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Par Carenews PRO - Publié le 20 octobre 2014 - 11:10 - Mise à jour le 11 février 2015 - 13:52
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[REPORTAGE] Irak: ces enfants qui réapprennent à jouer

Dans les camps de réfugiés syriens au Kurdistan irakien, la vie n’est pas toujours facile, et les enfants sont bien souvent les premières victimes du conflit. Afin de surmonter le traumatisme de cet exil forcé, les ONG ont mis en place des espaces de loisirs où les plus jeunes peuvent enfin retrouver un semblant d’enfance. Reportage dans l’un d’entre eux.

[REPORTAGE] Irak: ces enfants qui réapprennent à jouer
[REPORTAGE] Irak: ces enfants qui réapprennent à jouer

Camp de Kawergosk, Kurdistan irakien – Au milieu des tentes et des files discontinues de réfugiés syriens faisant la queue pour recevoir leurs rations alimentaires quotidiennes, des attroupements autour des centres de santé, des barbelés et des militaires, des enfants s’égaillent, un masque coloré sur le visage. Image surréaliste dans la poussière de Kawergosk, où plus de 13 000 personnes ont trouvé refuge, dans des conditions souvent difficiles : manque de nourriture, maladies, craintes sécuritaires en raison de l’avancée fulgurante de l’État Islamique (EI) sont le pain quotidien de ces syriens qui ont tout perdu en prenant le chemin de l’exil.

Selon Zaina, 26 ans, étudiante en psychologie de l’enfant à l’université de Dohuk (Kurdistan irakien) et qui travaille dans le camp, les enfants sont les premières victimes de cette guerre civile syrienne qui dure depuis près de quatre ans.

« La guerre pose mille problèmes plus terribles les uns que les autres : l’insécurité, les destructions, l’exil. Mais l’un des problèmes principaux est le traumatisme subi par les enfants, surtout les plus jeunes.  Du jour au lendemain ils ont été privés de cette innoncence qui leur permettait de se construire. Ils ont été projetés brutalement dans le monde des adultes. »

Alors les organisations internationales et ONG telles que l’Unicef et ACTED ont mis en place des espaces ludiques où des activités sont proposés aux enfants de tous âges. Aujourd’hui, c’est un atelier de fabrication de masques et de dessin le matin, suivi de cours de danse pour les filles, d’activités sportives pour les garçons.

« Ces activités s’adressent aux plus jeunes, jusqu’à 13 ans, explique Zaina. C’est pour eux un moyen d’évacuer la pression, de se défouler et, dans le cas de l’atelier de fabrication de masques ou de dessin, de stimuler leurs capacités créatives, car c’est ce qu’il perdent en premier avec le traumatisme de la guerre. »

Le dessin, justement permet également aux adolescents qui, eux, ont bien souvent été impliqués directement dans les combats, de raconter ce qu’ils ont vu autrement que par les mots, de mettre sur papier quelques-unes de ces images terribles de cette guerre, qu’ils ont vécue, afin d’apprendre à les surmonter.

Lorsque le conflit a éclaté, en 2011, Ahmed a servi dans les milices d’Alep. Un éclat d’obus a touché les ligaments de sa jambe droite, le laissant partiellement  paralysé. Il a dix-sept ans.

« Je n’ai pas choisi de faire la guerre. Il fallait que je défende mon quartier, on m’a obligé à prendre les armes. J’allais au lycée, et je travaillais à côté dans un épicerie. Aujourd’hui je n’ai plus rien… » Ahmed regarde le ciel. « Je ne sais pas si je pourrai reprendre une vie normale un jour. »

Ahmed et ses compagnons d’infortune sont invités, l’après-midi, à un atelier de dessin dans l’espace de loisirs. Le thème est : dessinez vos souvenirs.

Alors sous la main tremblante de ces adolescents, des images se forment, remontent à la surface, et colorent le papier. Des armes, des soldats, du sang… Mais aussi des maisons, des rivières, des arbres, leur univers aujourd’hui disparu.

« Après ces ateliers de dessin, on a des discussions, raconte Zaina. Mon rôle est de faire parler ces jeunes. Quand on garde les souvenirs douloureux pour soi, ils s’infectent, et sont très difficiles à évacuer. Le mieux et de parler, de partager ces expériences avec les autres, ceux qui ont connu des situations similaires. Car il y a une vie après l’exil. J’en suis persuadée. »

Toute la journée, les puéricultrices, psychologues et personnels d’ONG se relaieront dans l’espace de loisirs. Les jours suivants, ce sera la même chose. Tant que la guerre durera. Tant que le nord de l’Irak restera un endroit sûr pour les centaines de milliers de réfugiés syriens qui ont fui leur pays.

« Pour l’instant, nous avons la sécurité, explique Zaina. Mais jusqu’à quand ? Les groupes terroristes se rapprochent de plus en plus… Les avions étrangers nous survolent chaque jour pour aller bombarder leurs positions. Chaque mauvaise nouvelle en Irak détruit des jours de travail psychologique avec les enfants. Il faut tout reconstruire à chaque fois. »

Avant de monter dans la voiture venue la chercher devant les larges grilles qui barrent l’entrée du camp, Zaina nous dit : « La guerre est désormais des deux côtés de la frontière. Peut-être que dans quelques mois ce sera à mon tour de vivre dans un camp de réfugiés. Alors j’aimerais bien que l’on me vienne en aide, comme j’essaie aujourd’hui d’aider ceux qui souffrent ici. »

Là où bat le cœur du monde, découvrez les reportages d’Alexandre Brecher

Co-fondateur de Carenews, Alexandre Brecher est un infatigable voyageur. Après avoir travaillé en France en tant que journaliste, il s’engage pour la mission des Nations Unies en Afghanistan. Depuis, il parcourt ces zones de conflit où l’histoire s’écrit à toute vitesse, comme le Libéria, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Nord, le Mali, la Centrafrique et l’Irak. Aujourd’hui basé à Yaoundé, au Cameroun, il présente sur Carenews ses reportages, récit des petites histoires qui font la grande, portraits d’une monde en perpétuel changement qu’il ne cesse d’explorer, fidèle à sa devise : « Les hommes pensent qu’il font des voyages, en fait ce sont les voyages qui nous font – ou nous défont. »

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