[ENTRETIEN] Bénédicte Hamon, chargée de mécénat pour le festival Rock en Seine
C'est la saison des festivals. Et les articles évoquant leur financement et de plus en plus, leur mécénat et leur recherche de fonds se multiplient. Il est clair qu’on a de quoi s’interroger sur le mécénat de ces festivals qui auparavant fonctionnaient avec du sponsoring mais surtout sur l’identité de ces festivals jeunes, loin de l’image du mécénat musical qui généralement se tourne vers la musique classique. Bénédicte Hamon est la chargée de mécénat de Rock en Seine. Elle a intégré l'équipe l'année dernière après un début de carrière au service mécénat de la région Nord–Pas-de-Calais. De l'administration au rock, Bénédicte a compris que le mécénat devait prendre en compte les besoins des dirigeants des PME qui sont les principaux mécènes de Rock en Seine. Une recherche de mécénat très concrète avec un axe de financement de projets et de mécénat croisé marqué ; et surtout une vraie réflexion de forme comme de fond, tant sur l'identité du festival (mécénat de PME, jeunesse, contreparties égales pour tous les membres du club) que sur le dispositif légal qui encadre le mécénat en France.
Ces dernières semaines, plusieurs articles ont évoqué les festivals et leur mécénat. Ces articles évoquent l’ouverture de la « chasse aux mécènes » comme celui de Martine Robert pour Les Échos ou encore la cartocrise qui recense « des festivals, structures et associations supprimés/annulés depuis mars 2014 ».
Les festivals font donc du mécénat, et de plus en plus. Le mouvement date de quelques années, les Eurockéennes sont « pionniers en la matière », ayant réussi avant les autres à accompagner leur sponsors vers un nouveau rôle de mécène.
Bénédicte a un parcours qui mêle apprentissage et école de commerce. Elle a fait toute sa carrière dans le mécénat, en commençant par un poste à la région Nord–Pas-de-Calais.
Elle y a travaillé « au sein du service mécénat sous la responsabilité sa directrice ». Ce service dédié au mécénat se consacre à des projets financés et co-financés par l'institution, comme la construction du Louvre-Lens, capitale régionale de la culture, Versailles à Arras… Bénédicte en a un très bon souvenir : « Une petite équipe, et un poste très instructif qui mêlait juridique et commercial. ». Au printemps 2014, elle a intégré l'équipe de Rock en Seine. Le festival réfléchissait alors à des problématiques mécénat depuis 3 ans, avec par exemple l'achat et l'étude de fichiers et « l’invitation d’entreprises franciliennes à venir découvrir le festival ».
En parlant spécifiquement de Rock en Seine, on apprend que la particularité – comme la difficulté – c'est qu'il dure 3 jours par an.
Beaucoup de chefs d'entreprises « ont besoin de le voir » et de découvrir les offres clubs ou invités clients pour ensuite s'investir, ce qui laisse une période de battement d'un an pour conquérir les mécènes. Il s'agit d'entreprises de proximité et principalement de PME. Une réflexion intense est en cours sur l'animation de ce club de mécène pour le faire vivre le reste de l'année. Cette réflexion s’inscrit dans un contexte positif pour le festival qui voit son nombre de mécènes augmenter : 5 mécènes en 2014, 10 en 2015, dont des prestations en nature et en compétences. L'autre particularité de ce club mécénat, c'est que s'il existe trois niveaux de cotisations, les contreparties sont les mêmes pour tous, à l'exception du nombre d'invitations. Ce qui est extrêmement rare et doit contribuer à une ambiance sympathique et à un investissement auprès de tous des membres de l’équipe du festival.
Le mécénat en nature est assez présent : matériel audio et vidéo, dans le cadre de ce soutien, les entreprises peuvent proposer des choses, ce qui rend les projets plus riches. Bénédicte cite l’exemple du mécénat mené par les ingénieurs d'Altran sur un besoin que le festival avait identifié. Il y a également un volet sponsoring qui est indépendant, et, pour l'instant, « peu de passerelles » entre les deux.
Ce qui est mis en exergue par Bénédicte, c’est que l'évènement est « important pour le territoire » ; les retombées économiques et touristiques ne sont plus à prouver, ce qui est un argument phare pour convaincre les entreprises locales.
120 000 personnes en 3 jours participent à ce festival qui contribue également à « faire connaître le cadre » (le parc de Saint-Cloud), sans compter l'impact de la « dimension affective « attachée à Rock en Seine. En septembre aura lieu le bilan, l'occasion d'analyser les points positifs ou ceux à améliorer, et aussi de repartir en prospection. Le club Côté Seine souhaite que les cotisations restent accessibles et est en train de s'orienter vers du mécénat de projets : Mini Rock en Seine, exposition d’illustration Rock’Art, la prévention et la gestion des déchets, la gestion de l'énergie et l'accessibilité pour les publics souffrant de handicap… Concernant les déchets, les actions éco-responsables sont « mécénables », Bénédicte explique que le festival est déjà responsable mais que pour « passer à la vitesse supérieure », il faudra lever des fonds.
Il s'agit de financer le matériel de tri, les brigades vertes (qui sensibilisent les festivaliers) et la gestion des déchets – « On est une ville de 40 000 habitants pendant 3 jours ! »– , des supports et animations de sensibilisation, etc. 2015 et 2016 sont tournés vers l'environnement avec un partenariat avec France Nature Environnement qui est chargé de l’audit et de l’accompagnement du festival sur ces problématiques.
On sent que Mini Rock en Seine est une spécificité et un objet de fierté pour le festival . En effet, il est proposé gratuitement aux enfants accompagnant leurs parents festivaliers. Jusqu'à 10 ans, les enfants encadrés par des professionnels peuvent faire des activités comme une Mini Rock TV, des initiations à la musique, des booms…
Certains de ces projets sont menés avec intelligence et coopération avec Les Vieilles charrues et les Eurockéenes. En 2014, ils se sont mis à trois pour réfléchir à des problématiques d'accessibilité et de handicap, et pour partager le matériel. Malakoff Médéric a par exemple financé l'accessibilité du site aux déficients visuels (OPQUAST). Parmi les autres projets d'accessibilité des boucles auditives et un chemin pour les personnes en fauteuil. Comme quoi, la co-construction se vit surtout du côté des porteurs de projets !
Nous finissons sur le lien affectif qui lie les particuliers comme les entreprises aux festivals. La question du mécénat est au cœur de toutes les préoccupations avec la disparition de beaucoup d'évènements et les problématiques d'autofinancement qui deviennent cruciales.
Beaucoup de festivals « s'y mettent », dans un contexte où le sponsoring était prédominant avant. Le mécénat a « de beaux jours devant lui », surtout que c'est un sujet qui devient « très connu » et est de plus en plus visible. La question centrale est celle de la fidélisation, les chefs d'entreprises d'aujourd'hui étant également une génération de festivaliers. Au centre des attentions, l'impact des projets et le mécénat croisé. « Tant qu'on a le cadre légal avec nous... » Et peut-être même une souhaitable évolution pour le mécénat des PME. Bénédicte évoque le « plafond de déductibilité à augmenter » éventuellement, et elle n’est pas la seule.