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Par Carenews PRO - Publié le 1 février 2013 - 12:12 - Mise à jour le 11 février 2015 - 13:14
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[REPORTAGE] Quand un ancêtre redonne espoir à tout un pays: Toumaï

C'est l'histoire d'Ahounta, un jeune tchadien féru d'histoire et d'aventures qui, dans le sous-sol sableux de son pays, va faire une découverte qui va bouleverser notre monde et donner un espoir fou à tout un pays. Pour son histoire du vendredi, Carenews revient sur l'une plus grandes découvertes de notre temps.

[REPORTAGE] Quand un ancêtre redonne espoir à tout un pays: Toumaï
[REPORTAGE] Quand un ancêtre redonne espoir à tout un pays: Toumaï

"Nous avons faim. J'ai faim, et deux millions des nôtres ont faim. Le Tchad c'est comme ça, chaque année, on a faim!" Mahmat essaie de sourire, mais le coeur n'y est pas. Ce chauffeur de taxi de trente-cinq ans a des revenus plus que modestes. Et parvient à peine à faire vivre sa famille. Nous sommes à N'Djaména, la capitale du Tchad, fin octobre. La "période de soudure" est là. Selon les agences humanitaires comme Action Contre la Faim, cette période constitue le moment entre lequel les familles ont terminé de consommer le produit des récoltes de la saison passée sans avoir encore récolté celui de la suivante. Cette saison, les pluies ont été faibles. Il y a encore moins à manger. Les taux de malnutrition atteignent 20% dans certaines provinces, soit 5 points de plus que le seuil à partir duquel l'Organisation Mondiale de la Santé déclare l'état d'urgence. Et la faim n'est pas le seul des maux du Tchad: la guerre, les violences, et depuis peu, une poussée de l'islamisme, notamment de la secte Boko Haram, si virulente au Nigéria voisin. "Oui, nous vivons dans un pays difficile, très difficile même. Mais pour rien au monde je ne déménagerais. Je suis fier d'être tchadien, fier de mon pays!" Son pays, c'est aussi là où notre humanité est née. Et Mahmat a un jour serré la main de celui qui, il y a douze ans, a redonné naissance à notre plus ancien ancêtre: Toumaï. Retour en 2001, dans le grès de Djourab, en plein milieu du désert tchadien. Il fait plus de cinquante degrés. De la lave en fusion tombe du soleil, brûlant les yeux et la peau des hommes qui, avec des gestes nonchalants mais réguliers, creusent le sol à la recherche de squelettes de dinosaures - La région en est remplie. La mission est dirigée par Alain Beauvilain, un géographe détaché auprès du ministère tchadien de l'Enseignement supérieur. Il est accompagné par une équipe tchadienne, dont fait partie le jeune Ahounta Djimdoumalbaye, licencié en sciences naturelles. Ahounta a, selon le reste de l'équipe, des yeux exceptionnels qui lui permettent de faire de nombreuses découvertes dans ces sables si riches d'histoire. La légende raconte que le paléontologue Michel Brunet, qui dirige et finance la mission depuis Paris lui avait prédit, deux ans auparavant, que si jamais il y avait une découverte importante à faire, c'est lui qui la ferait! Ce jour-là, Ahounta décide d'explorer le sud du périmètre. Alors qu'il marche en scrutant minutieusement le sol, il voit une sorte de boule noire encastrée dans des cailloux. Il s'arrête, s'agenouille et, à l'aide d'un pinceau, dégage sa trouvaille. Il remarque deux rangées de dents. Ahounta appelle ses collègues, et, après les premières analyses, le constat est unanime, comme un cri de victoire: Il s'agit du crâne d'un être humain qui vivait voilà plus de 7 millions d'années, juste après que la lignée des humains ne se sépare de celle des chimpanzés. Il mesurait un mètre environ et pesait 35kg.Ce crâne est celui de notre plus vieil ancêtre, bien plus vieux que Lucy et consorts. Environ 400 000 générations nous séparent de ce petit homme à l'aspect primitif! Alain Beauvilain raconte que « Selon les arbres fossiles, les restes d’animaux et les traces d’eau dans le désert le plus chaud d’Afrique, les hommes vivaient dans un véritable jardin (Fleuves, arbres, éléphants, oiseaux). Le cœur de l’Afrique, qui est aujourd’hui un désert aride, est le berceau de l’humanité. » Le crâne est emballé dans du papier toilette pour être ramené à N'Djaména. Peu après son arrivée en grande pompe, le président tchadien Idriss Déby décide de le baptiser "Toumaï", qui signifie « espoir de vie » en langue gorane. Il désigne dans cette langue des enfants nés juste avant la saison sèche. Pendant cette fameuse période de soudure que redoutent tant les humanitaires. Malgré une vive polémique qui s'engage entre Alain Beauvilain, chef de l'expédition de découverte mais simple géographe, et Miche Brunet, directeur officiel des fouilles, Toumaï va devenir une célébrité mondiale. Et une immense fierté pour les 11 millions de tchadiens. "Oui, nous avons faim, nous dit Mahmat. Mais nous sommes tellement fiers. Depuis dix ans on ne parle plus seulement du Tchad pour les famines, les guerres. On parle aussi de notre pays du premier sol foulé par des humains!" Mahmat sourit, et nous montre du doigt le musée d'histoire flambant neuf de N'Djaména où Toumaï repose désormais. Et Ahounta? Quelque part dans le Tibesti, ce massif montagneux qui dominait jadis la jungle du Sahara, et recouvert de peintures rupestres parmi les plus anciennes au monde, il continue ses recherches avec assiduité, son oeil infaillible au service des plus importantes expéditions archéologiques, avec le rêve un peu fou de retrouver "le père de Toumaï". Pour donner encore du baume au coeur de ce peuple tchadien qui en a tant besoin!

Là où bat le cœur du monde, découvrez les reportages d’Alexandre Brecher

Co-fondateur de Carenews, Alexandre Brecher est un infatigable voyageur. Après avoir travaillé en France en tant que journaliste, il s’engage pour la mission des Nations Unies en Afghanistan. Depuis, il parcourt ces zones de conflit où l’histoire s’écrit à toute vitesse, comme le Libéria, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Nord, le Mali, la Centrafrique et l’Irak. Aujourd’hui basé à Yaoundé, au Cameroun, il présente sur Carenews ses reportages, récit des petites histoires qui font la grande, portraits d’une monde en perpétuel changement qu’il ne cesse d’explorer, fidèle à sa devise : « Les hommes pensent qu’il font des voyages, en fait ce sont les voyages qui nous font – ou nous défont. »

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