Biarritz : le premier G7 « éco-responsable » ?
Du 24 au 26 août 2019, la France a pris la présidence du G7 à Biarritz. Les dirigeants de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni se sont réunis avec un objectif : la lutte contre les inégalités. Et ce dans un "souci de gestion éco-responsable », pour les organisateurs. Des engagements respectés ? Pas selon de nombreuses associations.
Une organisation verte
La présidence française a tenu à placer le G7 de Biarritz dans une logique de développement durable afin d’en faire le « premier sommet G7 éco-responsable ». Le programme de neutralité carbone a été piloté par La Poste, qui en assure également le financement. Le groupe public va en effet compenser la totalité des émissions carbones du sommet avec un projet de reforestation sur 50 hectares de la vallée d’Hergaraï. Également à l’organisation, Suez a garanti une gestion des déchets exemplaire, et Engie a fourni une énergie verte grâce à des champs et panneaux solaires, ou encore des groupes électrogènes fonctionnant à l’huile de colza. La France s’est également engagée dans un projet international de reforestation au Mali, en partenariat avec l’ONG Geres. Edenred a de son côté précisé avoir été choisi comme mécène du sommet en fournissant une carte restaurant à environ 2000 journalistes couvrant l’événement - la fourniture des repas a par ailleurs été confiée aux commerces de bouche.
Le tout visait également à contenir le coût du G7, annoncé comme "très largement inférieur aux chiffres qu'on a pu connaître pour les sommets précédents, que ce soit au Canada ou en Italie" par la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Bilan annoncé de l’addition : 36,4 millions d'euros, et une certification ISO 20121. Pour de véritables avancées écologiques et sociales ?
Emmanuel Macron alerte sur l’urgence écologique
Vendredi 23 août, les organisateurs du « Pavillon Ocean », un pré-sommet pour la protection de l’océan, ont présenté “l’Ocean Call”, une déclaration officielle cosignée par une cinquantaine d’ONG et de personnalités publiques. Intégrant des mesures concrètes en faveur de la protection des océans, le plaidoyer environnemental a été transmis aux délégations du G7.
En amont du sommet, Emmanuel Macron a précisément délivré une allocution alertant sur l’urgence de « répondre à l'appel de l'océan et de la forêt qui brûle ”. Une heure et demie de discussion a été consacrée à l’urgence climatique lors de la dernière journée du G7. Ses dirigeants ont décidé d'attribuer une aide de 20 millions d'euros pour lutter contre les incendies en Amazonie. Un volet d’aide à moyen terme destiné à la reforestation sera également présenté à l’assemblée générale de l’ONU fin septembre. Ce dernier nécessitera toutefois l’accord du Brésil pour travailler en lien avec les ONG et les populations locales, Brésil qui a largement montré ses réticences à accepter l’aide attribuée par le G7.
La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont par ailleurs annoncé le doublement de leur contribution au Fonds vert pour le climat, mécanisme de l’ONU permettant de faire financer par des pays développés des programmes pour combattre les effets des changements climatiques dans les pays en développement. Ce sont donc 5 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) qui seront mobilisés, comptabilise Libération.
Tous les pays membres présents à Biarritz, y compris les non-membres du sommet (l’Afrique du Sud, le Rwanda, l’Inde…), ont en outre signé la charte biodiversité bâtie à la suite du rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques). « Un engagement historique et très important », a salué Emmanuel Macron. Enfin, une « coalition d’acteurs » (comprenant l’Inde) s’est engagée dans l’objectif de neutralité carbone d’ici 2015.
Dans le même temps, 30 entreprises de mode ont présenté leur “Fashion pact”. Les objectifs principaux : atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050, et passer à 100 % d’énergies renouvelables sur la chaîne d’approvisionnement d’ici 2030. Une coalition “historique” d’acteurs privés du secteur de l’habillement en faveur de l’environnement, qui peine toutefois à convaincre les associations. « C’est un écran de fumée de la part du secteur qui est la source même du problème", a notamment expliqué à France 24 Clément Sénéchal, porte-parole politique climatique de Greenpeace. Une analyse partagée par de nombreuses associations concernant le G7.
Environnement : des « pansements de circonstance »
Les ONG réunies au sein du Réseau action climat (dont WWF et Oxfam) avaient déjà annoncé qu’elles ne participeraient pas au G7. Après une année de travaux préparatoires en collaboration étroite avec les instances de ce sommet mondial et le gouvernement, elles dénonçaient des conditions « imposées par l’Élysée » les empêchant de mener à bien leur travail d’expertise. Ce lundi, elles ont livré leur propre bilan du sommet.
Si le doublement des contributions au Fonds vert ou encore le don à l’Amazonie ont été notés, Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat, a regretté que « la déclaration finale du G7 reste entièrement muette sur le climat », fustigeant « des initiatives « vitrines » destinées à pallier l’absence de volonté des pays du G7 de se mettre sur une trajectoire compatible avec l’accord de Paris ». « Au-delà des pansements de circonstance, il faut des politiques structurelles : la France doit par exemple limiter ses importations de soja et appliquer des lois contraignantes contre la déforestation importée » a expliqué Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques à Greenpeace France.
Pour demander des “actes concrets”, l’ONG appelle donc à une “mobilisation générale”, avec une grève internationale le vendredi 20 septembre ainsi que des marches partout en France le samedi 21 septembre. À Bayonne, la manifestation anti-G7 du 24 août a rassemblé 10 000 militants d’associations traditionnelles altermondialistes et écologistes, activistes basques ou encore gilets jaunes.