[TRIBUNE] Bonne année ! Bonne année ?
Les vœux de début d’année doivent ouvrir sur de l’espérance et susciter de l’enthousiasme. Je vais essayer mais cela n’est pas facile après une année 2004 franchement déprimante. Voyons au moins les grands enjeux.

Fractures sociales, politiques et technologiques : un panorama préoccupant
Il est de plus en plus difficile d’imaginer ce que pourra être l’année 2025 tant la situation économique, sociale et politique est dégradée. Les inégalités continuent à se creuser à un rythme alarmant, plongeant des pans de la société dans une précarité croissante. Le déversement à travers les réseaux sociaux de discours de haine, de rejet de l’autre, d’antisémitisme, de racisme, fracture la société. Les récentes élections ont exacerbé un climat de peur et d’anxiété, poussant de nombreux citoyens à se tourner vers des partis extrêmes, porteurs de réponses simplistes dangereuses. Ce rejet des politiques traditionnelles témoigne d’un profond désenchantement à l’égard d’une classe dirigeante perçue comme déconnectée et incapable de répondre aux défis actuels.
Depuis longtemps nous n’avons pas été dans une situation aussi préoccupante pour la démocratie car les attaques se multiplient, menaçant ses fondements. Les réseaux sociaux, devenus des armes de désinformation massive, jouent un rôle central dans cette dynamique. Des campagnes permanentes sont orchestrées par des forces extérieures. La Russie, manipule les opinions publiques pour semer la division et influencer les résultats électoraux au profit de candidats autoritaires et antidémocratiques. Aux États-Unis, des figures influentes comme Elon Musk soutiennent ouvertement en Europe des mouvements d’extrême droite fascisants, accentuant ainsi les tensions et fragilisant les valeurs démocratiques sur lesquelles repose le projet européen. Ces menaces sont amplifiées par l’essor de l’intelligence artificielle générative, qui facilite la production de contenus manipulatoires à une échelle inédite. Les fake news se propagent rapidement, érodant la confiance des citoyens dans les institutions et renforçant les clivages.
L’Europe, un projet à réinventer
Si rien n’est fait, l’idée même d’un espace européen commun pourrait s’effondrer, laissant chaque pays isolé face à des défis économiques, financiers et politiques qu’il ne pourrait affronter seul. Que ferons-nous face à cela, dans une situation politique nationale compliquée, avec des personnalités politiques de tous bords qui ne paraissent pas avoir l’Europe comme enjeu, mais plus la préoccupation de leur réélection ? L’Europe, malgré ses imperfections, demeure un espace unique où la liberté d’expression, de circulation et de choix est protégée. Elle représente aujourd’hui la bonne échelle pour dialoguer à hauteur plus égale avec les grandes puissances dominatrices que sont la Chine et les États-Unis. Plutôt que de la rejeter, il est crucial de la réinventer ; cela implique de simplifier ses normes (ce que doit aussi faire notre pays), de recentrer ses priorités et de redonner au projet européen une dimension humaine et citoyenne. Protéger l’information, renforcer la résilience démocratique et promouvoir une gouvernance transparente sont autant de leviers pour restaurer de la confiance. L’éducation joue un rôle essentiel dans cette transformation. Sensibiliser les jeunes générations à l’histoire et aux valeurs de l’Europe permettrait de raviver l’attachement à ce projet collectif, fruit d’une longue construction portée par la volonté d’hommes et femmes politiques éclairés.
MObiliser les forces vives
Comment faire face au tsunami antidémocratique qui se profile à l’horizon et en même temps répondre aux défis environnementaux, sociaux, culturels et de la dislocation sociale ?
Les acteurs de la philanthropie sont au milieu de ce maelstrom, en agissant au mieux pour panser les plaies d’une société où il est difficile de vivre pour nombre de citoyens. Leur rôle est important. Certes ils ne sont pas la solution à tout, mais partie de celle-ci. Cette situation doit amener ces acteurs à ouvrir leurs perspectives d’actions sans rester uniquement sur des prés carrés trop étroits, certes utiles, mais qui ne s’intègrent pas dans un tableau global.
L’histoire nous a montré le coût des lâchetés et des démissions, aussi ne baissons pas les bras, tout n’est encore pas perdu. Nous avons vu que des mobilisations collectives porteuses d’enthousiasme étaient possibles. Les Jeux Olympiques, la reconstruction de Notre Dame montrent que des projets collectifs ambitieux donnent un sentiment de fierté, voire d’étonnement, d’avoir réussi. Ces exemples soulignent l’importance de la puissante force qu’est l’engagement d’hommes et de femmes pour un objectif commun. Le secteur porte nombre de projets dans de multiples domaines, il faut les mieux faire connaître car ils ont la capacité de créer de l’enthousiasme, de la fierté, de la cohésion sociale et donnent du sens au vivre-ensemble.
Par ailleurs, pour apporter une note d’espoir, les résultats de la collecte en 2024 ont été bons, ils montrent le bon niveau de confiance des donateurs envers les organisations et leurs actions.
Mes vœux de courage et de réussite s’adressent à tous les acteurs de la philanthropie : associations, fondations, bénévoles, donateurs, pour faire face aux grands défis. C’est certainement une bataille titanesque que de ne pas céder à la tentation du repli. Il est indispensable de mobiliser toutes les forces vives, qu’elles soient politiques, économiques ou citoyennes, de convaincre nos organisations, le monde politique français et européen de se mettre en ordre de bataille. C’est à nos organisations collectives d’ouvrir les chantiers nécessaires pour éviter de se faire balayer par naïveté ou aveuglement. C’est là que les réseaux philanthropiques européens et internationaux mis en place depuis des années peuvent se mobiliser dans un objectif commun ; sauver notre démocratie.
Ce combat sera long et difficile, mais il est essentiel pour garantir un avenir dans lequel chaque citoyen pourra, dans un espace démocratique, vivre en paix, dans la dignité et la liberté. Ayons en ligne de mire l’espoir.
Bonne Année !
Francis Charhon