durable et de rigueur. Mais elle ne doit pas devenir un carcan qui freine l’innovation ou décourage les mécènes. En adaptant ses règles et en introduisant de nouvelles options, les FRUP pourraient mieux s’inscrire dans un environnement philanthropique en mutation, tout en conservant leur prestige et leur mission d’intérêt général.

 

2. Gouvernance : implication des fondateurs et indépendance

  • Au nom du principe d’indépendance, les fondateurs des FRUP ne peuvent représenter plus d’un tiers du conseil d’administration. Cela ne limite-t-il pas leur implication et leur engagement ?

 

Cette règle est devenue une pierre angulaire des FRUP. L’objectif est de protéger l’intérêt général et de s’assurer que la mission de la fondation ne soit pas dévoyée par les intérêts particuliers des fondateurs ou de leurs successeurs. La doctrine du Conseil d’État énonce « que les finalités de la FRUP ne peuvent pas être détournées au service particulier de tout ou partie de ses membres, notamment les fondateurs, ou d’un tiers, personne morale ou physique sans lien avec l’objet de la fondation ». Cette indépendance est cruciale pour maintenir la crédibilité des FRUP auprès des pouvoirs publics et des donateurs.  

Pour autant, la règle du tiers mérite elle-aussi d’être appliquée avec nuance. D’ailleurs, dans le passé, le Conseil d’État y dérogeait en fonction des risques de dérive réels. Les risques ne sont pas les mêmes si le fondateur est une entreprise, une famille, ou une association reconnue d’utilité publique qui crée une FRUP pour élargir ou diversifier son action. C’était d’ailleurs une proposition du « Rapport pour une philanthropie à la française » des députées Sarah El-Haïry et Naïma Moutchou.

 

  • La limitation de la place des fondateurs ne risque-t-elle pas de les décourager, en particulier ceux qui investissent massivement dans la création d’une FRUP ?

 

C’est un dilemme réel. Les fondateurs, qu’il s’agisse de philanthropes individuels, de familles, d’entreprises ou d’associations souhaitent souvent suivre de près l’impact de leur engagement financier et moral. Leur implication active est souvent motivée par un profond attachement à la cause qu’ils défendent et on peut le comprendre. Lorsqu’on leur impose une limitation stricte de leur rôle dans la gouvernance cela peut être perçu comme un frein à leur engagement. Les fondateurs ont parfois l’impression de perdre le contrôle sur la manière dont leurs fonds sont utilisés ou sur la continuité de leur vision. La pérennité d’une fondation repose sur un équilibre subtil entre l’indépendance institutionnelle, nécessaire pour inspirer confiance et la fidélité aux intentions des fondateurs. Si les fondateurs se sentent exclus, ils peuvent choisir des alternatives plus souples comme les fonds de dotation ou les fondations abritées.

 

  • Existe-t-il des dispositifs pour permettre une implication active des fondateurs tout en respectant le principe d’indépendance ?

 

D’autres mécanismes peuvent être envisagés pour concilier ces deux objectifs. Par exemple :

- Comités stratégiques : Des comités stratégiques ou thématiques peuvent être mis en place, permettant aux fondateurs de contribuer activement sur des sujets spécifiques (priorités de financement, partenariats, orientation des projets) sans avoir un rôle direct dans la gestion courante de la fondation.

- Testaments à visée philanthropique : Les fondateurs peuvent inscrire leurs volontés dans les statuts ou dans un testament, garantissant que leur vision sera respectée après leur disparition.

 

  • Existe-t-il un risque de dérive dans les fondations où les fondateurs jouent un rôle important ?

 

Je ne suis pas sûr que ce soit démontré. Quelle que soit la place des fondateurs, les risques existent toujours. Ils peuvent être limités par des règles claires dans les statuts, règlement intérieur ou chartes pour peu qu’elles soient réellement appliquées. Les garde-fous incluent la diversification des membres du conseil d’administration, la mise en place d’un comité d’audit indépendant, et la nomination de personnalités qualifiées... La transparence financière, est essentielle. Elle se traduit notamment à travers des rapports annuels détaillés, des déclarations d’intérêt pour les administrateurs et membres des comités, le rapport du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées. Il faut également que les contrôles externes (représentants de l’État, commissaires aux comptes, organismes labellisateurs…) jouent pleinement leur rôle.

 

3. Statuts et règlement intérieur : un cadre de plus en plus rigide

  • Les statuts types imposés aux FRUP sont souvent critiqués pour leur rigidité. Quels sont les principaux problèmes que cela pose ?

 

Les statuts types, bien qu’ils aient été conçus pour offrir une certaine homogénéité et faciliter l’approbation administrative, sont devenus un obstacle majeur au développement des FRUP. La pratique actuelle du ministère de l’Intérieur est de les considérer comme quasiment obligatoires parfois sans laisser s’activer les clauses permettant des options diverses. Par exemple, aujourd’hui, il est très difficile d’avoir des administrateurs représentants de l’État, la préférence allant clairement à un commissaire du gouvernement.

De fait, les statuts types imposent un cadre unique, standardisé, qui ne tient pas compte de la diversité des fondations et des réalités qu’elles rencontrent. Par exemple, une petite fondation locale avec une mission précise est soumise aux mêmes exigences qu’une grande fondation internationale employant des centaines de personnes ou une fondation gérant des dizaines d’établissements médico-sociaux.

Ce manque de différenciation freine l’innovation et la personnalisation des projets philanthropiques. De plus, toute modification statutaire, même mineure, nécessite une validation par le ministère de l’Intérieur et le Conseil d’État. Ce processus peut prendre plusieurs mois, voire des années, et devient rapidement décourageant pour les porteurs de projets. Je crois que le Conseil d’État en a pris conscience et que l’administration chemine.

 

  • Pourquoi cette rigidité est-elle maintenue ? Quels sont les arguments avancés pour justifier ce cadre strict ?

 

La justification principale repose sur l’idée de garantir la sécurité juridique et la conformité des FRUP avec les exigences de l’intérêt général. Il y a aussi une croyance dans l’idée que tout doit être écrit dans les statuts ou le règlement intérieur et, que si c’est le cas, tout ira bien ! Malheureusement, de beaux statuts n’empêchent pas de belles dérives ! Une autre raison réside dans l’absence de règles de droit qui s’imposeraient à tous, la loi de 1987 se bornant à donner une définition de la fondation. Par exemple, on ne peut que s’étonner que le rapport sur les conventions réglementées et la publication des comptes au Journal officiel ne soient pas clairement obligatoires pour toutes les FRUP, par la loi et non par les statuts. La nécessaire mise à jour des statuts des FRUP est freinée par la rigidité et la lourdeur de la procédure. Certaines FRUP ont des statuts centenaires mais ne veulent pas les modifier pour ces raisons.

 

Quelles pistes d’améliorations pour lutter contre la tyrannie des normes rigides ?

  • Quels changements pourraient être envisagés pour assouplir ces statuts tout en préservant leur sérieux ?

 

Plusieurs pistes peuvent être explorées pour rendre les statuts des FRUP plus adaptés et moins rigides :

  1. Mettre dans la loi ou un décret les exigences essentielles qui seront connues de tous et s’imposeront à tous quelle que soit l’ancienneté de leurs statuts. Il serait d’autant moins utile de vouloir aligner les statuts de tous les organismes avec des dispositions de droit positif qui sont souvent modifiées. Écrire dans les statuts qu’on appliquera telle ou telle loi ou décret n’apporte rien ou si peu.  
  2. Adopter un modèle de "clausier" : Plutôt que des statuts types, un "clausier" pourrait offrir un ensemble de clauses modulables que les fondations pourraient sélectionner en fonction de leurs besoins. Cela permettrait de personnaliser les statuts tout en respectant un socle commun garantissant la conformité et la transparence. C’est le choix qui a été fait pour les fonds de dotation.
  3. Introduire des approbations simplifiées : Pour les modifications mineures ou purement techniques des statuts, il serait possible d’introduire un processus d’approbation accéléré ou tacite. Cela permettrait aux fondations d’ajuster leurs statuts sans subir des délais excessifs. La mise en place des procédures dématérialisées va dans le bon sens mais si l’approche de fond reste la même, cela ne résoudra rien.
  4. Simplifier les modifications statutaires : Certaines modifications mineures peuvent déjà être approuvées directement par le ministère de l’Intérieur, sans passer par le Conseil d’État. Il faut voir si d’autres pourraient l’être. Le fait que, dorénavant, les changements de siège puissent faire l’objet d’une simple déclaration sans exigence de modification de l’ensemble des statuts, constitue une heureuse simplification.
  5. Segmenter les exigences selon la taille et la mission des fondations : Une fondation locale ou régionale pourrait bénéficier de règles moins contraignantes que celles applicables à une grande organisation opérant à l’international. Cela favoriserait la création de nouvelles FRUP et encouragerait les projets plus modestes.
  6. Instaurer un véritable dialogue entre les pouvoirs publics et les dirigeants : aujourd’hui celui-ci est trop souvent limité à des échanges de notes. La dématérialisation des procédures, aussi heureuse soit-elle, comporte un risque d’appauvrir encore le dialogue si au lieu de discuter avec un fonctionnaire en chair et en os ; on discute avec un « chat ». Par ailleurs, les organismes devraient aussi pouvoir être auditionnés par le Conseil d’État en cas de difficulté.
  7. Réduire les délais de traitement : Introduire des délais contraints pour l’approbation des statuts, avec une validation tacite en cas de silence administratif, serait une avancée majeure. Cette procédure moderne tend à se généraliser dans de nombreux domaines ; elle est déjà en vigueur pour les statuts des fondations d’entreprise ou pour certaines autorisations de tutelle.

 

  • Et qu’en est-il des exigences vis-à-vis des règlements intérieurs, qui sont elles aussi souvent critiquées ?

 

Les règlements intérieurs sont encore plus problématiques surtout si la tentation existe de faire un règlement intérieur type. Un décret récent complété par un arrêté risquent de renforcer la rigidité du système. Cette rigidité empêche les fondations de les adapter à leur taille ou à leurs réalités spécifiques. Par exemple, une petite fondation avec trois salariés est soumise aux mêmes exigences qu’une autre implantée sur tout le territoire via des antennes locales et employant des milliers de salariés. Cela n’a pas de sens.

Le règlement intérieur doit rester un document vivant, pouvant évoluer rapidement en fonction des besoins de la fondation, sans nécessiter des démarches administratives lourdes.

 

  • Y a-t-il des exemples de dérives ou de blocages causés par cette rigidité ?

 

Oui, de nombreux exemples montrent comment cette rigidité peut paralyser une fondation. Modifier les statuts pour ajouter des moyens d’action a pris des mois, ralentissant les projets en cours. Dans d’autres cas, des fondations souhaitant élargir leur mission ou adapter leur organisation interne se sont heurtées à des refus ou des délais interminables qui peuvent avoir de lourdes conséquences. Des spécificités reconnues à plusieurs reprises par le Conseil d’État et le gouvernement sont remises en cause car non conformes aux actuels statuts types.

Par ailleurs si aujourd’hui vous voulez changer certains points des statuts, il faut alors se mettre en conformité avec l’ensemble des statuts types qui évoluent régulièrement. C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’administration est embolisée et pas en mesure de répondre dans des délais raisonnables.

 

Moderniser le dialogue avec la puissance publique pour faire des FRUP un modèle attractif adapté aux besoins de la société

  • Est-il possible de réformer la reconnaissance d’utilité publique ?

 

Oui, et il est urgent de le faire. Plusieurs réformes pourraient rendre le système plus fluide tout en maintenant les garanties nécessaires. Nous en avons évoqué un certain nombre plus haut qui rejoignent les pistes évoquées par les organismes concernés et le Conseil d’État. Pour avancer, il faut se mettre autour d’une table sous les auspices du Conseil d’État et du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) car les ARUP rencontrent les mêmes difficultés. La concertation n’est pas une perte de temps et elle ne saurait se résumer à un échange de notes. Chacun doit entendre les craintes et contraintes de l’autre partie. Lors de la création de l’UNOGEP-France générosités, nous avions obtenu la création d’un groupe de travail avec le Ministère de l’Intérieur qui a permis des allègements importants dans la tutelle sur les libéralités et autres. Ceux-ci ont été bénéfiques aux organismes mais aussi à l’administration qui a pu se débarrasser de procédures sans réelle valeur ajoutée.

Les procédures actuelles relèvent d’un manque de confiance envers les acteurs de la philanthropie de la part de l’État et de l’administration qui pensent que l’application stricte de statuts uniques est une garantie. Je rappelle que depuis plus de 35 ans le secteur s’est engagé dans de vastes travaux pour lui-même mettre en place des procédures de contrôle et de transparence. Il a aussi développé des organisations de contrôle. Ceci montre un fort niveau de responsabilité qui devrait permettre un dialogue ouvert avec les instances administratives.

Pourtant il est frappant de voir qu’au moment où le Conseil d’État réfléchit sur les FRUP un décret et un arrêté ont été publiés tenant fort peu compte des remarques et besoins exprimés conjointement par le Centre Français des fonds et Fondations et de France générosités, pas plus que celles du HCVA. J’aurais pu parler des associations reconnues d’utilités publiques (ARUP) qui sont dans la même situation.

Comme beaucoup de secteurs, nous sommes victimes de la multiplication des normes qui posent des problèmes en termes de coût et d’efficacité. Je pense qu’il faut absolument mettre en place un processus de concertation afin redonner de la liberté et de ne pas faire un système totalement déconnecté de la réalité des acteurs de la philanthropie.

 

Les FRUP doivent évoluer pour répondre aux nouveaux enjeux d’une philanthropie moderne

 

Des statuts modulables avec des modèles de gouvernance diversifiés laissant une place réelle aux fondateurs, une dotation plus flexible, et de nouveaux avantages juridiques pourraient revitaliser ce modèle de la reconnaissance d’utilité publique. Les FRUP pourraient regagner en attractivité et jouer un rôle encore plus central au profit de l’intérêt général.

 

 

Propos recueillis par Francis Charhon

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