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Par Carenews PRO - Publié le 25 juin 2019 - 07:43 - Mise à jour le 22 octobre 2019 - 10:16
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[ON Y ÉTAIT] Data et philanthropie : quel avenir numérique pour le secteur ?

Jeudi 23 mai dernier, nous étions au Forum Annuel de l’European Foundation Center à Paris, édition qui portait haut les valeurs françaises sous la bannière « Liberté, égalité, Philanthropie… ». L’occasion pour les 800 participants représentant les fondations de toute l’Europe de découvrir les spécificités et les engagements philanthropiques français avec la Fondation de France, la Fondation La France s’engage, Schneider Electric et Accenture. En fin de journée, une thématique centrale pour le secteur du mécénat était brillamment débattue. Compte rendu et perspectives de cette fin d’après-midi autour des « Data et de la Philanthropie », dont la problématique centrale était : « Comment la philanthropie peut-elle avoir un impact systémique, plutôt qu'occasionnel, grâce à la data ? »

[ON Y ÉTAIT] Data et philanthropie : quel avenir numérique pour le secteur ?
[ON Y ÉTAIT] Data et philanthropie : quel avenir numérique pour le secteur ?

Les différents usages des datas dans la philanthropie 

 

Stefaan Verhulst, le co-fondateur et directeur recherche et développement de GovLab, a introduit le débat avec une taxonomie très précise, éclairant la façon dont la collecte et l’analyse de données peuvent permettre de développer la philanthropie. 

 

1. Les datas en tant qu’atout pour la philanthropie : les datas peuvent devenir un outil utile à l’amélioration continue de la philanthropie, ce qui permettra de mieux analyser les besoins, et d'adapter les réponses et les solutions, ainsi que d’améliorer l’évaluation de l’impact. Wenabi, première plateforme permettant de simplifier l’engagement sociétal des entreprises, de mobiliser leurs collaborateurs et de mesurer efficacement l’impact des actions solidaires réalisées, illustre bien cela. Cette plateforme propose également de mesurer et d'évaluer l’impact des entreprises, notamment grâce à un outil de reporting intégré, afin de suivre l’ensemble des actions réalisées et d’en mesurer l’impact auprès des collaborateurs et des associations bénéficiaires.

 

2. Les datas en tant que boussole du financement : elles permettent de mieux orienter les fonds. Par exemple, la philanthropie peut investir dans la transition numérique du secteur non-lucratif (data ventures). À condition bien sûr de s’équiper d’outils qui permettent de faciliter la gestion des projets entrants, leur analyse et leur sélection. L’outil Optimy (Belgique) a permis de transformer le lourd processus des appels à projets de fondation, qui a ainsi gagné en transparence et en en efficacité. Mais le partage de données entre fondations, à condition de respecter le RGPD, pourrait permettre d’aller plus loin. 

De plus, le numérique peut mener une action prospective, à l’image des chatbots conseillers en philanthropie, comme c’est le cas pour l'association 30 Millions d'Amis, qui propose un chatbot apportant des conseils aux propriétaires d'animaux de companie en période estivale, afin de limiter le risque d’abandon. Un autre exemple est celui d’Alexa, l’enceinte d’Amazon, qui, pour le Red Nose Day américain, incitait à donner, ce qui constitue une réelle nouveauté.

 

3. Les datas en tant qu'outil de plaidoyer et d'activisme : l’analyse de données globales et partagées peut également permettre de développer des argumentaires et de conduire des mouvements collectifs. Les grandes plateformes de pétition en ligne comme Change.org ou Avaaz ont lancé le mouvement, mais les médias commencent également à associer le storytelling aux “call to actions”, à l’instar de Konbini et de sa dernière collaboration avec France inter autour de la journée “Le plastique non merci”. Selon Stefaan Verhulst, beaucoup de fondations investissent dans cette transition, et de plus en plus utilisent les datas afin d’orienter leur stratégie. 

 

4. Les datas en tant que vision politique : la philanthropie est appelée à jouer un rôle grandissant dans le développement des politiques publiques concernant les datas. C’est notamment le cas de Bayes Impact qui milite aujourd’hui pour la mise en place d’un Service Public Citoyen. Cette initiative a permis la mise en place d’une collaboration public/privé en ce qui concerne la mise à disposition des datas qui sont utiles aux projets d’innovation sociale des citoyens qui le souhaitent.

 

Un appel à la création de nouvelles formes institutionnelles

 

Lucy Bernholz de Digital Civil Society Lab n’a pas manqué de pointer les dangers de l’usage des données sur les quatre champs évoqués. Il est nécessaire de se demander qui gouverne ces données et comment. L'une des solutions évoquées pour faire face à ces dangers passe par la création de nouvelles formes institutionnelles qui soient externes aux entreprises mais aussi aux gouvernements. "La philanthropie doit investir et créer ces institutions, sinon elles seront inventées sans nous", a prévenu Lucy Bernholz.

 

Rhodri Davies, Head of Policy et Program Director du think tank britannique Giving Thought, prévoit que l’impact de la technologie sur la collecte de fonds sera global, et changera le “où”, le “comment” mais aussi le “ce que” nous donnons. Il souligne notamment une désintermédiation des acteurs historiques, et une évolution vers la “plateformisation”, à savoir la place grandissante des plateformes telles que Facebook ou Instagram dans ce domaine.

 

Richard Benjamins, Chief Data Officer de Telefonica, a apporté un point de vue extérieur au secteur. Selon lui, "pour avoir un impact réel sur nos sociétés grâce aux datas, nous avons besoin de modèles commerciaux durables. La philanthropie ne suffit pas." Il est donc nécessaire de se questionner sur les bases mêmes de l’exploitation des datas. La philanthropie ne pourra pas, à elle seule, résoudre un problème structurel, mais doit jouer un rôle d’amorçage pour l’innovation sociale, de capital risqueur avec des outils de suivi pour passer à l’échelle.

 

L’importance de la sensibilisation et de l’éducation à ces enjeux

 

Anne Bouverot, fondatrice de la Fondation Abeona (sous égide de la Fondation de France) et titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle, a insisté sur l’importance de la sensibilisation des individus aux besoins du secteur non-lucratif. Elle y voit là un rôle nouveau pour les fondations. La clé du développement réside dans la collaboration multi-acteurs. « Si vous voulez vraiment faire évoluer les choses, vous avez besoin de toucher un nombre considérable de personnes. […] Il sera difficile pour une entreprise de le faire à grande échelle sans que cela soit perçu comme un intérêt personnel. » 

 

Mais comment accélérer ce mouvement ? L'une des idées développées est de mettre à disposition les talents des entreprises et des étudiants en probono pour les entreprises. Le rôle de l’éducation dans ce processus a aussi été mis en lumière par Anne Bouverot : « Nous devons nous assurer de toucher les personnes qui deviendront les futurs ingénieurs et codeurs de données. »

 

De nouveaux outils collaboratifs de gestion de la philanthropie en entreprise comme la Plateforme de l'Engagement Solidaire de microDon, Wenabi ou encore MyCrowdcompany proposent des dispositifs plateformisés d’engagement au sein des entreprises, qui permettent de mieux piloter les efforts des entreprises. Il s’agit d’une solution innovante pour fédérer tous les dispositifs de dons monétaires et de temps, un seul emplacement pour comprendre l’offre solidaire proposée par l’entreprise et son sens. Cet outil simple et attractif permet de rendre la philanthropie beaucoup plus accessible en entreprise, grâce aux datas.

 

L’activisme et la proposition de modèles alternatifs seront également fondamentaux pour inclure véritablement la société civile dans ce domaine. Pour Lucy Bernholz, le secteur non-lucratif et la philanthropie doivent se dresser comme des remparts protégeant le bien commun, et devenir des interlocuteurs incontournables. 

 

Une question de responsabilité

 

Pour relever les grands défis contemporains, il est nécessaire de réinventer les modèles actuels, a expliqué Lucy Bernholz. Elle a notamment suggéré que la prochaine étape soit l’établissement d’un programme de politique numérique. « Le Parlement britannique, les représentants américains et les grandes entreprises doivent s'engager à partager leurs données, c’est une partie de leur responsabilité. » Les démocraties sont en péril si on n'apprend pas à collaborer et à croiser les visions des différents acteurs. La réflexion autour de nouvelles modalités de collaboration avec la société civile, qui soient plus centrées sur l'utilisateur, est donc nécessaire. Un véritable enjeu de démocratisation et d’accessibilité de la data se révèle. 

 

Pour Alberto Alemanno, fondateur et directeur de The Good Lobby, la mise en place de cadres juridiques est essentielle. Il a expliqué : « Pour déverrouiller définitivement les datas détenues par le secteur privé, il faut que les secteurs privé et public se comprennent, harmonisent leurs attentes et que les avantages respectifs soient compris et accessibles à tous. C'est une responsabilité partagée [...] d'en faire profiter le plus grand nombre et non une minorité. »

 

C’est l’un des objectifs de la SDG philanthropy platform, un modèle collaboratif inter-fondations qui propose un partage de données sur les efforts philanthropiques et une data visualisation reliée aux Objectifs de développement durable de l’ONU et à ses 169 “cibles”, mis en place en 2015 après une grande concertation multiacteurs pour orienter collectivement les efforts vers les urgences sociale et climatiques.

 

Malgré les nombreux défis et obstacles qui se profilent, la séance s'est terminée sur une note d'espoir. Les intervenants ont mis en évidence un sens de la responsabilité croissant à l'égard des données et de leur utilisation : « De plus en plus, nous demandons quel est l'impact, indépendamment des algorithmes. Il y a tout un mouvement pour être responsable », a déclaré Richard Benjamin. « Il y a maintenant des leaders dans ce mouvement. »

 

Aux fondations européennes de s‘emparer des super pouvoirs de la tech pour construire un modèle vertueux d’intelligence collective autour du Big Data et de l’intelligence artificielle afin de renforcer l’impact et la croissance de la philanthropie du vieux continent.

 

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