[ENTRETIEN] Anne-Cécile Mailfert : “La cause des femmes s’est imposée à moi”
Engagée pour la défense des droits des femmes depuis son adolescence, Anne-Cécile Mailfert mêle un parcours professionnel dans l'entrepreneuriat social et un engagement féministe très fort. En 2016, après avoir fait ses armes dans plusieurs organisations, elle décide de joindre ses compétences professionnelle et son engagement de cœur pour créer la Fondation des Femmes.
Pouvez-vous nous raconter le parcours professionnel et personnel qui vous a amené à créer la Fondation des Femmes ?
La cause des femmes s’est en quelque sorte imposée à moi. Pas la peine d’aller chercher une cause à l’autre bout du monde quand on veut donner un sens à sa vie : en tant que femme, ça commence par se saisir soi-même des combats de toutes les femmes. J’ai toujours été active sur ces sujets. Parallèlement, j’ai orienté ma carrière professionnelle vers le management des innovations sociales, la RSE ou l’entrepreneuriat social. Cela m’a permis de développer des compétences de gestion de projets, de fundraising et de management.
En 2015, j’étais à la fois directrice du développement du Mouves et présidente et porte-parole d’Osez le féminisme. C’était une période intense, avec une pression conséquente qui m’a fait ressentir à ce moment-là un vrai épuisement militant. Même si la cause qui me faisait me lever tôt le matin et coucher tard le soir, c’était toujours le féminisme.
Par mes fonctions, je côtoyais de nombreuses associations qui œuvrent pour les droits des femmes et qui faisaient des miracles avec trois fois rien. J’ai réalisé qu’elles n’étaient pas soutenues. Il fallait donc une fondation pour les aider à développer leurs projets ! J’ai arrêté les « y’a qu’à, faut qu’on », et j’ai lancé en mars 2016 la Fondation des Femmes.
Aujourd’hui, la structure compte, en plus des bénévoles présents depuis le début, cinq salariés, et nous avons reversé presque 1 million d’euros à des associations. Grâce à la fondation, près de 15 000 femmes ont bénéficié de programmes de reconstruction et d’accompagnement. Nous avons aussi pu soutenir les standards téléphoniques de certaines structures, débordés depuis les mouvements « me too » et « balance ton porc ».
Qui soutient la Fondation des femmes ?
Nous bénéficions de beaucoup de pro bono [mécénat de compétences, NDLR], notamment celui de l’agence de communication TBWA Corporate qui nous accompagne depuis le début. Nous recevons aussi des dons d'entreprises comme la MGEN ou le groupe UP… Le reste, ce sont des dons de particuliers : ce sont les femmes qui donnent le plus, mais les hommes font de plus gros dons, et la tranche d’âge se situe majoritairement entre 30 et 45 ans.
Quels sont vos projets pour 2019 ?
Nous sommes en train de monter un programme contre le cyber-harcèlement pour soutenir les associations présentes sur les réseaux sociaux, les aider à répondre plus efficacement aux victimes, mais aussi pour mieux informer les internautes sur les manières de se protéger et de réagir. L’espace numérique est aussi un espace de violence !
Nous travaillons également à la création de lieux de visibilité des femmes, des droits des femmes et du féminisme. Nous sommes actuellement en lien avec la mairie de Paris pour la création d’une Cité de l’égalité et des droits des femmes, dont on espère qu’elle verra le jour en 2019. Parallèlement, nous souhaitons augmenter le nombre de lieux d’accueil et d’accompagnement des femmes dans des territoires où règne une grande précarité.
Quel regard portez-vous sur l’économie sociale et solidaire ?
Le collectif FemmESS avait montré que l’économie sociale et solidaire était un secteur très féminisé, mais pas à tous les niveaux de hiérarchie. Même dans l’économie sociale et solidaire, l’accès à des postes à responsabilité demeure difficile pour les femmes, et elle gagnerait à progresser. Finalement, l’ESS a les mêmes travers que les secteurs classiques, ce qu’on pourrait lui reprocher plus fortement, puisqu’elle est censée, justement, être sociale et solidaire. Dans les coopératives et mutuelles, qui sont sur des processus électoraux, il faudrait une vigilance particulière quant au respect de la parité.
À titre personnel, la Fondation des femmes a été soutenue dès ses débuts par des structures de l’ESS, coopératives, mutuelles, fondations… Ce sont des partenaires qui ont l’engagement dans leur ADN. Des interlocuteurs qui ont des convictions, et qui ne font pas seulement ça pour des questions d’image.