Aller au contenu principal
Par Eva pour la vie - Publié le 9 février 2023 - 22:05 - Mise à jour le 13 février 2023 - 10:39
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Cancers de l'enfant : interview du Dr Fabienne Meggetto

Le Dr Fabienne Meggetto est directrice de recherche à l’INSERM de Toulouse, au sein d'une équipe dont les travaux de recherche portent sur les lymphomes chez l’enfant. Elle est soutenue par l'association Eva pour la vie, qui a favorisé l'émergence d'un projet ambitieux qui pourrait permettre de trouver de nouvelles voies thérapeutiques pour les lymphomes de mauvais pronostic et d'autres tumeurs solides. Cette chercheuse déterminée évoque ses travaux, ses avancées tout en déplorant la faible implication des grands industriels du médicament pour les enfants atteints de cancers ...

Fabienne Meggetto cancers de l'enfant Eva pour la vie
Fabienne Meggetto cancers de l'enfant Eva pour la vie

 

  • Dr Fabienne Meggetto, les travaux de recherche de votre équipe portent depuis plusieurs années sur les lymphomes chez l’enfant. Pourquoi avoir choisi une telle voie de recherche ?

Les recherches sur les cancers de l’enfant et l’adolescent sont indispensables pour mieux les soigner, en parallèle des adultes, car la biologie est très différente. Ce sont les circonstances de la vie qui m’ont amené vers la recherche en oncologie pédiatrique. En effet, mon laboratoire a participé à la caractérisation morphologique et phénotypique du lymphome T anaplasique à grandes cellules touchant essentiellement les enfants et les jeunes adultes. Au niveau moléculaire, il a identifié de nouvelles translocations chromosomiques associées à ce lymphome. Rapidement, nous devions analyser nos résultats au regard des connaissances sur les cancers de l’adulte. Devant cette incohérence, j’ai décidé d'orienter mes travaux de recherches sur la résistance thérapeutique des formes pédiatriques du lymphome T anaplasique à grandes cellules.

 

  • Pouvez-vous nous en dire plus sur vos travaux et sur les avancées majeures obtenues à ce jour ?

Grâce à un premier soutien de Eva pour la vie, nous avons réalisé le premier séquençage profond des ARN codants ou non codants pour des protéines de biopsies de patients et de lymphocytes T normaux transformés en laboratoire en cellules cancéreuses. Mon groupe de recherche a participé à la caractérisation les mécanismes moléculaires à l’origine du lymphome T anaplasique à grandes cellules. Nous avons évidence que le processus de transformation tumorale fait intervenir des évènements épigénétiques de type méthylation de l’ADN, c’est-à-dire sans mutation de l’ADN. Parallèlement, nous avons démontré que les microARN sont des acteurs clés de la résistance à la chimiothérapie et à la thérapie ciblée utilisées pour traiter les lymphomes T anaplasiques à grandes cellules. Actuellement, l’équipe explore une autre voie de régulation des microARN impliquant les ARN circulaires, une autre classe d’ARN non codant. Ainsi, grâce à un financement obtenu en 2021 auprès de l'association Eva pour la vie et de Grandir sans cancer, nous avons fait l’acquisition d’un mini-séquenceur permettant la détection des ARN circulaires. Les objectifs de recherche du groupe sont maintenant de décortiquer le rôle de ces ARN circulaires dans l’oncogenèse et la résistance thérapeutique du lymphome T anaplasique à grandes cellules. Les ARN circulaires étant des molécules très robustes, nous allons les explorer notamment au niveau du sérum dans le but d’identifier des biomarqueurs prédictifs de la réponse aux traitements du lymphome T anaplasique à grandes cellules, et ce, par le biais d’une méthode non invasive, une prise de sang.

 

  • Rencontrez-vous des difficultés financières ou administratives pour mener à bien vos travaux de recherche ? Quelle est l’importance de l’aide apportée par Eva pour la vie et la fédération Grandir Sans Cancer ?

Les financements nationaux et internationaux sont généralement inadaptés aux projets visant à apporter une preuve de concept. De plus, peu d'entre eux sont dédiés aux cancers pédiatriques. Le soutien apporté par les associations est donc indispensable pour amorcer de nouveaux projets innovants. Ce soutien permet de démarrer rapidement nos recherches pour obtenir des premiers résultats indispensables au développement de futures avancées.

 

  • Sous l’impulsion d’Eva pour la vie et de la fédération Grandir Sans Cancer, le Gouvernement a débloqué un fond annuel de 5 millions d’euros en faveur de la recherche sur les cancers de l’enfant.  De plus, fin 2021, un amendement porté par la députée du Nord Béatrice Descamps a permis de débloquer 20 millions d’euros complémentaires, notamment pour la structuration. Que pensez-vous de cet engagement de l’État en faveur de la lutte contre les cancers pédiatriques ?

Les cancers de l’enfant sont des maladies rares qui n’intéressent donc pas les industriels du médicament, qui considèrent qu'il s'agit d'un marché économique « faible » par rapport aux cancers de l’adulte. Le lymphome T anaplasique à grandes cellules à ce titre est un bon exemple. En 1994, il a été découvert que dans plus de 80 % des cas, ce cancer pédiatrique est associé à une translocation chromosomique impliquant le gène ALK. Il faudra attendre 2007 et la découverte dans le cancer du poumon d’une autre translocation impliquant ALK pour que les industriels s’y intéressent comme cible thérapeutique. L’État ne peut cautionner cette situation. Il doit financer la recherche sans retombées financières rapides. L’État doit participer aux avancées scientifiques permettant l’amélioration constante de la prise en charge des jeunes patients, du diagnostic, de l’arsenal thérapeutique appropriés aux enfants, sans oublier la prise en charges des aidants et des familles.

 

  • Avez-vous des suggestions qui permettraient d’accélérer la recherche, mais aussi son transfert des découvertes des chercheurs au chevet des petits patients ?

La recherche a besoin de fonds, mais aussi de chercheurs. Si l’État commence à débloquer quelques financements dédiés aux cancers pédiatriques, il doit aussi soutenir les jeunes chercheurs formés dans les laboratoires français. Les financements pour le salaire et l’ouverture de postes pour les jeunes chercheurs sont de plus en plus difficiles à obtenir. Au-delà de 6 ans, l’État ne nous autorise pas à maintenir l’emploi des jeunes chercheurs dans nos laboratoires, même si nous disposons de fonds pour leur salaire. Comment se projeter vers un transfert des découvertes lorsque le savoir n’est plus transmis ni pérennisé ?

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer