#jesuislà – « Le civisme doit aussi s’appliquer dans le cyberespace »
Le monde digital est un espace public comme les autres, où les règles de civisme doivent être respectées. À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le harcèlement, l’association #jesuislà, lauréate d’Incub’Asso, l’incubateur créé par la Fondation Bouygues Telecom, co-organise ce 10 novembre un événement international pour faire bouger les lignes. Les explications de Shani Benoualid, co-fondatrice de l’association et conseillère à la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH).
- Pouvez-vous nous présenter l’événement « Online Peace and Safety » que vous co-organisez ?
L’événement a lieu à Sciences Po Paris et s’inscrit dans notre partenariat d’un an avec Project Liberty et le Paris Peace Forum. D’envergure internationale, il réunit des experts du monde entier, sociologues, psychologues, chercheurs, décisionnaires, associations, autour d’une volonté : construire une vision démocratique commune de la liberté d’expression dans le cyberespace. C’est un événement qui regroupe de nombreux partenaires comme Wikimedia Foundation, AJC Europe, Alliance4Europe, Stanford Content Policy & Society Lab ou encore la Fondation Alfred Landecker.
Tout comme notre mouvement #jesuislà. Créé en 2019, notre collectif de 6 150 membres lutte sur Facebook, et bientôt Instagram, contre la haine, la désinformation et le harcèlement en ligne en répondant et redirigeant les conversations vers plus de civisme.
En collaboration avec Bright Mirror, l’événement « Online Peace and Safety » est organisé en deux temps : le matin, une réflexion sur le modèle de société en ligne idéal, suivie l’après-midi de sessions de travail où l’on aborde des thèmes essentiels – qui décide des règles ? Comment instaurer la confiance dans le monde digital ? Quel business model ? Quelle modération ?
- Quelle est l’ambition de cet événement ?
Nous souhaitons qu’une discussion internationale soit menée sur la question du civisme en ligne dans la foulée du Digital Services Act, une réglementation européenne votée en juillet 2022 et à laquelle #jesuislà a beaucoup contribué. D’autres événements seront organisés par la suite, toujours dans le cadre de notre partenariat avec Project Liberty et le Paris Peace Forum. Il faut élargir la conversation au-delà des lois. Nous-mêmes appartenons au réseau #IAmHere, cela fait donc partie de notre ADN de porter ce plaidoyer à l’échelle internationale.
- En quoi consiste le civisme en ligne ?
Le civisme en ligne n’est rien d’autre qu’une déclinaison du civisme, qui doit être respecté partout. Le civisme en vigueur dans l’espace public doit aussi s’appliquer dans le cyberespace. Concrètement, la démarche de #jesuislà est très proactive. Pour nos bénévoles, cela consiste à réagir de façon coordonnée à la haine et la désinformation en ligne, soit en postant un message, soit en likant les commentaires et les contenus respectueux et factuels. Les études montrent que les plus visibles aujourd’hui sont ceux qui diffusent la haine. Nous organisons donc, à raison de deux à trois actions par jour, une réponse citoyenne sur Facebook, et d’ici la fin de l’année sur Instagram. Après concertation, nos membres vont là où il y a le plus de haine pour répondre. L’objectif est d’apaiser les discussions en ligne. Tout le monde a cette capacité et ce pouvoir. Cela relève aujourd’hui d’une forme de courage mais nous espérons qu’à l’avenir le civisme en ligne deviendra la norme.
- L’association est lauréate d’Incub’Asso créé par la Fondation Bouygues Telecom, qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Nous avons eu la chance de bénéficier du mentorat de Juliette, juriste chez Bouygues Telecom. Elle nous a permis de répondre aux questions juridiques de notre association mais surtout de développer un pôle juridique, pour penser de nouvelles formes d’action. Par exemple : aller vers des algorithmes plus sains et sécurisés puis porter notre réflexion auprès des décideurs, des régulateurs et des plateformes.
Au-delà du mentorat et de cet important travail juridique, Incub’Asso nous a vraiment aidés à nous professionnaliser. C’est allé au-delà de nos espérances. Je suis impliquée à la fois au niveau gouvernemental et au niveau associatif et j’ai rarement vu ce niveau d’aide aux associations. Nous avons formalisé clairement nos objectifs sur le court et le long terme. Les sessions avec Pro Bono Lab et Citizing nous ont donné des contenus très concrets et pertinents. Nous avons dorénavant établi nos objectifs pour les cinq ans à venir. C’est très rassurant !
