Prise en charge du crédit immobilier des familles d’enfants atteints de cancers et de maladies graves : témoignage de Wilfried Briand, acteur clé de cette avancée unique en Europe
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) vient d’adopter à l’unanimité un Avis dans lequel l’ensemble des assureurs s’engagent à prévoir une garantie « Aide à la famille » dans au moins un de leurs contrats d’assurance emprunteur. Concrètement, celle-ci permettra une prise en charge temporaire de tout ou partie des échéances des crédits immobiliers pour financer l’achat de la résidence principale d’un assuré contraint de cesser partiellement ou totalement son activité professionnelle pour accompagner son enfant mineur atteint d’une maladie grave, telle qu’un cancer, ou victime d’un accident grave de la vie. Cette avancée intervient un an après la décision innovante de CNP Assurances et de la Banque Postale de mettre en place une telle prise en charge, à hauteur de 50 % du montant, jusqu’à 4 000€ par mois et pendant 28 mois. Cette dernière était directement issue des travaux menés sous l’impulsion de Wilfried Briand, directeur de souscription chez CNP, avec l’association Eva pour la vie qui l’a sensibilisé à cette problématique auparavant méconnue. Témoignage…
- Pourquoi avoir décidé de mobiliser CNP Assurances autour de la question des familles d’enfants gravement malades ?
Il y a cinq ans, une amie, Vanessa DIDRICHE, qui travaille également dans cette compagnie m’a parlé du cancer pédiatrique et de l’association Eva pour la Vie. En discutant avec ses fondateurs, Stéphane et Corinne VEDRENNE les parents d’Eva décédée à la suite d’un cancer du tronc cérébral, j’ai découvert l’enfer que vivent ces familles ayant un enfant malade. J’ai la chance d’être papa de trois enfants en bonne santé. Lorsque vous échangez avec ces familles, vous êtes vite rappelé par les choses essentielles de la vie. Il faut comprendre que lorsqu’un enfant est touché, le foyer subit un tsunami humain et financier. Une grande partie de ces familles, quelle que soit leur statut social au départ, subissent une très forte baisse de leurs revenus. Arrêt de travail d’au moins un des parents avec les charges qui augmentent. Car contrairement à ce que l’on croit, les familles doivent gérer des frais supplémentaires pour permettre le traitement de l’enfant. Et dans certains cas, il faut faire un choix entre soigner l’enfant et nourrir la famille. Dans le budget d’une famille, en moyenne 30% sont destinés à financer le logement (loyer, crédit). Travaillant dans l’assurance, j’ai cherché un moyen de compenser la perte du revenu sur cette charge. Avec Stéphane VEDRENNE nous avons construit la garantie aide à la famille à partir des situations réelles des familles.
- Que couvre cette garantie ?
Le principe est la prise en charge de tout ou partie des mensualités du crédit immobilier de parents dont l’enfant est atteint d’une maladie grave. Cela permet de ne plus avoir à payer le crédit sur une durée donnée. Dans le cas du contrat de la Banque Postale, il n’y a évidemment pas de franchise même si elle est adossée à la garantie Incapacité Temporaire Totale. La prise en charge se fait dès que le parent va bénéficier d’une aide sociale, l’Allocation Journalière de Présence Parentale. Cette allocation est versée sous condition de devoir réduire ou cesser son activité professionnelle pour s'occuper de son enfant gravement malade.
- Quelles ont été les principales étapes pour convaincre CNP puis, la Banque Postale ? Avez-vous rencontré des difficultés ? Comment les équipes de salariés ont-elles accueilli cette initiative ?
Avec le soutien de Thomas CHARDONNEL, le directeur de la BU France, j’ai eu un GO immédiat du Comité Exécutif de CNP Assurances pour structurer cette garantie au sein de l’entreprise. Il y a eu naturellement des difficultés et des freins lors de la définition de la garantie puis de sa commercialisation. Il faut avoir la foi et je peux vous dire que lorsque vous voyez la situation de ces enfants et de leur famille, la foi vous l’avez. Les appuis du Directeur Général de CNP Assurances, Stéphane DEDEYAN et de la Directrice de la communication et du mécénat, Agathe SANSON, ont été clés. La Banque Postale, banque citoyenne, a été la première à valider l’inclusion de la garantie dans le contrat. L’accueil du réseau de conseillers bancaires de LBP a été formidable. Ils ont compris l’enjeu et y ont adhéré.
- Après la mise en place de cette garantie, quel était votre principal objectif ?
Notre ambition est la généralisation rapide de l’inclusion de cette garantie à l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur. La commercialisation de la garantie dans le contrat La Banque Postale date du 7 décembre 2022. En tant que membres de l’association Eva pour la Vie et de la Fédération Grandir Sans Cancer (qui réunit une centaine d’associations aidant les familles d’enfants malades), nous avons voulu sensibiliser la profession sur le sujet. Il s’agissait de trouver un moyen de généraliser la garantie dans la profession. Stéphane VEDRENNE a alors eu l’idée de réaliser une tribune dans le journal le Monde. Cosignée par les associations et par un grand nombre de parlementaires, nous avons interpellé la profession en mettant en avant l’expérience de CNP Assurances / La Banque Postale. Notre appel a fonctionné puisque le CCSF à travers l’action menée par Corinne DROMER, sa présidente, a émis cet avis.
- Le député Paul Christophe, à l’origine de plusieurs propositions de loi en faveur des familles d’enfants malades, a d’abord soutenu la démarche dans son rapport remis en 2022 au 1ᵉʳ ministre, Jean CASTEX, puis invité la directrice du CCSF à l’Assemblée Nationale en vue d’une généralisation de cette bonne pratique à l’ensemble des assureurs. Quel œil portez-vous sur l’action politique en la matière ?
La loi est un acte fort. Le député Paul CHRISTOPHE a ainsi porté la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité. Cette loi a conduit au renforcement de la protection des familles concernées. Je pense également au projet de loi que porte Charlotte GOETSCHY BOLOGNESE qui porte également de réelles avancées pour réduire la fragilité économique des familles. L’action du Député Paul CHRISTOPHE vis-à-vis de la profession a conduit le privé à s’emparer d’un sujet de société et contribuer à l’action collective. La collaboration des différents acteurs de la Société conduit à de beaux résultats. L’avis du CCSF le démontre et personnellement je salue l’action engagée par ses responsables.
- L’association Eva pour la vie et la fédération Grandir Sans Cancer, tout comme les familles concernées, saluent cette avancée tout en souhaitant qu’elle soit appliquée rapidement – sans attendre juillet 2025 – d’une façon la plus égalitaire possible, en étant étendue à l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur. Que pensez-vous de leurs attentes ?
En tant que membre de Grandir Sans Cancer, je ne peux que souscrire à ces demandes bien légitimes. 2025 est lointain. Surtout quand votre enfant de 5 ans est malade et que vous vous demandez comment vous allez vous en sortir à la fin du mois. Les associations interviennent pour aider financièrement ces familles ce qui n’est pas leur rôle. La garantie en tant que telle ne devrait pas être facteur de majoration des tarifs. La mécanique de l’assurance est, au départ, portée par la mutualisation du risque. La généralisation à tous les contrats viendra sans doute aussi de la capacité des comparateurs d’assurance à mettre en avant l’atout de cette garantie dans un contrat et à le privilégier par rapport à un autre. Et bien sûr, la sensibilisation du consommateur sera importante. Les associations s’y emploieront et je suis convaincu que les conseillers aussi !
- L’association « Eva pour la vie » indiquait récemment que « les petits » (les familles d’enfants malades et les associations) et les « géants » (les assureurs et les banques) s’étaient réunies autour des enfants malades. Espérez-vous le même type d’avancées dans d’autres domaines pour eux ?
Il faut soigner les enfants. L’industrie du médicament a le devoir de s’emparer du sujet. Savez-vous que 500 enfants décèdent tous les ans d’un cancer faute de traitement ? Savez-vous que les chances de survie d’un enfant atteint d’un cancer du tronc cérébral est la même qu’il y a 60 ans à savoir qu’il est condamné ? Et je ne parle pas des traitements d’adultes inadaptés aux enfants pour les soigner. C’est un enjeu sociétal dont ces industries doivent s’emparer avec l’aide des pouvoirs publics. La santé des enfants en dépend.