[MÉCÉNAT CULTUREL] Le mécénat s’envole à Toulouse
Bernard Hasquenoph, fondateur de Louvre pour tous, signe pour carenews.com une rubrique mensuelle. À travers des chroniques étudiant quelques cas d'études de mécénat culturel, Bernard Hasquenoph retrace l'historique des relations entre de grandes marques, souvent du luxe, et les institutions culturelles françaises. Croisant les problématiques de la philanthropie, du marketing, de l'image, du financement, du parrainage... ses récits sont au coeur d'une spécificité bien française, celle du mécénat culturel traditionnel, devenu nécessaire et omniprésent, parfois sans le dire, dans les musées, établissements publics, opéras, théâtres...
Une piste d’atterrissage inscrite aux monuments historiques ? Oui, elle est à Toulouse, dans le quartier de Montaudran. Pour les passionnés d’aviation, le lieu est mythique car c’est de là que s’envolèrent il y a un siècle les pionniers de l'Aéropostale comme Saint-Exupéry. L’usine qui l’abrite, aux bâtiments aussi protégés, appartenait à Pierre-Georges Latécoère qui fut parmi les premiers à exploiter commercialement le moyen de transport, à l’origine de la vocation aéronautique et spatiale de Toulouse. Fin 2018, pour 10 millions d’euros, cette zone urbaine dédiée au secteur accueillera un site culturel baptisé la Piste des Géants comprenant un espace muséographique. Parmi les soutiens, Altran réalisera en mécénat de compétences un simulateur de vol. En 2015, on trouvait déjà cette société d’ingénierie aux côtés du musée Aeroscopia ouvert à Toulouse-Blagnac pour présenter des avions, près des usines d’Airbus associé au projet. La même année, le Quai des Savoirs, lieu d’expérimentations et d’événements, s’installait dans l’ancienne faculté des sciences. Toulouse a fait depuis longtemps le choix stratégique de miser sur la culture scientifique en adéquation avec son activité économique, drainant mécènes, sponsors et partenaires et attirant un public nombreux et familial. Cette année, la Cité de l'Espace, parc à thème dédié à la conquête spatiale et à l'astronomie accueillant 300 000 visiteurs par an, fête ses vingt ans. En 2008, après 35 millions d'euros de travaux, le Muséum d’histoire naturelle rouvrait, axant sa mission sur son appropriation citoyenne. Il accueille aujourd’hui plus de 250 000 visiteurs. Pour Francis Grass, adjoint à la Culture de Jean-Luc Moudenc élu maire en 2014, qui nous reçoit au Capitole, le but est de faire de Toulouse une « métropole des savoirs et de diffusion de la connaissance ». Et d’inciter les touristes à prolonger leur séjour. De fait, les musées d’art semblent relégués à l’arrière-plan, malgré quelques travaux. Les Augustins, riche musée des Beaux-Arts installé dans un couvent, attends toujours sa grande rénovation. Bien vivants dans leur programmation et innovants en terme de médiation, certains sont un peu vieillots, d’autres trop à l’étroit... Le plus coté est peut-être Les Abattoirs, musée d’art moderne associé au fonds régional d'art contemporain (Frac) de Midi-Pyrénées. Ouvert en 2000, c’est aussi le plus neuf. Signe encourageant, le musée de l'Affiche de Toulouse (Matou) vient de rouvrir, modernisé pour 800 000 euros. La mairie entend aussi mieux valoriser ses monuments, dans l’optique d’obtenir le label patrimoine mondial de l'Unesco pour Toulouse. Toutes les initiatives sont donc les bienvenues pour impliquer la population et rapporter de l’argent. Jusque là, question mécénat, chaque établissement se débrouillait par lui-même. Pas toujours de manière régulière, confie Francis Grass. « Confronté à la contrainte sur les finances publiques, explique-t-il, le maire a souhaité développer de manière plus active le mécénat ». Une personne, affectée à plein temps à cette mission, a pour rôle d’encourager les structures culturelles, pas seulement publiques, à rechercher des mécènes, à les accompagner dans leur démarche si nécessaire. En 2015, le Muséum innovait en lançant une opération de mécénat participatif pour financer la naturalisation d’une girafe, dépassant en trois mois les 15 000 euros espérés. Fort de cet exemple, les entreprises mécènes de l’Orchestre du Capitole réunies depuis trente ans dans l’association AÏDA présidée par Francis Grass, reproduirent l’année suivante l’opération pour acquérir des clarinettes, collectant 10 000 euros en deux semaines. Dans la foulée, la mairie mis en place le même dispositif pour contribuer à la rénovation des basiliques Saint-Sernin et de la Daurade. Les résultats furent maigres. « On découvre, analyse l’adjoint, que le mécénat participatif n’est pas automatique. Il faut un marketing adapté, bien expliquer, trouver la bonne communauté… ». Cette année, le projet, reconfiguré et mené en partenariat avec la Fondation du patrimoine, cible la rénovation de l’orgue de l’une et des cloches de l’autre. Cependant, ces initiatives soulèvent parfois des critiques. De manière inattendue, l’achat des clarinettes déclencha la colère de l’Orchestre du Capitole : « Cette opération lancée sans consultation fait un peu demande d'aumône, déclara un musicien à la radio, et risque de faire penser à certains élus qu'un désengagement public serait possible ». D’autres doutent de la sincérité de la ville à vouloir protéger son patrimoine quand des aménagements autour de Saint-Sernin ont pu détruire des vestiges enfouis, faute de fouilles approfondies.
Edit du 15 juin 2017
La Mairie de Toulouse a souhaité apporter les éléments suivants :
" Conscient de la haute valeur historique de ce site, Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, a pris l'initiative de demander au Préfet de prescrire, par l'intermédiaire de la DRAC, un diagnostic archéologique.
Parallèlement, M. le Préfet a rappelé l’attention toute particulière de la Collectivité et de l’Etat aux enjeux archéologiques et le choix de la mise en place d’une réserve archéologique pour le site de Saint-Sernin.
Le projet Grand Saint-Sernin et le dispositif mis en œuvre sur le terrain pour préserver les vestiges ont été élaborés en concertation très étroite avec les services de l’Etat et validé par la Commission nationale des monuments historiques du Ministère de la Culture."